Cour d'Appel de Caen

Ordonnance du 11 janvier 2023 n°22/00640

11/01/2023

Non renvoi

COUR D'APPEL DE CAEN

 

2ème Chambre civile

 

O R D O N N A N C E

 

N° RG 22/00640 -

 

S.A.S. SELIMA

 

Représentée par Me Jérémie PAJEOT, avocat au barreau de CAEN - N° du dossier LC5945

 

Assistée de Me François KOPF et Me Mathieu DELLA VITTORIA, avocats au barreau de PARIS

 

C/

 

Maître [W] [Y] Mandataire Judiciaire de la SARL SOVALVIP

 

S.A.R.L. SOVALVIP

 

S.E.L.A.R.L. TRAJECTOIRE, prise en la personne de Maître [C] Commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde de la SARL SOVALVIP

 

Représentés et assistés par Me Franck THILL, avocat au barreau de CAEN - N° du dossier 20220029

 

Le MERCREDI ONZE JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS,

 

Nous, B. GOUARIN, Conseiller, chargée de la mise en état, assistée de Mme LE GALL, greffier,

 

Avons rendu l'ordonnance suivante après débats tenus le Mercredi 14 Décembre 2022, les parties ayant été préalablement avisées de la date de délibéré,

 

*

 

* *

 

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS

 

Le 28 septembre 2009 a été constituée la SARL Sovalvip entre les époux [P], associés majoritaires, et la SAS Selima, détenant 26 % des parts sociales et filiale à 100 % de la société Profidis, elle-même filiale de la société Carrefour SA, avec pour objet social l'acquisition et l'exploitation d'un fonds de commerce de type supermarché sis à [Localité 1] sus l'enseigne Marché plus ou toute autre enseigne appartenant au groupe Carrefour, à l'exclusion de toute autre.

 

À l'issue d'une période de location-gérance de ce supermarché situé à [Localité 1] puis d'un supermarché à l'enseigne Carrefour city situé à [Localité 2], la société Carrefour proximité a cédé à la société Sovalvip le 4 juillet 2014 le fonds de commerce de ce dernier.

 

L'article 15 des statuts de la société Sovalvip a été modifié comme suit : 'Toutefois, à titre de règlement intérieur, il est convenu que la gérance ne pourra, sans y être autorisée par une décision des associés représentant plus des ¿ des parts sociales ['], autoriser la location-gérance en tout ou partie du fonds de commerce, notamment celui de [Localité 2], exploité par la présente société, modifier l'enseigne de ce fonds, modifier les conditions du ou des baux des locaux d'exploitation [...]'.

 

Le 4 juillet 2014, la société Sovalvip a conclu un contrat de franchise avec la société Carrefour proximité France pour une période de 7 ans et un contrat d'approvisionnement avec la société CSF de la même durée.

 

Le 17 juin 2020, la société Sovalvip a dénoncé ces deux contrats à effet au 25 juin 2021.

 

Par jugement du 30 septembre 2020, le tribunal de commerce de Caen a ouvert une procédure de sauvegarde à l'égard de la société Sovalvip, désignant la SELARL Trajectoire en la personne de Me [M] [C] comme administrateur judiciaire et Me [W] [Y] comme mandataire judiciaire.

 

La tierce opposition formée par la société Selima et par la société Carrefour proximité France contre cette décision a été déclarée irrecevable par jugement rendu le 26 mai 2021 par le tribunal de commerce de Caen. L'appel interjeté par la société Selima contre ce jugement est en cours.

 

Selon jugement du 12 janvier 2022, le tribunal de commerce de Caen a rejeté le recours formé par la société Selima contre l'ordonnance du 8 juin 2021 par laquelle le juge-commissaire a autorisé la société Sovalvip à constituer un gage en vue de souscrire un nouveau contrat d'approvisionnement auprès du groupe Segurel. L'appel interjeté contre cette décision par la société Selima est en cours.

