Cour d'Appel de Versailles

Arrêt du 10 février 2023 n° 23/00366

10/02/2023

Non renvoi

N° 42
du 10 FÉVRIER 2023

9ème CHAMBRE

RG : 23/00366

Le conseil départemental des Hauts-de-Seine 92

COUR D’APPEL DE VERSAILLES

Arrêt prononcé publiquement le DIX FÉVRIER DEUX MILLE VINGT TROIS, par Madame MACE, Présidente de la 9ème chambre des appels correctionnels, en présence du ministère public,

Nature de l’arrêt :

Voir dispositif

QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITÉ

Sur appel d'un jugement du tribunal correctionnel de Nanterre - 14ème chambre, du 14 décembre 2021,

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats, du délibéré,

PRÉSIDENT :          Madame MACE,

CONSEILLERS :     Madame CHAMBEAUD,

Monsieur GAUDIN,

DÉCISION :

Voir dispositif

MINISTÈRE PUBLIC :      Monsieur BONAN, avocat général, lors des débats,

GREFFIER :                        Madame DOMEC, lors des débats et au prononcé de l'arrêt,

PARTIES EN CAUSE

Bordereau N°

du

PRÉVENU

LE CONSEIL DÉPARTEMENTAL DES HAUTS DE SEINE 92

La défense – 57 rue des Longues Raies – 92000 NANTERRE

Non comparant, représenté par Maître LOPEZ Louis Ferdinand, avocat au barreau de Paris, substituant Maître MORANT Jean-François, avocat au barreau de Paris, qui a déposé des conclusions visées à l'audience,

PARTIE CIVILE

[A] [B] [C]

Demeurant [Adresse 1] – [Localité 2]

Comparant, non assisté, qui a déposé des conclusions et une question prioritaire de constitutionnalité,

RAPPEL DE LA PROCÉDURE :

LE JUGEMENT :

Par jugement contradictoire en date du 14 décembre 2021, le tribunal correctionnel de Nanterre - 14ème chambre :

Sur l’action publique :

- a renvoyé le Conseil Départemental des Hauts de Seine, représenté par son président en exercice, Monsieur [D] [E] des fins de la poursuite pour les faits de :

ATTEINTE À LA LIBERTÉ D’ACCÈS OU A L’EGALITE DES CANDIDATS DANS LES MARCHES PUBLICS, faits commis depuis le 1er janvier 2013 à NANTERRE, HAUTS DE SEINE

ABUS DE CONFIANCE, faits commis depuis le 1°” janvier 2013 à NANTERRE

Sur l’action civile :

- a reçu la constitution de partie civile de [A] [B] [C]

- a débouté [A] [B] [C] de ses demandes

- a condamné [A] [B] [C] à payer au Conseil Départemental des Hauts de Seine représenté par son président en exercice, Monsieur [D] [E], la somme de 1500€ au titre de l’article 472 du code de procédure pénale.

LES APPELS :

Appel a été interjeté par :

  • Monsieur [A] [B] [C], le 14 décembre 2021, appel principal, son appel portant sur l'entier dispositif,

DÉROULEMENT DES DÉBATS :

A l'audience publique du 01 février 2023, Madame la Présidente a vérifié l'identité de la partie civile ;

Ont été entendus :

Monsieur [A] [B] [C], partie civile, en ses observations et en ses écritures sur la demande de question prioritaire de constitutionnalité,

Monsieur BONAN, avocat général, en ses réquisitions,

Maître LOPEZ Louis Ferdinand, avocat du prévenu, en sa plaidoirie et en ses conclusions sur la demande de question prioritaire de constitutionnalité,

Monsieur [A] [B] [C], partie civile, qui a eu la parole en dernier

Madame la présidente a ensuite averti les parties que l'arrêt serait prononcé à l'audience du 10 FÉVRIER 2023 conformément à l’article 462 du code de procédure pénale.

