Tribunal administratif de Lyon

Jugement du 14 février 2023 n° 2206430

14/02/2023

Non renvoi

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 25 août et le 27 septembre 2022, M. B C, représenté par Me Lantheaume, demande au tribunal, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler :

- la décision implicite par laquelle le préfet du Rhône a refusé le renouvellement de sa carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ;

- la décision du 6 septembre 2022 par laquelle le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer une carte de séjour pluriannuelle ;

2°) d'enjoindre au préfet du Rhône :

- à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour pluriannuelle et à défaut une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de trente jours à compter de la notification du jugement à intervenir,

- à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de trente jours à compter de la notification du jugement à intervenir ;

3°) de condamner l'État à lui verser une somme de 8 000 euros en réparation des préjudices subis du fait des décisions susmentionnées, avec intérêts au taux légal à compter de la réception par le préfet de sa demande préalable et capitalisation des intérêts ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les décisions implicites de refus de renouvellement de son titre de séjour et de refus de délivrance d'une carte de séjour pluriannuelle sont entachées d'un défaut de motivation ;

- les décisions portent une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale et méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision implicite de refus de renouvellement de son titre de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision de refus de délivrance d'une carte de séjour pluriannuelle méconnaît les dispositions de l'article L. 433-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les dispositions du 1° de l'article L. 433-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur lesquelles le préfet a fondé sa décision du 6 septembre 2022 portant refus de délivrance d'un titre de séjour pluriannuel sont inconstitutionnelles puisqu'elles portent atteinte à l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi, qui découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et au principe de clarté de la loi, qui découle de l'article 34 de la Constitution ;

- la décision du 6 septembre 2022 est entachée d'une erreur d'appréciation, dès lors que les faits invoqués par le préfet ne sauraient être considérés comme constitutifs d'une manifestation d'un rejet des valeurs essentielles de la société française et de la République ;

- l'illégalité des décisions contestées constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'État et à ouvrir droit à réparation des préjudices qui y sont imputables ;

- il subit un préjudice du fait de la précarité de la situation dans laquelle ces décisions le placent, de l'impossibilité pour lui de conclure le contrat à durée indéterminée que son employeur souhaite pourtant lui proposer et des difficultés administratives que sa situation occasionne ; il est par suite fondé à solliciter le versement d'une somme de 8 000 euros.

Par un mémoire, enregistré le 27 septembre 2022, M. B C demande au tribunal, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de sa requête tendant à l'annulation des décisions implicites par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de renouveler son titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et de lui délivrer une carte de séjour pluriannuelle et à l'annulation de la décision du 6 septembre 2022 par laquelle le préfet du Rhône a confirmé ce second refus, de transmettre au Conseil d'État la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution du 1° de l'article L. 433-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Il soutient que ces dispositions, applicables au litige et n'ayant jamais été déclarées conformes à la Constitution, en ce qu'elles subordonnent la délivrance d'une carte de séjour pluriannuelle à la condition que l'étranger n'ait pas manifesté de rejet des valeurs essentielles de la société française et de la République, contreviennent à l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi, qui découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, et au principe de clarté de la loi, qui découle de l'article 34 de la Constitution.

La procédure a été communiquée au préfet du Rhône, à la Première ministre (secrétariat général du Gouvernement) et au ministre de l'intérieur et des outre-mer, qui n'ont pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord du 9 octobre 1987 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A,

- les conclusions de M. D,

- et les observations de Me Lantheaume, représentant M. C.

