Tribunal administratif de Strasbourg

Jugement du 16 janvier 2023 n° 2202785

16/01/2023

Irrecevabilité

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 26 avril 2022, M. C B demande au tribunal :

1°)de prononcer la décharge du prélèvement de solidarité de l'article 235 ter du code général des impôts auquel il a été assujetti à raison de revenus fonciers de source française au titre de l'année 2018 pour un montant de 1 084 euros ;

2°)de condamner l'Etat à réparer le préjudice qu'il a subi.

Il soutient que :

- il est fondé à bénéficier du crédit d'impôt modernisation du recouvrement (CIMR) à raison du prélèvement de solidarité de 7,5 % appliqué à ses revenus fonciers au titre de l'année 2018 ;

- la décision de rejet est insuffisamment motivée ;

- le prélèvement de solidarité de l'article 235 ter du code général des impôts est contraire à la Constitution et au principe d'égalité dès lors que résidents et non-résidents ne sont pas traités également ;

- le traitement de son dossier par l'administration fiscale n'a pas été satisfaisant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 septembre 2022, le directeur régional des finances publiques de la région Grand Est et du département du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.

Le directeur régional des finances publiques de la région Grand Est et du département du Bas-Rhin soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution et notamment son article 61-1 ;

- la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, notamment ses articles 6 et 13 ;

- le règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 sur la coordination des systèmes de sécurité sociale ;

- la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 portant loi de finances pour 2017, modifiée, notamment son article 60 ;

- la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 et, notamment, le I de l'état A des états législatifs y annexés ;

- la loi n° 2018-1203 du 22 décembre 2018 de financement de la sécurité sociale pour 2019 ;

- la décision n° 430189 du Conseil d'Etat du 20 septembre 2019 statuant au contentieux ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment son article 23-1 ;

- l'ordonnance n° 2017-1390 du 22 septembre 2017 relative au décalage d'un an de l'entrée en vigueur du prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D A,

- et les conclusions de M. Laurent Guth, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1.M. B, qui réside à Metz, occupe un emploi salarié au Luxembourg. Il a perçu des revenus tirés de biens immobiliers situés en France au titre de l'année 2018. En application des dispositions de l'article 235 ter du code général des impôts, ces mêmes revenus ont été soumis au prélèvement de solidarité, dont M. B demande la décharge.

Sur les conclusions à fin de décharge :

2.En premier lieu, les vices qui entachent la décision par laquelle une réclamation préalable est rejetée sont sans influence sur la régularité de la procédure et le bien-fondé de l'imposition contestée. Il suit de là que le moyen invoqué par le requérant relatif à l'insuffisante motivation de la décision de rejet est inopérant.

3.En deuxième lieu, aux termes des dispositions de l'article 235 ter du code général des impôts issu de l'article 26 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 susvisée: " I.- Il est institué : 1° Un prélèvement de solidarité sur les revenus du patrimoine mentionnés à l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale () II.- Le prélèvement de solidarité mentionné au 1° du I du présent article est assis, contrôlé et recouvré selon les mêmes règles et sous les mêmes sûretés, privilèges et sanctions que la contribution mentionnée à l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale, sans qu'il soit fait application du I ter du même article L. 136-6 () ". Et aux termes de l'article L. 136-6 du même code : " I.- Les personnes physiques fiscalement domiciliées en France au sens de l'article 4 B du code général des impôts sont assujetties à une contribution sur les revenus du patrimoine assise sur le montant net retenu pour l'établissement de l'impôt sur le revenu (). / I bis. - Sont également assujetties à la contribution les personnes physiques qui ne sont pas fiscalement domiciliées en France au sens de l'article 4 B du code général des impôts à raison du montant net des revenus, visés au a du I de l'article 164 B du même code, retenu pour l'établissement de l'impôt sur le revenu. / I ter.- Par dérogation aux I et I bis, ne sont pas redevables de la contribution les personnes qui, par application des dispositions du règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, relèvent en matière d'assurance maladie d'une législation soumise à ces dispositions et qui ne sont pas à la charge d'un régime obligatoire de sécurité sociale français ".

4.M. B fait valoir que ce prélèvement de solidarité, auquel ne seraient pas soumis certains contribuables, serait contraire au principe constitutionnel d'égalité devant les charges publiques. Il n'a cependant pas présenté, alors même que le juge de l'impôt n'est pas le juge de la constitutionnalité des lois, de question prioritaire de constitutionnalité dans les formes prévues à l'article R. 771-3 du code de justice administrative. Ce moyen doit, dès lors et en tout état de cause, être écarté comme irrecevable.