DÉCISION

Par exploit d'huissier de justice du 24 janvier 2020, et après versement de la consignation mise à sa charge, [B] [C] [A] a fait citer le département des Hauts-de-Seine devant le tribunal correctionnel de Nanterre aux fins de :

le voir déclarer coupable :

- au visa de l'article 432-14 du code pénal, d'avoir à NANTERRE, depuis janvier 2013, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par le prescription, procuré à autrui, en l'espèce aux SAAF et aux promoteurs de Télégestion-CESU, un avantage injustifié par un acte contraire aux dispositions législatives ou réglementaires ayant pour objet de garantir la liberté d'accès et l'égalité des candidats dans les contrats de concession et les marchés publics, en l'espèce par l'exclusion de la commande publique des dépenses au profit des SAAD, par des DSP attribuées aux SAAD sans définition précise de leur mission de service public : salarier et coordonner des intervenants pour réaliser des heures prévues pour les bénéficiaires, sans mise en concurrence pour avantager les SAAD qui ne proposent aucun service moderne aux usagers pour respecter les réglementations instaurées depuis 2012, par des subventions injustifiées aux SAAD, en particulier pour la Télégestion et l'informatique, en particulier à UNA, SYNERGIE, FAMILLE SERVICES, par l'absence de mise en concurrence du dispositif de contrôle par Télégestion qui a profité aux opérateurs de Télégestion, en particulier à UP, par une définition tendancieuse des besoins du dispositif de contrôle par CESU qui a profité aux opérateurs de CESU, en particulier à EDENRED, ce au préjudice de M. [A], propriétaire et gestionnaire de la plateforme de gestion d'interventions en ligne YouTime, qui aurait gagné la DSP d'envoi des SMS aux bénéficiaires pour les informer précisément de leurs heures prévues et réalisées, de tiers-de-confiance pour tracer l'effectivité des heures prévues et réalisées, qui souffre des subventions injustifiées aux SAAD faussant la concurrence, qui aurait gagné la DSP de contrôle récupérant l'aide sociale non-réalisée de tous les bénéficiaires, après information et contrôle des bénéficiaires, rendant publics sur Internet les taux de non-réalisation de l'aide sociale,

- au visa des articles 314-1 et suivants du code pénal, d'avoir à NANTERRE, depuis janvier 2013, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, détourné des aides sociales APA/PCH des personnes âgées/handicapées, qui lui avaient été remises et qu'il a acceptées d'en faire un usage déterminé, en l'espèce les verser aux bénéficiaires pour payer des heures d'intervenants à domicile, aider les bénéficiaires à contrôler leurs heures prévues et réalisées, récupérer les aides sociales non-utilisées après information et contrôle des bénéficiaires, non les verser à l'émetteur CESU pour qu'il exploite en catimini les aides sociales non-utilisées des bénéficiaires les plus fragiles qui n'arrivent pas à contrôler leurs consommations, pour s'enrichir, non laisser les SAAD récupérer en catimini les aides sociales non-utilisées des bénéficiaires les plus fragiles qui n'arrivent pas à contrôler leurs consommations, pour s'enrichir, ce au préjudice des bénéficiaires et de M. [A], propriétaire et gestionnaire de la plateforme de gestion d'interventions en ligne YouTime, qui souffre de l'enrichissement déloyal de l'émetteur CESU et des SAAD, qui propose sans succès le service d'envoi des SMS aux bénéficiaires pour les aider à réaliser-utiliser-consommer correctement leurs aides sociales.

  • Ordonner au Département :

- la publication sur Internet des taux de non-réalisation de l'aide sociale, des aides publiques accordées aux SAAD depuis janvier 2013,

- la mise en place du service public d'envoi des SMS aux bénéficiaires pour les informer précisément leurs heures prévues et réalisées, de tiers-de-confiance pour tracer l'effectivité des heures prévues et réalisées,

- la mise en place du service public de contrôle récupérant l'aide sociale non-réalisée de tous les bénéficiaires, après information et contrôle des bénéficiaires, rendant publics sur Internet les taux de non-réalisation de l'aide sociale.