Considérant ce qui suit :

1. M. C, ressortissant marocain né le 19 août 1998, déclare être entré sur le territoire français en 2002 à l'âge de quatre ans. Il a bénéficié de titres de séjour l'autorisant à séjourner en France, en dernier une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " valable du 27 novembre 2020 au 26 novembre 2021, dont il a sollicité le renouvellement le 17 décembre 2021. Il a également sollicité la délivrance d'une carte de séjour pluriannuelle. Des décisions implicites de rejet de ces demandes sont nées du silence gardé par le préfet du Rhône sur ces demandes. Par un courrier de son conseil du 21 juillet 2022, M. C a sollicité la communication des motifs de ces décisions implicites, et formé une réclamation indemnitaire préalable afin d'obtenir l'indemnisation des préjudices subis du fait du refus opposé, à laquelle le préfet n'a pas donné de suite. Par un courrier du 6 septembre 2022, le préfet du Rhône a explicitement refusé de délivrer une carte de séjour pluriannuelle à M. C et l'a informé de ce qu'il allait procéder au renouvellement de sa carte de séjour temporaire d'une durée d'un an portant la mention " vie privée et familiale ". Par sa requête, M. C demande, dans le dernier état de ses écritures, l'annulation de la décision implicite de refus de renouvellement de sa carte de séjour temporaire et celle de la décision explicite du 6 septembre 2022 refusant de lui délivrer une carte de séjour pluriannuelle, ainsi que l'indemnisation des préjudices subis du fait de ces décisions.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la décision portant refus de délivrance d'une carte de séjour pluriannuelle :

2. Aux termes de l'article L. 433-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Au terme d'une première année de séjour régulier en France accompli au titre d'un visa de long séjour tel que défini au 2° de l'article L. 411-1 ou, sous réserve des exceptions prévues à l'article L. 433-5, d'une carte de séjour temporaire, l'étranger bénéficie, à sa demande, d'une carte de séjour pluriannuelle dès lors que : / 1° Il justifie de son assiduité, sous réserve de circonstances exceptionnelles, et du sérieux de sa participation aux formations prescrites par l'État dans le cadre du contrat d'intégration républicaine conclu en application de l'article L. 413-2 et n'a pas manifesté de rejet des valeurs essentielles de la société française et de la République ; / 2° Il continue de remplir les conditions de délivrance de la carte de séjour temporaire dont il était précédemment titulaire. / La carte de séjour pluriannuelle porte la même mention que la carte de séjour temporaire dont il était précédemment titulaire. / () ".

Quant à la question prioritaire de constitutionnalité :

3. Aux termes de l'article 61-1 de la Constitution du 4 octobre 1958 : " Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. / Une loi organique détermine les conditions d'application du présent article. " Aux termes de l'article 23-1 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Devant les juridictions relevant du Conseil d'Etat (), le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d'irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé. () / () ". Aux termes de l'article 23-2 de cette loi organique : " La juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat (). Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies : / 1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ; / 2° Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ; / 3° La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux. / En tout état de cause, la juridiction doit, lorsqu'elle est saisie de moyens contestant la conformité d'une disposition législative, d'une part, aux droits et libertés garantis par la Constitution et, d'autre part, aux engagements internationaux de la France, se prononcer par priorité sur la transmission de la question de constitutionnalité au Conseil d'Etat (). / La décision de transmettre la question est adressée au Conseil d'Etat () dans les huit jours de son prononcé avec les mémoires ou les conclusions des parties. Elle n'est susceptible d'aucun recours. Le refus de transmettre la question ne peut être contesté qu'à l'occasion d'un recours contre la décision réglant tout ou partie du litige. "

4. Il résulte de ces dispositions que le tribunal, saisi d'un moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution présenté dans un écrit distinct et motivé, statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'État et procède à cette transmission si est remplie la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question ne soit pas dépourvue de caractère sérieux.

5. M. C soulève, à l'appui de sa requête tendant à l'annulation de la décision du 6 septembre 2022 par laquelle le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer une carte de séjour pluriannuelle, la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du 1° de l'article L. 433-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. L'article 17 de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France a créé un article L. 313-17 dans le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que l'ordonnance n° 2020-1733 du 16 décembre 2020 portant partie législative du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a codifié à l'article L. 433-4 du même code à compter du 1er mai 2021. Les dispositions du 1° de cet article conditionnent le bénéfice de la délivrance d'une carte de séjour pluriannuelle, sur demande, à l'étranger ayant accompli une première année de séjour régulier en France sous couvert de certains titres de séjour, à ce que l'étranger n'ait " pas manifesté de rejet des valeurs essentielles de la société française et de la République ".

