Tribunal administratif de Grenoble

Jugement du 20 janvier 2023 n° 1907209

20/01/2023

Irrecevabilité

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 31 octobre 2019, M. C B demande au tribunal :

1°) d'annuler la décision implicite du 3 septembre 2019 par laquelle la commission nationale d'agrément et de contrôle du Conseil national des activités privées de sécurité a rejeté son recours présenté le 3 juillet 2019 à l'encontre de la décision du 3 mai 2019 par laquelle la commission locale d'agrément et de contrôle Sud-Est a refusé de lui délivrer une carte professionnelle ;

2°) d'enjoindre au Conseil national des activités privées de sécurité de lui délivrer une carte professionnelle pour une durée de cinq ans.

Il soutient que :

- sa requête est recevable ;

- il n'est pas établi que l'agent qui a effectué l'enquête administrative était habilité à consulter le système de traitement des antécédents judiciaires ;

- la décision attaquée est entachée d'incompétence ;

- elle est illégale en la forme ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- elle porte atteinte à son droit de travailler garanti par l'article 5 du préambule de la Constitution de 1946 et l'article 23 de la Déclaration universelle des droits de l'homme des Nations Unies de 1948 ;

- elle méconnaît la Constitution.

Par un mémoire en défense enregistré le 3 février 2022, le Conseil national des activités privées de sécurité représenté par Me Cano conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 500 euros soit mise à la charge de M. B en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions dirigées contre la décision implicite de rejet dans la mesure où la décision expresse de rejet du 17 octobre 2019 s'est substituée à la décision attaquée ;

- les conclusions dirigées contre la décision de la commission locale d'agrément et de contrôle Sud-Est du 3 mai 2019 sont irrecevables compte tenu de l'existence d'un recours administratif préalable obligatoire ;

- les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 11 juillet 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 26 juillet 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, notamment son préambule ;

- le code de la sécurité intérieure ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bardad, première Conseillère,

- les conclusions de Mme Brenner-Adanlété, rapporteure publique,

- les observations de Me Punzano substituant Me Cano, représentant le Conseil national des activités privées de sécurité.

Considérant ce qui suit :

1. M. C B a sollicité, le 5 novembre 2018, le renouvellement de la carte professionnelle qui lui avait été délivrée en qualité d'agent privé de sécurité. La commission locale d'agrément et de contrôle (CLAC) Sud-Est a rejeté sa demande par une décision du 3 mai 2019. L'intéressé a saisi la commission nationale d'agrément et de contrôle du Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS), le 2 juillet 2019, d'un recours administratif préalable obligatoire dirigé contre cette décision. Ce recours, demeuré sans réponse, a donné lieu à une décision implicite de rejet le 3 septembre 2019. M. B demande l'annulation de cette décision.

Sur la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité des conclusions dirigées contre la décision de la commission locale d'agrément et de contrôle Sud-Est du 3 mai 2019 :

2. Contrairement à ce qu'indique le CNAPS, le requérant n'a pas entendu solliciter l'annulation de la décision du 3 mai 2019 par laquelle la CLAC Sud-Est a rejeté sa demande de renouvellement de sa carte d'agent privé de sécurité. Par suite, la fin de non-recevoir doit être rejetée.

Sur les conclusions aux fins d'annulation de la décision implicite de rejet du 3 septembre 2019 :

3. Postérieurement à l'enregistrement de la requête, la commission nationale d'agrément et de contrôle du Conseil national des activités privées de sécurité a rejeté le recours administratif préalable obligatoire présenté par M. B, par une décision expresse du 17 octobre 2019. Cette décision s'est substituée à la décision implicite de rejet du 3 septembre 2019. Par suite, la requête de M. B doit être regardée comme dirigée contre la décision du 17 octobre 2019.

Sur les conclusions aux fins d'annulation de la décision de rejet du 17 octobre 2019 :

4. En premier lieu, aux termes de l'article R. 632-10 du code de la sécurité intérieure, dans sa rédaction alors applicable : " La Commission nationale d'agrément et de contrôle, présidée par son doyen d'âge, élit son président à la majorité absolue des voix de ses membres et à bulletins secrets parmi les membres de la commission désignés aux 1° et 2° de l'article R. 632-9. () / Un vice-président, chargé de suppléer le président en cas d'absence ou d'empêchement de celui-ci et d'assurer l'intérim en cas de vacance momentanée du poste de président, est élu dans les mêmes conditions. ".

