Tribunal administratif de Montreuil

Jugement du 10 janvier 2023 n° 2014650

10/01/2023

Irrecevabilité

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 23 décembre 2020, M. C A, représenté par Me Philippe demande au tribunal :

1°) de prononcer la décharge des prélèvements sociaux à hauteur de 129 152 euros auxquels ont été assujetties, au titre de l'année 2018, les sommes qui lui ont été versées consécutivement à la clôture des contrats d'assurance-vie de Mme D A, qui résidait en France, où elle est décédée, somme qui devra être assortie des intérêts moratoires ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- dès lors que les contributions sociales de contrats d'assurance vie en unité de comptes constituent une dette exclusive et personnelle du défunt, les bénéficiaires du contrat d'assurance vie ne doivent pas supporter la charge du prélèvement ;

- le prélèvement ainsi conçu est contraire aux articles 2, 16 et 17 de la déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 1 du protocole n°1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'omission par l'article L. 136-7 du code de la sécurité sociale de la désignation des redevables de la contribution constitue une atteinte au respect des biens, au sens de l'article 1 du protocole n°1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 juin 2021, la directrice chargée de la direction des impôts des non-résidents conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 7 juin 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 19 juillet 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B,

- et les conclusions de M. Noël, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. C A a reçu en 2018 des sommes qui lui ont été versées consécutivement à la clôture des contrats d'assurance-vie de Mme D A, qui résidait en France, où elle est décédée la même année. Ces sommes ont été assujetties aux prélèvements sociaux conformément à l'article L. 136-7 du code de la sécurité sociale. M. A en demande la décharge.

Sur les conclusions à fin de décharge :

2. Aux termes de l'article R. 771-3 du code de justice administrative : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est soulevé, conformément aux dispositions de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, à peine d'irrecevabilité, dans un mémoire distinct et motivé. Ce mémoire, ainsi que, le cas échéant, l'enveloppe qui le contient, portent la mention : " question prioritaire de constitutionnalité ". ". Et aux termes de l'article R. 771-4 du même code : " L'irrecevabilité tirée du défaut de présentation, dans un mémoire distinct et motivé, du moyen visé à l'article précédent peut être opposée sans qu'il soit fait application des articles R. 611-7 et R. 612-1 ".

3. Le moyen tiré de ce que les dispositions législatives de l'article L. 136-7 du code de la sécurité sociale sont contraires aux principes constitutionnels des articles 2, 16 et 17 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen n'a pas été soulevé dans un mémoire distinct, en méconnaissance des dispositions précitées de l'article R. 771-3 du code de justice administrative et est, par suite, irrecevable.

4. Aux termes de l'article L. 136-7 du code de la sécurité sociale : " I.-Lorsqu'ils sont payés à des personnes physiques fiscalement domiciliées en France au sens de l'article 4 B du code général des impôts, les produits de placements sur lesquels sont opérés les prélèvements prévus aux 1 ou 2 du II de l'article 125-0 A, aux II et III de l'article 125 A et au I de l'article 125 D du même code, ainsi que les produits de placements mentionnés au I des articles 125 A et 125-0 A du même code retenus pour l'établissement de l'impôt sur le revenu lorsque la personne qui en assure le paiement est établie en France, sont assujettis à une contribution ()/ II.-Sont également assujettis à la contribution selon les modalités prévues au premier alinéa du I, pour la part acquise à compter du 1er janvier 1997 et, le cas échéant, constatée à compter de cette même date en ce qui concerne les placements visés du 3° au 9° ; ()/ 3° Les produits attachés aux bons ou contrats de capitalisation, ainsi qu'aux placements de même nature mentionnés à l'article 125-0 A du code général des impôts, quelle que soit leur date de souscription, à l'exception des produits attachés aux contrats mentionnés à l'article 199 septies du même code :/ () c) Lors du dénouement des bons ou contrats ou lors du décès de l'assuré. L'assiette de la contribution est calculée déduction faite des produits ayant déjà supporté la contribution au titre des a et b nets de cette contribution. () ".

5. Aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes. ". Une personne ne peut prétendre au bénéfice des stipulations précitées que si elle peut faire état de la propriété d'un bien qu'elles ont pour objet de protéger et à laquelle il aurait été porté atteinte. À défaut de créance certaine, l'espérance légitime d'obtenir une somme d'argent doit être regardée comme un bien au sens de ces stipulations.

6. Il résulte des dispositions précitées de l'article 136-7 du code de la sécurité sociale que la contribution sociale généralisée (CSG) devient exigible lors du dénouement du contrat d'assurance-vie, que ce dernier résulte de son rachat par l'assuré ou résulte du décès de ce dernier et que l'assiette de cette contribution, sur laquelle sont alignées celles des autres prélèvements sociaux en cause, est constituée de la valorisation du capital constatée à la date du décès, cette valorisation représentant la somme inscrite au contrat, minorée des versements effectués durant le contrat par son souscripteur, en l'espèce feu Mme D A, et que par suite, les prélèvement sociaux frappent les gains réalisés par l'assuré jusqu'au dénouement du contrat. Il s'ensuit que les prélèvements sociaux en cause ont nécessairement pour redevable Mme D A. Par suite, le requérant ne peut utilement se prévaloir de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

7. Il résulte de ce qui précède que les conclusions présentées par le requérant tendant à la décharge des prélèvements sociaux, auxquels ont été assujetties, au titre de l'année 2018, les sommes qui lui ont été versées consécutivement à la clôture des contrats d'assurance-vie de Mme D A, qui résidait en France, où elle est décédée, assortis des intérêts moratoires, doivent être rejetées

Sur les frais liés à l'instance :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui ne peut être regardé comme la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par les requérants au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. C A et à la directrice chargée de la direction des impôts des non-résidents.

Délibéré après l'audience du 20 décembre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Auvray, président,

- M. Puechbroussou, conseiller,

- Mme Fabre, conseillère.

Rendu public par mise à disposition du greffe le 10 janvier 2023.

La rapporteure,

Signé

A.-L. B

Le président,

Signé

B. Auvray

Le greffier,

Signé

S. Werkling

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.