7. Il incombe au législateur d'exercer pleinement la compétence que lui confie la Constitution et, en particulier, son article 34. À cet égard, le principe de clarté de la loi, qui découle du même article de la Constitution, et l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi, qui découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration de 1789, lui imposent d'adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques afin de prémunir les sujets de droit contre une interprétation contraire à la Constitution ou contre le risque d'arbitraire, sans reporter sur des autorités administratives ou juridictionnelles le soin de fixer des règles dont la détermination n'a été confiée par la Constitution qu'à la loi.

8. Toutefois, la méconnaissance par le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où cette méconnaissance affecte par elle-même un droit ou une liberté que la Constitution garantit.

9. Aucune règle de valeur constitutionnelle n'assure aux étrangers des droits de caractère général et absolu d'accès et de séjour sur le territoire national. Les conditions de leur entrée et de leur séjour peuvent être restreintes par des mesures de police administrative conférant à l'autorité publique des pouvoirs étendus et reposant sur des règles spécifiques. L'objectif de lutte contre l'immigration irrégulière participe de la sauvegarde de l'ordre public qui est une exigence de valeur constitutionnelle.

10. Si le requérant soutient que les dispositions du 1° de l'article L. 433-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne sont pas conformes à l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi et au principe de clarté de la loi, en ce que le législateur n'a pas précisé la consistance des " valeurs essentielles de la société française et de la République " dont l'étranger sollicitant la délivrance d'une carte de séjour pluriannuelle ne doit pas avoir manifesté le rejet pour pouvoir bénéficier d'une carte de séjour pluriannuelle, il n'expose pas quels droits ou libertés garantis par la Constitution seraient affectés par la méconnaissance par le législateur de sa compétence du fait d'une rédaction ambigüe ou imprécise des dispositions contestées.

11. Ainsi, le moyen tiré de ce que ces dispositions méconnaitraient l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi et le principe de clarté de la loi ne présente pas de caractère sérieux.

12. Dès lors, il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'État la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution du 1° de l'article L. 433-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Quant aux autres moyens :

13. Il ressort des termes de la décision du 6 septembre 2022 que le préfet du Rhône a refusé de délivrer une carte de séjour pluriannuelle à M. C, tout en reconnaissant qu'il justifie remplir les conditions pour obtenir la délivrance de ce titre, au motif qu'il a été condamné pour conduite d'un véhicule sans permis le 14 septembre 2016 et le 1er juin 2017, que cette condamnation à deux reprises pour ce délit manifeste un non-respect des valeurs citoyennes de la République française et qu'aussi son comportement " est de nature à manifester un rejet des valeurs essentielles de la société française et de la République ".

14. En considérant que le comportement de M. C était de nature à manifester un rejet des valeurs essentielles de la société française et de la République, au seul motif qu'il a été condamné, cinq et six ans auparavant, à l'âge de dix-huit ans, pour le délit de conduite d'un véhicule sans permis, alors que ces condamnations, restées isolées, ne manifestent pas de volonté de l'intéressé de ne pas s'intégrer à la société française, le préfet du Rhône a entaché sa décision d'une erreur dans l'appréciation de la condition d'absence de manifestation de rejet des valeurs essentielles de la société française et de la République prévue au 1° de l'article L. 433-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

15. M. C est dès lors fondé à solliciter l'annulation de la décision du 6 septembre 2022 pour ce motif, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête dirigés contre cette décision.