Par jugement du 14 décembre 2021, le Tribunal correctionnel de Nanterre a, sur l'action publique, renvoyé le conseil départemental des Hauts-de-Seine des fins de la poursuite pour les faits d'atteinte à la liberté d'accès ou à l'égalité des candidats dans les marchés publics commis depuis le 1er janvier 2013 à Nanterre (Hauts-de-Seine) et des faits d'abus de confiance commis depuis le 1er janvier 2013 à Nanterre et, sur l'action civile, a reçu la constitution de partie civile de [B] [C] [A], l'a débouté de ses demandes et a condamné [B] [C] [A] à payer au conseil départemental des Hauts-de-Seine une somme de 1500 € en application de l'article 472 du code de procédure pénale.

Le 14 décembre 2021, [B] [C] [A] a interjeté appel principal des dispositions pénales et civiles du jugement précité.

Par écrit distinct et motivé en date du 16 janvier 2023 enregistré le 18 janvier suivant, [B] [C] [A] a transmis à la cour une question prioritaire de constitutionnalité par laquelle il demande :

  • d'annuler l'audience d'appel du 1er février 2023,
  • déclaré que l'article 497 du code de procédure pénale n'est pas applicable à l'affaire en cause,
  • organiser une nouvelle audience d'appel après avoir précisé ses intentions concernant l'utilisation de l'article 497 du code de procédure pénale,
  • transmettre cette question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation qui saisira le conseil constitutionnel qui statuera sur le caractère inconstitutionnel de l'article 497 du code de procédure pénale.

Aux termes de sa question prioritaire de constitutionnalité, [B] [C] [A] indique que : " Pour éviter au présent appel le même sort d'irrecevabilité, [B] [C] [A] conteste la constitutionnalité de l'article 497 du code de procédure pénal qui viole les droits de la partie civile poursuivante : à un recours effectif en appel, à demander à la justice de rendre justice, à l'égalité des parties devant la justice. Certes, cet article a été déclaré conforme à la Constitution par décision le 31/01/2014 n° 2013-363 du Conseil constitutionnel. Mais, dans le cas inhabituel de citation directe par partie civile poursuivante, cet article est abscons et absurde, [B] [C] [A] pose donc une QPC à la Cour d'appel avant que l'affaire ne soit jugée".

A l'appui de sa question prioritaire de constitutionnalité, il soutient principalement que la décision du 31 janvier 2014 n°2013-363 du conseil constitutionnel ayant déclaré conforme à la constitution l'article 497 du code de procédure pénale ne saurait recevoir application dans le cadre d'une citation directe devant le tribunal correctionnel à l'initiative de la partie civile poursuivante. En permettant à la partie civile d'interjeter appel sur les seules dispositions civiles, alors qu'elle est partie poursuivante, la relaxe du prévenu est définitive et ne peut être en aucun cas être remise en cause ce qui est contraire à l'article 6 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 qui garantit le principe d'égalité des parties devant la justice et constitue un déni de justice.

Par avis écrit du 24 janvier 2023, le ministère public, après avoir fait observer que [B] [C] [A] ne formulait pas expressément une question prioritaire de constitutionnalité concernant l'article 497 du code de procédure pénale, a émis un avis défavorable à sa transmission à la Cour de cassation faisant valoir que le Conseil Constitutionnel avait déjà déclaré l'article en cause conforme à la Constitution par décision n°2014-363 du 31 janvier 2014.

Devant la cour, [B] [C] [A] a développé l'argumentaire contenu dans sa demande de transmission à la Cour de cassation de sa question prioritaire de constitutionnalité.

Monsieur l'avocat général a repris les termes de ses réquisitions écrites.

Le conseil du département des Hauts de Seine a développé ses conclusions par lesquelles il demande à la cour de rejeter la question prioritaire de constitutionnalité déposée par [B] [C] [A] faisant valoir que la question de constitutionnalité de l'article 497 du code de procédure pénale a déjà été posée au Conseil Constitutionnel, les moyens invoqués devant le Conseil étant précisément le droit à un recours effectif et le principe d'égalité devant la justice (CC QPC 31 janvier 2014 n°2013-363).