 

Suivant jugement du 16 juin 2021, le tribunal de commerce de Caen, saisi par la société Sovalvip et son administrateur judiciaire, a, sur le fondement de l'article L. 626-3 du code de commerce, autorisé le gérant de la société Sovalvip à convoquer une assemblée générale extraordinaire afin de modifier l'objet social de cette société, autorisant le vote à la majorité simple des voix dont disposent les actionnaires présents ou représentés dès lors que ceux-ci possèdent au moins la moitié des parts ayant droit de vote.

 

Le 13 juillet 2021, la société Selima a formé tierce opposition à ce jugement.

 

Le 19 juin 2021 s'était tenue une assemblée générale extraordinaire conformément au jugement du tribunal de commerce de Lisieux du 16 juin 2021. Par acte d'huissier du 22 septembre 2021, la société Selima a contesté la validité de cette assemblée ; cette instance est en cours et a donné lieu à un sursis à statuer.

 

Par jugement du 2 mars 2022, le tribunal de commerce de Caen a :

 

- déclaré irrecevable le recours formé par la société Selima contre le jugement rendu par le tribunal de commerce de Caen le 16 juin 2021,

 

- déclaré irrecevable la demande incidente de transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la société Selima,

 

- confirmé en tous points le jugement rendu le 16 juin 2021 par le tribunal de commerce de Caen,

 

- dit n'y avoir lieu de statuer sur l'ensemble des demandes, fins et conclusions de la société Selima,

 

- débouté la société Sovalvip de sa demande de dommages-intérêts,

 

- condamné la société Selima à payer à la société Sovalvip la somme de 15.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens comprenant les frais de greffe d'un montant de 142,73 euros.

 

Par déclaration du 11 mars 2022, la société Selima a interjeté appel de cette décision.

 

Suivant jugement du 4 août 2021, le tribunal de commerce de Caen a arrêté un plan de sauvegarde à l'égard de la société Sovalvip pour une durée de 8 ans.

 

Selon dernières conclusions du 25 octobre 2022, auxquelles il est référé pour l'exposé de ses moyens, la société Selima demande au conseiller de la mise en état de se déclarer incompétent pour connaître des demandes formées par la société Sovalvip, Me [Y] et la SELARL Trajectoire, ès qualités, tendant au rejet de son appel et, en conséquence, au rejet de ses demandes et à la confirmation du jugement entrepris ainsi qu'à sa condamnation à des dommages-intérêts pour procédure abusive, de déclarer en conséquence ces demandes irrecevables, de se déclarer compétent pour connaître de la demande de transmission de la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par elle, de débouter en conséquence la société Sovalvip de sa demande de jonction de l'incident au fond, de transmettre avant dire droit à la Cour de cassation la question prioritaire de constitutionnalité suivante : «L'article 99 IV 6° de la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 (codifié au premier alinéa de l'article L. 626-3 du code de commerce) porte-t-il atteinte aux principes garantis par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen en tant qu'il permet au tribunal saisi d'une procédure de sauvegarde d'ordonner que l'assemblée générale des associés appelée à statuer sur les modifications statutaires prévues dans le projet de plan vote à la majorité simple, sans que les intéressés puissent exercer un recours utile à l'encontre de ce jugement ' Cette même disposition porte-t-elle en outre une atteinte disproportionnée à la liberté contractuelle et à la liberté d'entreprendre de ces mêmes personnes intéressées ' », de débouter la société Sovalvip, Me [Y] et la SELARL Trajectoire, ès qualités, de toutes leurs prétentions et de condamner la société Sovalvip à lui verser la somme de 5.000 euros à titre d'indemnité de procédure ainsi qu'aux entiers dépens.

 

Par dernières conclusions du 6 décembre 2022, auxquelles il est référé pour l'exposé de ses moyens, la société Sovalvip, Me [Y] et la SELARL Trajectoire, ès qualités, demandent au conseiller de la mise en état à titre principal de se déclarer incompétent pour statuer sur la demande incidente de transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité et de joindre l'incident d'irrecevabilité du recours formé et l'incident de transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité.