En ce qui concerne la décision implicite portant refus de renouvellement d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " :

16. Il ressort des pièces du dossier que M. C, né en 1998 au Maroc, entré en France alors qu'il était mineur, a été scolarisé plusieurs années sur le territoire français ainsi qu'il en justifie par la production des certificats de scolarité pour l'année 2004-2005 et pour les années 2010-2014, ayant obtenu le diplôme national du brevet en 2014. Après avoir suivi deux années de préparation d'un certificat d'aptitude professionnelle, il a travaillé de manière discontinue mais toutes les années depuis 2016. Il a conclu un contrat de travail à durée déterminée à temps partiel en qualité de chauffeur à compter du 2 décembre 2021, renouvelé. Il produit des avis d'imposition comportant des revenus déclarés depuis l'année 2017 et produit un courrier de son employeur indiquant qu'il souhaiterait lui proposer un contrat à durée indéterminée. M. C vit en concubinage avec une ressortissante française depuis le mois de décembre 2019, ainsi qu'il ressort d'un bail conclu à leurs deux noms, et a séjourné régulièrement en France, en dernier lieu d'un titre de séjour d'une durée d'un an valable du 27 novembre 2020 au 26 novembre 2021. Eu égard à la longue durée de présence en France de M. C, à la régularité de son séjour jusqu'en novembre 2021, à ses perspectives d'intégration professionnelle et à sa relation stable avec une ressortissante française, le préfet du Rhône a porté au droit au respect de la vie privée et familiale du requérant une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par la décision attaquée. M. C est, par suite, fondé à soutenir que la décision implicite de refus de renouvellement de son titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

17. Il résulte de ce qui précède que M. C est fondé à solliciter l'annulation de la décision implicite de refus de renouvellement de son titre de séjour, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés à l'encontre de cette décision.

Sur les conclusions à fin d'indemnisation :

18. M. C soutient avoir subi un préjudice du fait de l'illégalité des décisions refusant de lui accorder un titre de séjour, en ce qu'elles le placent dans une situation de grande précarité, notamment professionnelle. Toutefois, le requérant n'établit pas la réalité du préjudice subi en se bornant à soutenir que l'absence de titre de séjour l'empêche de conclure un contrat de travail à durée indéterminée ou de trouver un logement et à produire des attestations rédigées par lui-même ou sa compagne et un courrier de son employeur exprimant son souhait de lui proposer un contrat à durée indéterminée à la condition qu'il présente une carte de séjour valide.

19. Dans ces conditions, les conclusions indemnitaires présentées par M. C doivent être rejetées.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

20. L'exécution du présent jugement, qui annule la décision de refus de délivrance d'une carte de séjour pluriannuelle pour erreur d'appréciation, implique qu'une telle carte soit délivrée à M. C, le préfet du Rhône n'ayant pas contesté que l'intéressé en remplissait les autres conditions de délivrance. La circonstance que le préfet du Rhône ait indiqué dans un courrier du 6 septembre 2022 qu'une carte de séjour temporaire d'une durée d'un an allait lui être délivrée est à cet égard sans incidence. Il y a dès lors lieu d'enjoindre au préfet du Rhône de procéder à la délivrance d'une carte de séjour pluriannuelle, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent jugement.

Sur les frais liés au litige :

21. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme de 1 200 euros au titre des frais exposés par M. C et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. C.

Article 2 : La décision du préfet du Rhône du 6 septembre 2022 portant refus de délivrance d'une carte de séjour pluriannuelle à M. C et la décision implicite par laquelle le préfet du Rhône a refusé de renouveler la carte de séjour temporaire de M. C sont annulées.

Article 3 : Il est enjoint au préfet du Rhône de délivrer à M. C, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent jugement, une carte de séjour pluriannuelle portant la mention " vie privée et familiale ".

Article 4 : L'État versera à M. C une somme de 1 200 (mille deux cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent jugement sera notifié à M. B C, à la préfète du Rhône, à la Première ministre et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 24 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

M. Drouet, président,

Mme Maubon, première conseillère,

M. Gilbertas, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 février 2023.

La rapporteure,

G. ALe président,

H. Drouet

La greffière,

C. Amouny

La République mande et ordonne à la préfète du Rhône, à la Première ministre et au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Une greffière,

Code publication

C