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de la demande d'examen de la question prioritaire de constitutionnalité

En l'espèce, le moyen tiré de l'atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution a été présenté dans un écrit distinct et motivé.

La demande est donc recevable en la forme.

Sur le fond

L'article 23-2 de l'ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, modifiée par la loi organique n°2009-1523 du 10 décembre 2009 relative à l'article 61-1 de la Constitution, pose trois conditions à la transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité :

  • la disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou elle constitue le fondement des poursuites,
  • elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil Constitutionnel, sauf changement de circonstances,
  • elle n'est pas dépourvue de caractère sérieux.

En premier lieu, la disposition législative contestée, en réalité les dispositions du 3° de l'article 497 du code de procédure pénale qui limitent le droit d'appel de la partie civile à ses seuls intérêts civils, est applicable à la procédure dans la mesure où la présente question prioritaire de constitutionnalité vise à déterminer le périmètre de l'appel interjeté par une partie civile d'un jugement de relaxe prononcée après saisine du tribunal correctionnel par voie de citation directe par la partie civile elle-même et que [B] [C] [A], partie poursuivante, a interjeté appel de l'entier dispositif du jugement déféré.

En second lieu, il résulte des dispositions combinées des troisièmes alinéas des article 23-2 et 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 que le Conseil constitutionnel ne peut être saisi d'une question relative à une disposition qui a déjà été déclarée conforme à la Constitution sauf changements de circonstances et aux termes de l'article R.49-26 du code de procédure pénale, la juridiction saisie de la question prioritaire de constitutionnalité n'est pas tenue de la transmettre lorsqu'elle met en cause par les mêmes motifs, une disposition législative dont la Cour de Cassation ou le Conseil Constitutionnel est déjà saisi.

En l'occurrence, la disposition contestée soit le 3° de l'article 497 du code de procédure pénale a déjà été déclarée conforme à la Constitution par décision du conseil constitutionnel n° 2013-363 du 31 janvier 2014, le Conseil Constitutionnel ayant, dans les motifs de sa décision :

  • d'une part, considéré que la partie civile n'est pas dans la même situation que la personne poursuivie ou le ministère public, s'agissant réciproquement de l'exercice des droits de la défense, de sorte que l'interdiction qui lui est faite d'appeler seule d'un jugement correctionnel dans ses dispositions statuant au fond sur l'action publique ne méconnaît pas le principe d'égalité devant la justice,
  • d'autre part, considéré que la partie civile étant en droit d'interjeter appel sur ses intérêts civils est en droit, nonobstant la relaxe du prévenu en première instance, de reprendre contre lui devant la juridiction pénale d'appel sa demande en réparation du dommage que lui ont personnellement causé les faits à l'origine de la poursuite.

Enfin, [B] [C] [A] n'invoque ni ne justifie de changement de circonstances depuis cette décision du Conseil Constitutionnel.

Aussi, dès lors qu'une des conditions de l'article 23-2 de l'ordonnance précité fait défaut, et sans qu'il soit nécessaire d'examiner si la question posée est dépourvue de moyens sérieux, la Cour considère qu'il n'y a pas lieu de transmettre à la Cour de cassation la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par [B] [C] [A].

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par décision contradictoire à l'encontre de [B] [C] [A], du département des Hauts de Seine, susceptible du seul recours prévu par l’article R. 49-28 du code de procédure pénale ;

REJETTE la demande de transmission à la Cour de cassation de la question prioritaire de constitutionnalité déposée le 18 janvier 2023 par [B] [C] [A]

AVISE, qu'en application de l'article R.49-28 du Code de procédure pénale, cette décision ne peut être contestée qu'à l'occasion d'un recours formé contre une décision ayant statué sur la demande au cours de la procédure ;

DIT que les parties et le ministère public seront avisés par tout moyen de la présente décision ;

DIT que l'affaire sera rappelée à l'audience correctionnelle de la 9ème chambre qui se tiendra le 11 mai 2023 à 14h00 au 5 rue Carnot - 78000 Versailles ;

Et ont signé le présent arrêt, le président et le greffier.

LE GREFFIER         LE PRÉSIDENT

Abstracts