 

Subsidiairement, ils demandent au conseiller de la mise en état de déclarer irrecevable la demande incidente de transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité, l'action incidente devant suivre le sort de l'action principale, de débouter la société Selima de sa demande de transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité en l'absence de caractère sérieux de cette question et de condamner celle-ci à verser à la société Sovalvip la somme de 8.000 euros à titre d'indemnité de procédure ainsi qu'aux entiers dépens.

 

Par conclusions du 22 novembre 2022, le ministère public demande au conseiller de la mise en état de dire n'y avoir lieu de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité posée par la société Selima comme dépourvue de caractère sérieux.

 

MOTIFS DE LA DECISION

 

1.Sur la compétence du conseiller de la mise en état pour statuer sur la demande de transmission de la question prioritaire de constitutionnalité et la recevabilité de cette demande

 

En vertu de l'article 61-1 de la Constitution, lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé.

 

La question de constitutionnalité ne peut être soulevée qu'à titre incident dans le cadre préexistant d'un procès devant le juge de droit commun et ne peut être instruite qu'en corrélation avec les règles procédurales de droit commun.

 

Selon l'article 126-3 du code de procédure civile, le magistrat chargé de la mise en état, ainsi que le magistrat de la cour d'appel chargé d'instruire l'affaire, statue par ordonnance sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité soulevée devant lui. Lorsque la question le justifie, il peut également renvoyer l'affaire devant la formation de jugement, le cas échéant sans clore l'instruction, pour qu'elle statue sur la transmission de la question.

 

La société Sovalvip soutient que la demande de transmission de la question prioritaire de constitutionnalité formée par la société Selima est irrecevable, dès lors que, présentée à titre incident dans le cadre d'une procédure en cours, une telle demande est irrecevable lorsqu'elle est présentée à l'appui d'un recours lui-même irrecevable.

 

Elle fait valoir que le jugement rendu le 16 juin 2021 par le tribunal de commerce de Caen en application de l'article L. 626-3 du code de commerce dans le cadre de l'élaboration du plan de sauvegarde de la société Sovalvip et autorisant le vote à la majorité simple de l'assemblée générale extraordinaire appelée à se prononcer sur des modifications des statuts ne pouvait faire l'objet d'une tierce-opposition de la part de la société Selima, associée, de sorte que celle-ci n'est pas recevable à demander la transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité.

 

La société Selima réplique que l'appréciation de la recevabilité de la tierce-opposition formée contre le jugement rendu le 16 juin 2021 par le tribunal de commerce relève de l'appréciation du juge du fond et non du conseiller de la mise en état et fait observer que son appel est recevable.

 

Le conseiller de la mise en état est, en vertu de l'article L. 126-3 du code de procédure civile, compétent pour statuer sur la demande de transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité.

 

En l'espèce, la question prioritaire de constitutionnalité posée par la société Selima ne justifie pas que l'affaire soit renvoyée devant la formation de jugement pour qu'elle statue sur la transmission de cette question.

 

S'il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité lorsque celle-ci est présentée à l'appui d'un recours qui est lui-même irrecevable, il convient de relever qu'en l'espèce la recevabilité de l'appel interjeté par la société Selima contre le jugement rendu le 2 mars 2022 par le tribunal de commerce de Caen n'est pas discutée par la société Sovalvip, de sorte qu'est recevable la demande formée par l'appelant de transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité constituant un moyen invoqué à l'appui de cet appel, cette question portant précisément sur le texte fondant la décision d'irrecevabilité prononcée par les premiers juges.

 

Il est en outre relevé qu'en vertu de l'article 914 du code de procédure civile il n'appartient pas au conseiller de la mise en état de statuer sur la recevabilité de la tierce-opposition formée contre le jugement rendu le 16 juin 2021 par le tribunal de commerce de Lisieux dès lors que cette fin de non-recevoir concerne l'appel et non la procédure d'appel.

 

2. Sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité

 

Selon l'article 23-2 de l'ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, issu de la loi organique n°2009-1523 du 10 décembre 2009, la juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation et il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont réunies :

 

1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ;

 

2° Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ;

 

3° la question n'est pas dépourvue de caractère sérieux.