5. M. A D, signataire de la décision attaquée, a été élu le 15 mars 2018, en qualité de vice-président de la commission nationale de contrôle et d'agrément du CNAPS, qualité lui donnant compétence pour présider cette commission. Il ne ressort pas des pièces du dossier et il n'est pas allégué par M. B que le président de la commission nationale de contrôle et d'agrément n'aurait pas été absent ou empêché à la date de la décision attaquée. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision attaquée doit être écarté.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-20 du code de la sécurité intérieure, dans sa rédaction alors applicable : " Nul ne peut être employé ou affecté pour participer à une activité mentionnée à l'article L. 611-1 : / () / 2° S'il résulte de l'enquête administrative, ayant le cas échéant donné lieu à consultation, par des agents du Conseil national des activités privées de sécurité spécialement habilités par le représentant de l'Etat territorialement compétent et individuellement désignés, des traitements de données à caractère personnel gérés par les services de police et de gendarmerie nationales relevant des dispositions de l'article 31 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, à l'exception des fichiers d'identification, que son comportement ou ses agissements sont contraires à l'honneur, à la probité, aux bonnes mœurs ou sont de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes ou des biens, à la sécurité publique ou à la sûreté de l'Etat et sont incompatibles avec l'exercice des fonctions susmentionnées ; / () ". Aux termes de l'article R. 40-29 du code de procédure pénale : " I. - Dans le cadre des enquêtes prévues à l'article 17-1 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995, aux articles L. 114-1, L. 114-2, L. 211-11-1, L. 234-1 et L. 234-2 du code de la sécurité intérieure et à l'article L. 4123-9-1 du code de la défense, les données à caractère personnel figurant dans le traitement qui se rapportent à des procédures judiciaires en cours ou closes, à l'exception des cas où sont intervenues des mesures ou décisions de classement sans suite, de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenues définitives, ainsi que des données relatives aux victimes, peuvent être consultées, sans autorisation du ministère public, par : / () / 5° Les personnels investis de missions de police administrative individuellement désignés et spécialement habilités par le représentant de l'Etat. L'habilitation précise limitativement les motifs qui peuvent justifier pour chaque personne les consultations autorisées. Lorsque la consultation révèle que l'identité de la personne concernée a été enregistrée dans le traitement en tant que mise en cause, l'enquête administrative ne peut aboutir à un avis ou une décision défavorables sans la saisine préalable, pour complément d'information, des services de la police nationale ou des unités de la gendarmerie nationale compétents et, aux fins de demandes d'information sur les suites judiciaires, du ou des procureurs de la République compétents. Le procureur de la République adresse aux autorités gestionnaires du traitement un relevé des suites judiciaires devant figurer dans le traitement d'antécédents judiciaires et relatif à la personne concernée. Il indique à l'autorité de police administrative à l'origine de la demande si ces données sont accessibles en application de l'article 230-8 du présent code. / () ".

7. Dans la mesure où les dispositions précitées prévoient la possibilité que certains traitements automatisés de données à caractère personnel soient consultés au cours de l'enquête conduite par l'administration dans le cadre de ses pouvoirs de police, préalablement à la délivrance d'un agrément individuel, la circonstance que l'agent ayant procédé à cette consultation n'aurait pas été individuellement désigné et régulièrement habilité à cette fin, si elle est susceptible de donner lieu aux procédures de contrôle de l'accès à ces traitements, n'est pas, par elle-même, de nature à entacher d'irrégularité la décision prise sur la demande d'agrément. Par suite, le moyen doit être écarté comme inopérant.

8. En troisième lieu, le requérant ne peut utilement se prévaloir de l'illégalité en la forme de la décision implicite de la commission nationale d'agrément et de contrôle du 3 septembre 2019 dans la mesure où cette commission s'est prononcée par une décision expresse du 17 octobre 2019, qui s'est substituée à la décision implicite précitée.

9. En quatrième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier ni des termes de la décision du 17 octobre 2019, que la commission nationale d'agrément et de contrôle n'aurait pas procédé à l'examen particulier de la situation personnelle de M. B.

10. En cinquième lieu, si le requérant fait valoir que la décision du 17 octobre 2019 méconnaît son droit au travail garanti par l'article 5 du préambule de la Constitution de 1946, cette décision trouve son fondement légal dans l'article L. 612-20 du code de la sécurité intérieure, qui soumet la délivrance d'une carte professionnelle pour l'exercice des activités privées de sécurité, au respect d'un ensemble de conditions. Or, à supposer que M. B ait entendu soutenir que l'article L. 612-20 du code de la sécurité intérieure serait contraire à la Constitution, ce moyen ne peut qu'être écarté comme irrecevable en l'absence de question prioritaire de constitutionnalité présentée par mémoire distinct, conformément aux dispositions de l'article R. 771-3 du code de justice administrative.

11. En sixième lieu, le moyen tiré de ce que la décision contestée méconnaît la Constitution, au demeurant imprécis, doit être écarté comme irrecevable pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 10 du présent jugement.

12. En dernier lieu, le moyen tiré de la violation de l'article 23 de la Déclaration universelle des droits de l'homme ne peut qu'être écarté comme inopérant dans la mesure où ce texte ne figure pas au nombre des traités et accords qui ont été régulièrement ratifiés ou approuvés dans les conditions fixées par l'article 55 de la Constitution.

13. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions aux fins d'annulation de M. B doivent être rejetées, ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction.

Sur les frais de l'instance :

14. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions du Conseil national des activités privées de sécurité tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le Conseil national des activités privées de sécurité sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à M. C B et au Conseil national des activités privées de sécurité.

Délibéré après l'audience du 6 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

M. L'Hôte, président,

Mme Bardad, première Conseillère,

Mme d'Elbreil, Conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 janvier 2023.

La rapporteure,

N. BARDAD

Le président,

V. L'HÔTE

La greffière,

L. ROUYER

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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Code publication

C