Tribunal administratif de Bordeaux

Ordonnance du 24 janvier 2023 n° 2106114

24/01/2023

Irrecevabilité

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par une requête, un mémoire et des pièces, enregistrés les 24 janvier, 13 septembre et 23 novembre 2021, M. B C, a demandé au tribunal administratif de Paris :

1°) d'annuler les dispositions de l'article L. 341-1 du code des relations entre le public et l'administration en ce qu'elles sont contraires aux principes constitutionnels d'indépendance et d'impartialité et au principe de légalité;

2°) d'annuler les décisions de l'université de Bordeaux rejetant ses demandes de communication et l'avis n° 20203548 du 19 novembre 2020 par lequel la commission d'accès aux documents administratifs a considéré que sa demande de communication de documents relatifs à chacun des postes auxquels il a candidaté était devenue sans objet ;

3°) d'enjoindre à l'université de Bordeaux de transmettre l'ensemble des documents sollicités et, à la commission d'accès aux documents administratifs (CADA) de transmettre la composition de sa séance du 19 novembre 2020, le procès-verbal de ladite séance et les éventuelles demandes de remboursement de frais des membres y ayant siégé ainsi que le procès-verbal de présence et l'éventuelle déclaration d'intérêts signée par les membres, sous astreinte de 100 euros par jour de retard;

4°) de condamner l'Etat pour résistance abusive, à lui verser la somme de 100 000 euros en réparation de son préjudice moral, de 106 652 euros en indemnisation des frais engagés et du préjudice matériel qu'il estime avoir subis ainsi qu'une indemnité de 1 596 000 euros correspondant au manque à gagner relatif aux rémunérations et à la pension de retraite qu'il aurait dû percevoir ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

6°) de joindre à la présente instance, les requêtes enregistrées sous les n° 4407088, 440022, 1907131, 1901779,347251, 439342, 430317, 439219, 1903435, 1903436, 1903983, 1901892, 1901963, 1906774, 1901580, 1901580, 1905915, 1905916, 1904152, 434318, 1926193, 432696, 1904491, 435693, 430066, et 429961.

Il soutient que :

- les dispositions de l'article L. 341-1 du code des relations entre le public et l'administration relatives à la composition et au fonctionnement de la CADA sont contraires aux principes constitutionnels d'indépendance et d'impartialité et au principe de légalité ;

- les décisions attaquées sont entachées de vices de forme en l'absence de délégation, dès lors qu'elles n'ont pas été motivées, ne comprennent pas la signature de leur auteur, ont été prises aux termes d'un vote irrégulier et n'ont pas été précédées d'une consultation du conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche, ni d'un avis du CNIJ ;

- ces décisions méconnaissent son droit d'accès aux données publiques ;

- l'avis du 19 novembre 2020, qui est susceptible d'influer de manière significative sur ses relations avec l'administration, ne répond pas à l'ensemble des demandes qu'il a formulées ;

- il a également sollicité la composition de la CADA dans sa séance du 19 novembre 2020 et le procès-verbal de présence ainsi que l'éventuelle déclaration d'intérêts de ses membres ;

- les décisions et avis attaqués sont constitutifs de fautes engageant la responsabilité de l'Etat et sont à l'origine de divers préjudices en raison des frais et du temps engagés pour la défense de ses intérêts, et de la perte de rémunération qu'il aurait dû percevoir s'il n'avait pas été privé de toute chance de carrière normale ainsi que d'une atteinte à sa réputation.

Par une ordonnance du 12 novembre 2021, la présidente de la 5ème section du tribunal administratif de Paris a transmis le dossier de la requête de M. C au tribunal administratif de Bordeaux.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 décembre 2021, l'université de Bordeaux conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que :

- les conclusions indemnitaires formulées à l'encontre de l'université, de la CADA et de l'Etat sont irrecevables en l'absence de présentation par un avocat conformément à l'article R. 431-2 du code de justice administrative et pour défaut de liaison du contentieux ;

- les conclusions à fin d'annulation des décisions de l'université de Bordeaux portant refus de communication de documents administratifs et injonction de communiquer ces documents ont perdu leur objet ;

- la demande de jonction présentée par le requérant ne peut qu'être rejetée.

Par une ordonnance du 24 octobre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 24 novembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative " () les présidents de formation de jugement des tribunaux () peuvent, par ordonnance : () 3° Constater qu'il n'y a pas lieu de statuer sur une requête. 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens () ".

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

2. L'article R. 771-3 du code de justice administrative dispose que " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est soulevé, conformément aux dispositions de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 (), à peine d'irrecevabilité, dans un mémoire distinct et motivé. Ce mémoire, ainsi que le cas échéant l'enveloppe qui le contient, portent la mention : " question prioritaire de constitutionnalité ". ". L'article R. 771-4 du même code prévoit que " L'irrecevabilité tirée du défaut de présentation, dans un mémoire distinct et motivé, du moyen visé à l'article précédent peut être opposée sans qu'il soit fait application des articles R 611-7 et R 612-1 ".