 

En l'espèce, est applicable au litige et n'a pas été déclaré conforme à la Constitution l'article 99 IV 6° de la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 ayant modifié le premier alinéa de l'article L. 626-3 du code de commerce en ce que « le tribunal peut décider que l'assemblée compétente statuera sur les modifications statutaires, sur première convocation, à la majorité des voix dont disposent les associés ou actionnaires présents ou représentés dès lors que ceux-ci possèdent au moins la moitié des parts ou actions ayant le droit de vote. Sur deuxième convocation, il est fait application des dispositions de droit commun relatives au quorum et à la majorité ».

 

Cependant, la question prioritaire de constitutionnalité posée par la société Selima est dépourvue de caractère sérieux.

 

En effet, la société Selima soutient en premier lieu que l'absence de recours ouvert contre la décision du tribunal de commerce autorisant une modification statutaire à la majorité simple, alors que les statuts de la société Sovalvip prévoient un vote à la majorité des deux tiers et que la société Selima détient une minorité de blocage de 26 %, portent une atteinte disproportionnée à son droit à un recours effectif devant une juridiction, ajoutant que le recours qui lui est ouvert contre la décision de l'assemblée générale convoquée à la suite de cette autorisation ou celui ouvert contre le jugement arrêtant le plan de sauvegarde n'ont pas le même objet qu'un recours exercé contre la décision autorisant ce vote, rendue de manière non contradictoire.

 

Toutefois, les dispositions critiquées de l'article L. 626-3 du code de commerce ne sont pas contraires au droit au recours effectif devant une juridiction garanti par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen en ce que le caractère non contradictoire de la procédure sur requête suivie devant le tribunal de commerce en application des dispositions critiquées, l'absence de prévision d'une notification ou d'une publication de la décision rendue et l'absence de possibilité de former une tierce opposition contre cette décision poursuivent un but légitime conforme à l'intérêt général, consistant en la célérité et l'efficacité de la procédure de sauvegarde destinée à prévenir les difficultés insurmontables des entreprises par une réorganisation en vue de permettre la poursuite de l'activité économique, le maintien de l'emploi et l'apurement du passif et ne portent pas, au regard de l'objectif poursuivi, une atteinte disproportionnée au droit au recours effectif devant une juridiction des associés minoritaires dès lors, d'une part, que la société Selima soutient elle-même que ces associés disposent de la faculté de former tierce-opposition contre cette décision dans les conditions de l'article 583 du code de procédure civile et, d'autre part, que les décisions arrêtant ou modifiant le plan de sauvegarde ou rejetant la résolution de ce plan sont susceptibles de tierce opposition en vertu de l'article L. 661-3 du code de commerce, ce qui met les associés minoritaires en mesure de contester effectivement la modification statutaire décidée à la majorité simple autorisée par le tribunal de commerce dans le cadre de l'élaboration du plan de sauvegarde, outre la possibilité pour ces associés de contester judiciairement la validité de l'assemblée générale convoquée pour voter sur la modification statutaire envisagée, ces voies de recours étant des garanties procédurales et de fond suffisantes.

 

À cet égard, il convient de relever que les voies de recours contre les décisions rendues dans le cadre des procédures collectives se trouvent régies par les dispositions des articles L. 661-1 à L. 661-12 du code de commerce rassemblées dans un chapitre relatif aux voies de recours et non par celles de l'article L. 626-3, seul objet de la question prioritaire de constitutionnalité en cause.

 

Contrairement à ce que soutient la société Selima, les dispositions litigieuses de l'article L. 626-3, qui se limitent à donner au tribunal de commerce la possibilité d'autoriser le vote d'une modification statutaire à la majorité simple dans le cadre de l'élaboration du plan de sauvegarde, ne peuvent être utilement comparées à celles de l'article L. 661-1 6° bis organisant un débat contradictoire avec les associés appartenant à une minorité de blocage et ouvrant la voie de l'appel ou du pourvoi en cassation contre les décisions prises en vertu de l'article L. 631-19-2 statuant sur la désignation d'un mandataire et la cession de tout ou partie de la participation détenue dans le capital social par les associés minoritaires aux associés ou actionnaires ayant refusé la modification du capital prévue par le projet de plan, dès lors que la décision rendue en application des dispositions critiquées de l'article L. 626-3 dans le cadre de l'élaboration du plan de sauvegarde n'aboutit pas à la privation de l'exercice personnel de son droit de vote par l'associé détenant une minorité de blocage ou à la cession forcée de ses parts.

