Cour administrative d'appel de Nantes

Ordonnance du 9 février 2023 n° 22NT02933

09/02/2023

Non renvoi

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par un mémoire distinct, enregistré le 9 septembre 2022, la société SMEE représentée par Mes Humeau et Bagault demande à la cour, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de sa requête tendant à l'annulation du jugement n° 1902353 du 8 juillet 2022 du tribunal administratif de Nantes, d'une part, de transmettre, au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du b) du I de l'article 219 du code général des impôts, dans leur rédaction en vigueur à la date du fait générateur des impositions contestées, d'autre part, l'annulation de l'ordonnance n°1902353 du 11 février 2022 par laquelle le président de la 5ème chambre du tribunal administratif de Nantes a décidé qu'il n'y avait pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité qu'elle avait soulevée.

Elle soutient que :

- les dispositions du b) du I de l'article 219 du code général des impôts sont applicables au litige et n'ont pas auparavant été déclarées conformes à la Constitution ;

- ces dispositions méconnaissent le principe d'égalité devant la loi et devant les charges publiques, garanti par les articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, en ce qu'elles entrainent une différence de traitement injustifiée entre les sociétés filiales d'une société-mère, selon que cette dernière est à la tête d'un groupe fiscalement intégré ou non ; ces dispositions méconnaissent également le principe de non-discrimination garanti par l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la question posée présente un caractère sérieux.

Par un mémoire enregistré le 20 octobre 2022 le ministre l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut à ce qu'il n'y a pas lieu de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat.

Il fait valoir que la question ne revêt pas de caractère sérieux.

Vu la requête de la société SMEE enregistrée le 7 septembre 2022 au greffe de la cour sous le numéro 22NT02933.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, notamment son article 6-1 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

-l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code général des impôts ;

- le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article 61-1 de la Constitution : " Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. Une loi organique détermine les conditions d'application du présent article ". Il résulte des dispositions combinées des premiers alinéas des articles 23-1 et 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que la cour administrative d'appel, saisie d'un moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution présenté dans un écrit distinct et motivé, statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat et procède à cette transmission si est remplie la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question ne soit pas dépourvue de caractère sérieux. En vertu de l'article R. 771-5 du code de justice administrative : " Sauf s'il apparaît de façon certaine, au vu du mémoire distinct, qu'il n'y a pas lieu de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité, notification de ce mémoire est faite aux autres parties. () ". Enfin, l'article R. 771-7 du même code dispose que : " Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d'appel () les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours () peuvent, par ordonnance, statuer sur la transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité. ".

2. Aux termes de l'article 219 du code général des impôts, dans sa rédaction en vigueur à compter du 1er janvier 2015, dispose : " I. Pour le calcul de l'impôt, le bénéfice imposable est arrondi à l'euro le plus proche. La fraction d'euro égale à 0,50 est comptée pour 1. Le taux normal de l'impôt est fixé à 33,1/3%. Toutefois () /b. Par exception au deuxième alinéa du présent I et au premier alinéa du a, pour les redevables ayant réalisé un chiffre d'affaires de moins de 7 630 000 € au cours de l'exercice ou de la période d'imposition, ramené s'il y a lieu à douze mois, le taux de l'impôt applicable au bénéfice imposable est fixé, dans les limites de 38 120 € et à 15% pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2002. / Pour la société mère d'un groupe mentionnée à l'article 223 A ou à l'article 223 A bis, le chiffre d'affaires est apprécié en faisant la somme des chiffres d'affaires de chacune des sociétés membres de ce groupe. Le capital des sociétés mentionnées au premier alinéa du présent b doit être entièrement libéré et détenu de manière continue pour 75% au moins par des personnes physiques ou par une société répondant aux mêmes conditions dont le capital est détenu, pour 75% au moins par des personnes physiques. () ".

3. La société SMEE, filiale de la société ITEC mais qui n'est cependant pas membre du groupe fiscalement intégré au sens de l'article 223 A du code général des impôts, dont cette société-mère est par ailleurs la tête, soutient que les dispositions précitées du b) du I de l'article 219 du code général, telles qu'elles ont été interprétées par la cour administrative d'appel de Nantes par un arrêt n°12NT01264 du 4 avril 2013, sont contraires au principe d'égalité devant la loi et devant les charges publiques, garanti par les articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme de 1789, ainsi qu'au principe de non-discrimination garanti par l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en ce que ces dispositions, qui subordonnent l'application du taux réduit de 15% au respect du plafond de chiffre d'affaires de 7 630 000 euros qui doit être apprécié au niveau de la société-mère d'un groupe fiscalement intégré, même dans le cas où l'application de ce taux réduit concerne l'imposition du résultat d'une société filiale de la société-mère qui n'est pas membre du groupe fiscalement intégré, constitue une différence de traitement injustifiée entre les sociétés selon que ces dernières sont filiales d'une société tête d'un groupe fiscalement intégré ou non.

4. En premier lieu, il résulte des dispositions de l'article 61-1 de la Constitution que leur application ne peut conduire à saisir le Conseil constitutionnel que d'une question portant sur la conformité d'une disposition législative à la Constitution. Par suite, la question soulevée devant la cour en ce qu'elle porte sur la conformité des dispositions du b) du I de l'article 219 du code général des impôts aux stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est irrecevable.

5. En second lieu, si, en posant une question prioritaire de constitutionnalité, tout justiciable a le droit de contester la constitutionnalité de la portée effective qu'une interprétation jurisprudentielle constante confère à la disposition législative contestée, toutefois l'arrêt de la cour du 4 avril 2013 cité au point 3, qui n'émane pas de la juridiction administrative suprême, ne constitue pas une interprétation jurisprudentielle constante conférant aux dispositions du b) du I de l'article 219 du code général des impôts la portée effective dont la société SMEE entend contester la constitutionnalité.

6. Il résulte de ce qui précède que la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la société SMEE ne présente pas un caractère sérieux. Il n'y a, par suite, pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat.

ORDONNE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la société SMEE.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la société SMEE et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Fait à Nantes, le 9 février 2023

I. Perrot

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°22NT02933

Code publication

D