Tribunal administratif de Marseille

Ordonnance du 19 janvier 2023 n° 2102283

19/01/2023

Non renvoi

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par un mémoire, enregistré le 31 octobre 2022, Mme B A, représentée par Me Colmant, demande au Tribunal, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution et divers autres textes, de l'article L. 123-1 du code des relations entre le public et l'administration.

Cette demande, présentée par mémoire distinct, est faite à l'appui de la requête enregistrée le 15 mars 2021 au greffe du tribunal administratif de Marseille sous le n° 2102283 par laquelle Mme A entend contester la lettre de fin d'instruction du dossier PACA 2016 - ICHN du 14 janvier 2021 de la préfecture des Hautes-Alpes rejetant sa demande d'indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN) au titre de la campagne 2016.

Elle soutient que :

- l'article L. 123-1 du code des relations entre le public et l'administration est applicable au litige ;

- l'article L. 123-1 du code des relations entre le public et l'administration n'a pas été déclaré conforme à la Constitution ;

- la question en litige a un caractère sérieux du fait de la méconnaissance du principe constitutionnel d'égalité dès lors que les dispositions de l'article L. 123-1 du code des relations entre le public et l'administration excluent les sanctions requises pour la mise en œuvre du droit de l'Union européenne.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution ;

- la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article 61-1 de la Constitution : " Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. Une loi organique détermine les conditions d'application du présent article ".

2. Aux termes de l'article 23-1 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 : " Devant les juridictions relevant du Conseil d'État (), le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d'irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé. Un tel moyen peut être soulevé pour la première fois en cause d'appel. Il ne peut être relevé d'office ". L'article 23-2 de la même ordonnance ajoute que : " La juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionalité au Conseil d'État ou à la Cour de cassation. Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies : / 1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ; / 2° Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ; / 3° La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux ".

3. Aux termes de l'article L. 123-1 du code des relations entre le public et l'administration, créé par l'article 2 de la loi du 10 août 2018 : " Une personne ayant méconnu pour la première fois une règle applicable à sa situation ou ayant commis une erreur matérielle lors du renseignement de sa situation ne peut faire l'objet, de la part de l'administration, d'une sanction, pécuniaire ou consistant en la privation de tout ou partie d'une prestation due, si elle a régularisé sa situation de sa propre initiative ou après avoir été invitée à le faire par l'administration dans le délai que celle-ci lui a indiqué. / La sanction peut toutefois être prononcée, sans que la personne en cause ne soit invitée à régulariser sa situation, en cas de mauvaise foi ou de fraude. / Les premier et deuxième alinéas ne sont pas applicables : / 1° Aux sanctions requises pour la mise en œuvre du droit de l'Union européenne ; (). ".

4. Mme A soutient que les dispositions de l'article L. 123-1 du code des relations entre le public et l'administration portent atteinte au principe d'égalité devant la loi en ce qu'elles privent de manière injustifiée les exploitant agricoles français du bénéfice du droit à l'erreur, dès lors que l'indemnité compensatoire de handicaps naturels en litige résulte de la mise en œuvre du droit de l'Union européenne.

5. Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit.

6. Il ressort de l'article L. 123-1 du code des relations entre le public et l'administration que ces dispositions s'appliquent à toutes sanctions requises pour la mise en œuvre du droit de l'Union européenne. Par conséquent, c'est à tort que la requérante soutient que le législateur aurait réglé de façon différente la situation des exploitants agricoles en raison de leur nationalité. En outre, la circonstance qu'un particulier ou un exploitant agricole puisse se prévaloir du droit à l'erreur pour une aide ne relevant pas de la mise en œuvre du droit de l'Union européenne ne révèle pas à elle seule une discrimination ni ne constitue une méconnaissance du principe d'égalité dès lors que la requérante n'établit pas être dans la même situation, cette différence de traitement étant en rapport avec l'objet de la loi et fondée sur des critères objectifs et rationnels. Il s'ensuit que les dispositions législatives critiquées ne méconnaissent pas le principe d'égalité devant la loi. Il suit de là que la question de constitutionnalité soulevée est dépourvue de caractère sérieux.

7. Il résulte de tout ce qui précède qu'il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question soulevée par Mme A.

O R D O N N E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par Mme A.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme B A, à la Région Provence-Alpes-Côte d'Azur et au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Copie en sera adressée au préfet des Hautes-Alpes.

Fait à Marseille, le 19 janvier 2023.

Le président,

Signé

J-M. LASO

La République mande et ordonne au au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire en ce qui le concerne et à tous commissaires à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

Le greffier,

N°2102283