 

En second lieu, la société Selima fait valoir que les dispositions de l'article L. 626-3 du code de commerce portent une atteinte disproportionnée à la liberté d'entreprendre et à la liberté contractuelle, au motif que l'autorisation d'une modification statutaire à la majorité simple conduit à imposer à des associés appartenant à une minorité de blocage une modification du capital, un changement de forme sociale ou, comme en l'espèce, d'objet social contraire à la volonté commune initiale des associés exprimée par le contrat de société, sans que le tribunal de commerce saisi d'une telle demande n'entendent les associés minoritaires et n'exerce de contrôle cette modification statutaire.

 

Cependant, les dispositions critiquées de l'article L. 626-3 du code de commerce ne sont pas contraires à la liberté d'entreprendre et à la liberté contractuelle garanties par l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen en ce que la possibilité pour le tribunal de commerce, dans le cadre de l'élaboration du plan de sauvegarde d'une entreprise, d'autoriser une modification statutaire à la majorité simple poursuit un objectif d'intérêt général, consistant en la prévention des difficultés insurmontables des entreprises par une réorganisation en vue de permettre la poursuite de l'activité économique, le maintien de l'emploi et l'apurement du passif, et que l'atteinte portée à la liberté d'entreprendre et à la liberté contractuelle est proportionnée au regard de cet objectif d'intérêt général, dès lors que le tribunal de commerce saisi d'une telle requête est appelé à s'assurer que la modification statutaire invoquée est comprise dans le projet de plan de sauvegarde, lequel est élaboré par le débiteur et l'administrateur avec consultation des créanciers.

 

En effet, comme l'admet la société Selima dans ses conclusions (paragraphe 167), le tribunal de commerce appelé à statuer sur une demande d'autorisation de vote à la majorité simple de l'assemblée compétente sur une modification statutaire doit vérifier que la modification envisagée figure dans le projet de plan de sauvegarde et est conforme à l'intérêt social du débiteur, ce qui constitue une garantie de fond suffisante.

 

En conséquence, il n'y a pas lieu de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité posée par la société Selima.

 

Succombant, la société Selima sera condamnée aux entiers dépens de l'incident.

 

Il n'y a pas lieu de prononcer de condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

 

PAR CES MOTIFS

 

Le conseiller de la mise en état, statuant publiquement et par ordonnance mise à disposition au greffe,

 

Se déclare compétent pour statuer sur la demande de transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité ;

 

Dit n'y avoir lieu de renvoyer l'affaire devant la formation de jugement pour qu'elle statue sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la société Selima ;

 

Déclare recevable la demande de transmission de question prioritaire de constitutionnalité formée par la société Selima ;

 

Dit n'y avoir lieu de transmettre à la Cour de cassation la question prioritaire de constitutionnalité posée par la société Selima dans les termes suivants : «L'article 99 IV 6° de la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 (codifié au premier alinéa de l'article L. 626-3 du code de commerce) porte-t-il atteinte aux principes garantis par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen en tant qu'il permet au tribunal saisi d'une procédure de sauvegarde d'ordonner que l'assemblée générale des associés appelée à statuer sur les modifications statutaires prévues dans le projet de plan vote à la majorité simple, sans que les intéressés puissent exercer un recours utile à l'encontre de ce jugement ' Cette même disposition porte-t-elle en outre une atteinte disproportionnée à la liberté contractuelle et à la liberté d'entreprendre de ces mêmes personnes intéressées ' » ;

 

Condamne la société Selima aux entiers dépens de l'incident ;

 

Dit n'y avoir lieu de prononcer de condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

 

LE GREFFIER LE CONSEILLER

 

DE LA MISE EN ETAT

 

N. LE GALL B. GOUARIN