Tribunal administratif de Strasbourg

Jugement du 6 février 2023 n° 2100016

06/02/2023

Irrecevabilité

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu les procédures suivantes :

I. Par une requête enregistrée le 4 janvier 2021 sous le n° 2100016, M. C B, représenté par Me Eca, demande au tribunal :

1°) de lui accorder l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler la décision par laquelle le préfet de la Moselle a implicitement rejeté sa demande de titre de séjour ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer un titre de séjour et, dans l'attente de ce titre, une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

M. B soutient que :

- la décision est illégale dès lors que le préfet n'a pas répondu à sa demande du 21 décembre 2020 tendant à obtenir la communication des motifs de cette décision ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 17 octobre 2022, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.

Le préfet de la Moselle fait valoir que :

- une décision expresse de rejet de la demande de M. B a été prise le 14 octobre 2022 et se substitue à la décision implicite de rejet contestée ;

- les moyens présentés par M. B ne sont pas fondés.

M. B a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 janvier 2021.

II. Par une requête enregistrée le 16 novembre 2022 sous le n° 2207598, M. C B, représenté par Me Eca, demande au tribunal :

1°) de lui accorder l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler l'arrêté du 14 octobre 2022 par lequel le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer un titre de séjour et, dans l'attente de ce titre, une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la compétence du signataire de l'arrêté n'est pas établie ;

- l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français porte une atteinte grave et disproportionnée au droit constitutionnel de demander l'asile.

Par un mémoire en défense enregistré le 29 novembre 2022, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.

Le préfet de la Moselle fait valoir que les moyens présentés par M. B ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. D a été entendu au cours de l'audience publique.

 

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes nos 2100016 et 2207598 présentées par M. B présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul jugement.

2. M. B, ressortissant albanais né en 1989 et qui déclare être entré en France le 14 février 2019, a sollicité auprès du préfet de la Moselle, par courrier du 19 juin 2020 reçu le 3 juillet 2020, son admission au séjour principalement sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 alors applicable du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. M. B demande au tribunal d'annuler l'arrêté du 14 octobre 2022 par lequel le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Sur l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

3. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence (), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée par la juridiction compétente ou son président ". Aux termes de l'article 61 du décret du 28 décembre 2020 pris pour l'application de la loi du 10 juillet 1991 : " L'admission provisoire peut être accordée dans une situation d'urgence, (). L'admission provisoire est accordée par le président du bureau ou de la section ou le président de la juridiction saisie, soit sur une demande présentée sans forme par l'intéressé, soit d'office si celui-ci a présenté une demande d'aide juridictionnelle ou d'aide à l'intervention de l'avocat sur laquelle il n'a pas encore été statué ". Il y a lieu d'admettre M. B au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire dans le dossier n° 2207598.

Sur le surplus de la requête :

4. Lorsqu'un requérant conteste, dans les délais de recours, une décision implicite de rejet et une décision expresse de rejet intervenue postérieurement, ses conclusions doivent être regardées comme dirigées uniquement contre la seconde décision, qui s'est substituée à la première.

5. Les conclusions de la requête n° 2100016, dirigée contre la décision implicite de rejet née du silence gardé par le préfet de la Moselle à la demande de titre de séjour présentée par M. B, doivent par suite être regardées comme dirigées contre l'arrêté du 14 octobre 2022, qui s'y est substitué, par lequel le préfet de la Moselle a expressément rejeté cette demande.

6. En premier lieu, par un arrêté du 2 juin 2022, publié le même jour, le préfet de la Moselle a donné délégation de signature à Mme A, directrice de l'immigration et de l'intégration, à l'effet de signer les décisions pour les matières relevant de sa direction. Au nombre des exclusions de la délégation ne figurent pas les décisions en litige. En cas d'absence ou d'empêchement de Mme A, il est prévu que cette délégation est exercée, dans le cadre de ses fonctions, par M. E F, directeur adjoint et chef du bureau de l'éloignement et de l'asile. Il n'est pas établi que la directrice du service de l'immigration et de l'intégration de la préfecture n'aurait pas été absente ou empêchée à la date de signature des décisions attaquées. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'incompétence de M. E F, signataire de l'arrêté contesté, doit être écarté.

7. En deuxième lieu, il résulte de ce qui a été exposé aux points 4 et 5 que M. B ne peut utilement soutenir que le préfet de la Moselle n'a pas répondu à sa demande de communication des motifs du 21 décembre 2020, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration. Au surplus, l'arrêté contesté, qui s'est substitué à la décision implicite de rejet, comporte suffisamment les considérations de droit et de fait qui le fondent.

8. En troisième lieu, M. B a déclaré être entré récemment en France, le 15 février 2019 et qu'il a été rejoint par son épouse le 23 janvier 2020 et leur enfant, âgé de cinq ans à la date de l'arrêté attaqué. Il ne ressort des pièces du dossier aucune intégration particulière à la société française, la seule circonstance que M. B bénéficie d'une promesse d'embauche étant à cet égard insuffisante. Eu égard à ces éléments, M. B, qui n'invoque la méconnaissance d'aucune disposition particulière du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté pris à son encontre est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

9. En dernier lieu, M. B entend contester la constitutionnalité de l'interdiction de retour sur le territoire français prise à son encontre et, partant, des dispositions de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur le fondement desquelles elle a été adoptée. Cependant, il n'est recevable à le faire que dans le cadre d'une question prioritaire de constitutionnalité. Par conséquent, son moyen tiré de ce que l'interdiction de retour sur le territoire français prise à son encontre porte une atteinte grave et disproportionnée au droit constitutionnel de demander l'asile doit être écarté.

10. Il résulte de tout ce qui précède que les requêtes présentées par M. B doivent être rejetées, y compris leurs conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et celles de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D É C I D E :

Article 1 : M. B est admis à l'aide juridictionnelle provisoire.

Article 2 : Les requêtes de M. B sont rejetées.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à M. C B et au préfet de la Moselle. Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 23 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

M. Julien Iggert, président,

M. Christophe Michel, premier conseiller,

M. Mohammed Bouzar, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 février 2023.

Le rapporteur,

 

M. BOUZAR

Le président,

J. IGGERT

Le greffier,

S. PILLET

 

La République mande et ordonne au préfet de la Moselle en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

Nos 2100016,2207598