Conseil d'Etat

Décision du 3 février 2023 n°468904

03/02/2023

Non renvoi

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

M. B A, à l'appui de sa demande tendant à la réduction de sa cotisation d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2019 à raison de la prise en compte de pensions alimentaires versées à son ex-épouse, a produit un mémoire, enregistré le

5 septembre 2022 au greffe du tribunal administratif de Montreuil, par lequel il soulevait la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du b de l'article 197 A du code général des impôts dans leur rédaction issue du b du 3° du I de l'article 13 de la loi de finances pour 2019, en tant qu'elles s'appliquent aux non-résidents dont la totalité des revenus est de source française.

Par une ordonnance n° 2213618-QPC du 15 novembre 2022, enregistrée le même jour au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président de la 10ème chambre du tribunal administratif de Montreuil, avant qu'il soit statué sur la demande de M. A, a décidé, en application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat cette question prioritaire de constitutionnalité.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code général des impôts ;

- la loi n° 76-1234 du 29 décembre 1976 ;

- la loi n° 2018-1317 de finances pour 2019 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Saby, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes des dispositions de l'article 23-4 de l'ordonnance du

7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat a transmis à ce dernier, en application de l'article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la Constitution d'une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

2. Aux termes de l'article 164 A du code général des impôts : " Les revenus de source française des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal en France sont déterminés selon les règles applicables aux revenus de même nature perçus par les personnes qui ont leur domicile fiscal en France. Toutefois, aucune des charges déductibles du revenu global en application des dispositions du présent code ne peut être déduite ". Aux termes de l'article 197 A du code général des impôts dans sa rédaction issue du a du 3° du I de l'article 13 de la loi du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 : " Les règles du 1 et du 2 du I de l'article 197 sont applicables pour le calcul de l'impôt sur le revenu dû par les personnes qui, n'ayant pas leur domicile fiscal en France : / a. Perçoivent des revenus de source française ; l'impôt ne peut, en ce cas, être inférieur à un montant calculé en appliquant un taux de 20 % à la fraction du revenu net imposable inférieure ou égale à la limite supérieure de la deuxième tranche du barème de l'impôt sur le revenu et un taux de 30 % à la fraction supérieure à cette limite ; ces taux de 20 % et 30 % sont ramenés respectivement à 14,4 % et 20 % pour les revenus ayant leur source dans les départements d'outre-mer ; toutefois, lorsque le contribuable justifie que le taux de l'impôt français sur l'ensemble de ses revenus de source française ou étrangère serait inférieur à ces minima, ce taux est applicable à ses revenus de source française. Dans ce cas, les contribuables qui ont leur domicile fiscal dans un Etat membre de l'Union européenne ou dans un Etat avec lequel la France a signé une convention d'assistance administrative de lutte contre la fraude et l'évasion fiscales ou une convention d'assistance mutuelle en matière de recouvrement d'impôt peuvent, dans l'attente de pouvoir produire les pièces justificatives, annexer à leur déclaration de revenu une déclaration sur l'honneur de l'exactitude des informations fournies ".

3. Le b du 3° du I de l'article 13 de la loi du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 a rétabli à ce même article 197 A du code général des impôts un b ainsi rédigé : " Par dérogation à l'article 164 A, pour le calcul du taux de l'impôt français sur l'ensemble des revenus mondiaux prévu au a du présent article, les pensions alimentaires prévues au 2° du II de l'article 156 sont admises en déduction sous les mêmes conditions et limites, lorsque ces pensions sont imposables entre les mains de leur bénéficiaire en France et que leur prise en compte n'est pas de nature à minorer l'impôt dû par le contribuable dans son Etat de résidence ".

4. Il résulte des dispositions citées aux points 2 et 3 que les revenus de source française perçus par des non-résidents sont passibles de l'impôt sur le revenu dont le montant ne peut être inférieur à celui qui résulterait de l'application de taux d'imposition minima prévus au a de l'article 197 A du code général des impôts. Toutefois, lorsque ces contribuables justifient que le taux moyen d'imposition résultant de l'application du barème progressif sur l'ensemble de leurs revenus de sources française et étrangère, pensions alimentaires déduites, est inférieur à ces taux minima, il est fait application de ce taux sur les revenus de source française imposables.

5. M. A soutient que les dispositions du b de l'article 197 A du code général des impôts citées au point 3, en tant qu'elles s'appliquent aux non-résidents dont la totalité des revenus est de source française, méconnaissent le principe d'égalité devant la loi et le principe d'égalité devant les charges publiques garantis respectivement par les articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, dès lors qu'elles ne bénéficient qu'aux non-résidents dont le taux moyen d'imposition mentionné au point 4 est inférieur aux taux minima, alors, que selon lui, elles ont été édictées aux seules fins de rapprocher le traitement fiscal des non-résidents et des résidents.

6. Toutefois, en premier lieu, il ressort des termes mêmes des dispositions contestées que le législateur a accordé un avantage aux non-résidents qui, eu égard notamment au faible montant de leurs revenus de source française, bénéficient du dispositif dérogatoire, non contesté, prévu au a de l'article 197 A du code général des impôts, et qui sont dans une situation différente de ceux dont le montant d'impôt est supérieur à celui résultant de l'application de ces taux minima à raison de revenus de source française plus élevés et qui, en conséquence, ne bénéficient pas de ce dispositif. En outre, il ressort des travaux parlementaires relatifs à l'article 4 de la loi du 29 décembre 1976, qui a institué la possibilité de déroger à l'application de ces taux minima d'imposition, que ce dispositif dérogatoire, complété par les dispositions contestées, vise à favoriser les contribuables les moins fortunés. Dès lors, en ne prévoyant la déduction des pensions alimentaires instituée au b de l'article 197 A par l'article 13 de la loi de finances pour 2019 que pour le seul calcul du taux moyen d'imposition sur l'ensemble des revenus mondiaux et en accentuant ainsi la progressivité du barème en faveur des non-résidents les moins fortunés, notamment lorsqu'ils perçoivent exclusivement des revenus de source française, le législateur n'a pas méconnu le principe d'égalité devant la loi.

7. En second lieu, compte tenu de leur faible incidence sur le montant de l'impôt dû, les dispositions contestées ne sont pas de nature à créer une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques entre les contribuables non-résidents, même lorsqu'ils perçoivent exclusivement des revenus de source française, et par suite ne méconnaissent pas le principe d'égalité devant les charges publiques.

8. Par suite, la question soulevée ne présente pas un caractère sérieux. Il n'y a, dès lors, pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.

D E C I D E :

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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. A.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B A et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel, à la Première ministre et au tribunal administratif de Montreuil.

Délibéré à l'issue de la séance du 18 janvier 2023 où siégeaient :

M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; M. Nicolas Polge, M. Vincent Daumas, Mme Nathalie Escaut, M. Alexandre Lallet, M. Frédéric Gueudar Delahaye, conseillers d'Etat et M. Olivier Saby, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 3 février 2023.

Le président :

Signé : M. Jacques-Henri Stahl

Le rapporteur :

Signé : M. Olivier Saby

La secrétaire :

Signé : Mme Laurence Chancerel

La République mande et ordonne à la Première ministre et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique chacun en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :

Code publication

C