5.En dernier lieu, aux termes du A du II de l'article 60 de loi susvisée du 28 décembre 2016 : " Les contribuables bénéficient, à raison des revenus non exceptionnels entrant dans le champ du prélèvement mentionné à l'article 204 A du code général des impôts, tel qu'il résulte de la présente loi, perçus ou réalisés en 2018, d'un crédit d'impôt modernisation du recouvrement destiné à assurer, pour ces revenus, l'absence de double contribution aux charges publiques en 2019 au titre de l'impôt sur le revenu ". Et aux termes de l'article 204 A du code général des impôts : " 1. Les revenus imposables à l'impôt sur le revenu suivant les règles applicables aux salaires, aux pensions ou aux rentes viagères ou dans les catégories () des revenus fonciers () donnent lieu, l'année au cours de laquelle le contribuable en a la disposition ou de leur réalisation, à un prélèvement. / 2. Le prélèvement prend la forme : / () 2° Pour les revenus mentionnés à l'article 204 C, d'un acompte acquitté par le contribuable. ". Aux termes du C du même article : " Donnent lieu au paiement de l'acompte prévu au 2° du 2 de l'article 204 A les revenus soumis à l'impôt sur le revenu dans les catégories des () revenus fonciers () ". Aux termes du M du II de l'article 60 de la loi susvisée : " Les revenus de l'année 2018 mentionnés à l'article 204 C du code général des impôts, lorsqu'ils sont soumis à la contribution prévue à l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale, dans les conditions prévues au III du même article L. 136-6, ouvrent droit à un crédit d'impôt dans les mêmes conditions que celles prévues au A du présent II () ".

6.Il résulte de la lecture combinée de ces dispositions et de celles citées au point 3 qu'un assujetti au prélèvement de solidarité prévu par l'article 235 ter du code général des impôts, lequel s'applique aux revenus fonciers, doit, pour bénéficier du crédit d'impôt pour la modernisation du recouvrement, être soumis au prélèvement à la source prévu à l'article 204 A du code général des impôts. Or, pour être soumis à ce prélèvement à la source, l'intéressé doit être assujetti à la contribution prévue à l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale et avoir, à ce titre, acquitté des acomptes.

7.Il résulte de l'instruction, et notamment de l'avis d'imposition au titre de l'année 2018 produit par l'intéressé, que M. B n'a pas été assujetti à la contribution prévue à l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale sur ses revenus fonciers au titre de la période d'imposition en litige. Il ne pouvait dès lors pas bénéficier du crédit d'impôt pour la modernisation du recouvrement. Au demeurant, alors que ce crédit a été instauré pour éviter une double imposition, le requérant ne démontre ni même n'allègue avoir, au cours de l'année 2018, dû acquitter des acomptes en application de l'article 204 A du code général des impôts au titre du prélèvement de solidarité prévu à l'article 235 ter du code général des impôts à raison des revenus fonciers perçus au cours de cette même année.

8.Il résulte de tout ce qui précède que M. B n'est pas fondé à obtenir la décharge du prélèvement de solidarité de l'article 235 ter du code général des impôts auquel il a été assujetti à raison de revenus fonciers de source française au titre de l'année 2018.

Sur les conclusions indemnitaires :

9.M. B demande la réparation du préjudice que lui aurait causé l'administration fiscale, sans d'ailleurs assortir ses conclusions d'aucun élément précis ou probant de nature à établir la réalité et l'étendue du préjudice allégué. Toutefois, il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit et sans commettre aucune irrégularité que le service a mis à la charge du requérant l'imposition en litige. Par suite, en l'absence de comportement fautif de l'administration, M. B n'est pas fondé à demander l'indemnisation de son préjudice prétendu. Il suit de là que les conclusions indemnitaires présentées par le requérant doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1 :La requête de M. B est rejetée.

Article 2 :Le présent jugement sera notifié à M. C B et au directeur régional des finances publiques de la région Grand Est et du département du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 19 décembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Julien Iggert, président,

M. Christophe Michel, premier conseiller,

M. Mohammed Bouzar, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 janvier 2023.

Le rapporteur,

C. A

Le président,

J. IGGERT

Le greffier,

S. PILLET

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Strasbourg, le

Le greffier,