3. Si M. C soutient que les dispositions de l'article L. 341-1 du code des relations entre le public et l'administration relatives à la composition et au fonctionnement de la commission d'accès aux documents administratifs (CADA) sont contraires aux principes constitutionnels d'indépendance et d'impartialité et au principe de légalité, sa demande n'a pas été présentée par un mémoire distinct, en méconnaissance des dispositions citées au point précédent. Par suite, les conclusions tendant à l'annulation de ces dispositions sont irrecevables.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne l'avis de la commission d'accès aux documents administratifs :

4. Aux termes de l'article L. 342-1 du code des relations entre le public et l'administration : " La Commission d'accès aux documents administratifs émet des avis lorsqu'elle est saisie par une personne à qui est opposé un refus de communication ou un refus de publication d'un document administratif en application du titre Ier, () La saisine pour avis de la commission est un préalable obligatoire à l'exercice d'un recours contentieux. ". Aux termes de l'article R. 343-3 du même code : " La commission notifie son avis à l'intéressé et à l'administration mise en cause, dans un délai d'un mois à compter de l'enregistrement de la demande au secrétariat. Cette administration informe la commission, dans le délai d'un mois qui suit la réception de cet avis, de la suite qu'elle entend donner à la demande. ".

5. Il ressort de ces dispositions que lorsqu'une demande de communication de documents administratifs a été rejetée par une décision explicite ou implicite de l'autorité administrative, ce refus ne peut être déféré directement au juge de l'excès de pouvoir. L'intéressé doit avoir au préalable saisi de ce refus, dans le délai de recours pour excès de pouvoir ayant couru contre cette décision, la commission d'accès aux documents administratifs. En raison du caractère obligatoire du recours préalable, la décision née du silence gardé par l'administration à l'issue du délai de deux mois à compter de l'enregistrement de la saisine de la commission valant confirmation de la décision de refus initiale, se substitue à cette dernière et est seule susceptible d'être déférée au juge de l'excès de pouvoir.

6. La commission d'accès aux documents administratifs, saisie par la personne à laquelle la communication d'un document administratif a été refusée, se bornant à émettre un avis au vu duquel l'autorité compétente prend une décision susceptible d'être déférée au juge de l'excès de pouvoir, l'avis qu'elle émet ainsi que le refus d'émettre un avis n'ont pas le caractère de décisions faisant grief et ne sont pas susceptibles de faire l'objet d'un recours contentieux

7. Il ressort des pièces du dossier que M. C a sollicité, courant de l'année 2020, auprès du service de recrutement de l'université de Bordeaux la communication d'un certain nombre de documents relatifs à chacun des postes auxquels il a candidaté. Par un avis n° 20203548 du 19 novembre 2020, la commission d'accès aux documents administratifs, saisie le 28 septembre 2020, a considéré que sa demande de communication était devenue sans objet. Cet avis n'ayant pas le caractère d'une décision faisant grief, ni pour objet d'influer de manière significative sur les comportements des personnes auxquelles il s'adresse, et n'étant pas non plus de nature à produire des effets notables, les conclusions de M. C tendant à son annulation sont irrecevables.

En ce qui concerne les décisions de l'université de Bordeaux :

8. Si M. C demande l'annulation des décisions de l'université de Bordeaux ayant rejeté ses demandes de communication et d'enjoindre à la communication de documents, il ne précise pas dans le cadre de ses écritures la date de ces décisions, ni les documents sollicités et se borne à produire plusieurs courriels qu'il a adressés au service recrutement des enseignants de l'université préalablement à la saisine de la commission d'accès aux documents administratifs. Or, il ressort des pièces du dossier que par bordereaux du 16 octobre 2020, le président de l'université de Bordeaux lui a transmis les pièces qu'il avait demandé concernant le recrutement de professeurs des universités sur les postes PR A 487 " droit européen et libertés " et 488 " philosophie du droit " auxquels il avait candidaté, à savoir les procès-verbaux du comité de sélection fixant la liste des candidats retenus, les classant à l'issue de leur audition et établissant un avis motivé sur l'ensemble des candidatures, les listes d'émargement de ces réunions, les déclarations sur l'honneur des membres du comité de sélection concernant leurs liens éventuels avec les candidats susceptibles de remettre en cause leur impartialité, les rapports des rapporteurs et l'avis individuel sur ses candidatures, puis, par bordereau du 12 janvier 2021, les procès-verbaux du conseil académique et du conseil d'administration siégeant en formation restreinte aux professeurs des universités, après approbation lors des séances respectives de ces conseils. Ainsi à la date d'enregistrement de sa requête au greffe du tribunal administratif de Paris, la demande de M. C, qui ne précise pas quel autre document ne lui aurait pas été communiqué, était sans objet et par suite irrecevable.

Sur les conclusions indemnitaires :

9. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision () / Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle. ". La condition tenant à l'existence d'une décision de l'administration doit être regardée comme remplie si, à la date à laquelle le juge statue, l'administration a pris une décision, expresse ou implicite, sur une demande formée devant elle, régularisant ce faisant la requête.

10. En l'absence, au jour de la présente ordonnance, de toute décision de l'administration rejetant une demande indemnitaire de M. C, les conclusions indemnitaires présentées par ce dernier sont manifestement irrecevables.

Sur les conclusions tendant à la jonction d'affaires :

11. La faculté pour le juge administratif de joindre deux ou plusieurs affaires, constituant un pouvoir propre du juge, les conclusions présentées par M. C tendant à la jonction de plus d'une vingtaine d'affaires dont il se borne à communiquer les numéros, sans au demeurant préciser les juridictions devant lesquelles elles ont été enregistrées, ni établir leur connexité entre elles, ne sont pas recevables.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de M. C est manifestement irrecevable et doit par application des dispositions précitées du 4° de l'article R.222-1 du code de justice administrative, être rejetée en toutes ses conclusions, y compris celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. C est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. C, à l'université de Bordeaux et à la commission d'accès aux documents administratifs.

Fait à Bordeaux, le 24 janvier 2023

La présidente de la 5ème chambre

A. Chauvin

La République mande et ordonne au ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui la concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

Code publication

C