Tribunal administratif de Nancy

Jugement du 8 décembre 2022 n° 2002411

08/12/2022

Non renvoi

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 30 septembre 2020 et des mémoires en réplique enregistrés les 20 octobre et 9 novembre 2022, la société Covivio, représentée par la société d'exercice libéral par actions simplifiée M2C Avocat, demande au tribunal :

1°) d'ordonner à la Métropole du Grand Nancy de communiquer les éléments budgétaires nécessaires à ses prétentions ;

2°) de prononcer la décharge de la cotisation de taxe d'enlèvement des ordures ménagères à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2019 dans les rôles de la commune de Nancy ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les conclusions formulées par la Métropole du Grand Nancy sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont irrecevables dès lors qu'elle n'a pas qualité de partie à l'instance ;

- elle est fondée à se prévaloir, par la voie de l'exception, de l'illégalité des délibérations par lesquelles le conseil de la Métropole du Grand Nancy a fixé le taux de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères pour 2019, dès lors que ces délibérations, en méconnaissance des dispositions de l'article 1520 du code général des impôts, ont conduit à l'établissement d'impositions dont le produit est manifestement disproportionné par rapport au montant des dépenses ;

- la Métropole du Grand Nancy ne démontre pas qu'elle a choisi de prendre en compte les dépenses réelles d'investissement plutôt que les dotations aux amortissements ;

- les dépenses d'administration générale prises en compte pour un montant de 937 403 euros ne peuvent être financées par la taxe d'enlèvement des ordures ménagères dès lors que la Métropole ne produit aucun document de comptabilité analytique de nature à prouver que ces frais ont bien été exposés directement pour ce service ;

- les subventions de fonctionnement versées à des organismes externes pour un montant de 119 500 euros et des frais de foire et de communication pour un montant total de 483 300 euros ne peuvent pas davantage être financés par la taxe d'enlèvement des ordures ménagères ;

- aucune substitution de base légale n'est possible dès lors que le taux de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères pour l'année 2018 était également disproportionné ;

- seule une décharge totale de l'imposition est possible lorsque le taux de la taxe est illégal.

Par des mémoires en défense enregistrés les 31 mars 2021 et 16 novembre 2022, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, le directeur départemental des finances publiques de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête de la société Covivio.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Par des mémoires enregistrés les 10 septembre 2021, 28 octobre 2022 et 16 novembre 2022, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, la Métropole du Grand Nancy, représentée par la Selarl Cabinet Cabanes Avocats, conclut au rejet de la requête de la société Covivio et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à sa charge au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Par un mémoire enregistré le 9 février 2022, la société Covivio demande au tribunal, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de sa requête, de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions des 2° et 3° du I de l'article 1520 du code général des impôts, dans leur rédaction issue de l'article 23 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019.

Elle soutient que ces dispositions, applicables au litige et qui n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution, méconnaissent l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi et sont entachées d'une méconnaissance par le législateur de l'étendue de sa compétence, d'une manière qui porte atteinte au droit à un recours effectif ainsi qu'au principe d'égalité devant la loi.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 avril 2022, le directeur départemental des finances publiques de Meurthe-et-Moselle demande au tribunal de ne pas transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la société Covivio.

Il fait valoir que le Conseil d'Etat a déjà été saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité identique par le tribunal administratif de Dijon.

Par un mémoire, enregistré le 10 mai 2022, la Métropole du Grand Nancy demande au tribunal de ne pas transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la société Covivio.

Elle fait valoir que le Conseil d'Etat a, par décision du 28 avril 2022, n° 461409, refusé de transmettre au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité identique soulevée dans le cadre d'une instance devant le tribunal administratif de Dijon.

Par une ordonnance du 31 octobre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 16 novembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 ;

- la décision n° 461409 du 28 avril 2022 du Conseil d'Etat ;

- le code de justice administrative.

Le président du tribunal a désigné M. Coudert, vice-président, en application de l'article R. 222-13 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Coudert, magistrat désigné,

- les conclusions de Mme Guidi, rapporteure publique ;

- et les observations de Mme B, pour la Métropole du Grand Nancy.

Considérant ce qui suit :

1. La société Covivio est propriétaire de locaux situés 2 avenue Foch et 1 rue Henriette Gallé-Grimm à Nancy. Elle a été assujettie à la taxe d'enlèvement des ordures ménagères au titre de l'année 2019 à raison de ces locaux. Elle demande au tribunal de lui accorder la décharge de la cotisation correspondante.

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

2. Il résulte des dispositions combinées des premiers alinéas des articles 23-1 et 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, que le tribunal administratif, saisi d'un moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, présenté dans un mémoire distinct et motivé, statue par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat et procède à cette transmission à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question présente un caractère sérieux.

3. Le Conseil d'Etat dans sa décision du 28 avril 2022 n°461409 a considéré qu'il n'y avait pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions des 2° et 3° du I de l'article 1520 du code général des impôts, dans leur rédaction issue de l'article 23 de la loi du 28 décembre 2018 de finances pour 2019, en tant que ces dispositions méconnaîtraient l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi et qu'elles seraient entachées d'une méconnaissance par le législateur de l'étendue de sa compétence d'une manière qui porte atteinte au droit à un recours effectif ainsi qu'au principe d'égalité devant la loi, dans un litige de même nature que la présente affaire. Il s'ensuit que les conclusions de la société Covivio tendant à la transmission d'une telle question prioritaire de constitutionnalité, qui n'est pas nouvelle et est dépourvue de caractère sérieux, doivent être rejetées.

Sur les conclusions aux fins de décharge :

4. La société requérante, à l'appui de ses conclusions aux fins de décharge, excipe de l'illégalité de la délibération du 8 février 2019 par laquelle le conseil métropolitain du Grand Nancy a fixé le taux de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères pour l'année 2019 à 7,46 %. Elle soutient que cette délibération méconnaît les dispositions de l'article 1520 du code général des impôts dès lors que les recettes générées dépassent de manière manifestement disproportionnée le coût du service non couvert par les recettes non fiscales.

5. Aux termes du I de l'article 1520 du code général des impôts, dans sa rédaction résultant de l'article 23 de la loi du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 : " Les communes qui assurent au moins la collecte des déchets des ménages peuvent instituer une taxe destinée à pourvoir aux dépenses du service de collecte et de traitement des déchets ménagers et des déchets mentionnés à l'article L. 2224-14 du code général des collectivités territoriales ainsi qu'aux dépenses directement liées à la définition et aux évaluations du programme local de prévention des déchets ménagers et assimilés mentionné à l'article L. 541-15-1 du code de l'environnement, dans la mesure où celles-ci ne sont pas couvertes par des recettes ordinaires n'ayant pas le caractère fiscal. / Les dépenses du service de collecte et de traitement des déchets mentionnées au premier alinéa du présent I comprennent : / 1° Les dépenses réelles de fonctionnement ; / 2° Les dépenses d'ordre de fonctionnement au titre des dotations aux amortissements des immobilisations lorsque, pour un investissement, la taxe n'a pas pourvu aux dépenses réelles d'investissement correspondantes, au titre de la même année ou d'une année antérieure ; / 3° Les dépenses réelles d'investissement lorsque, pour un investissement, la taxe n'a pas pourvu aux dépenses d'ordre de fonctionnement constituées des dotations aux amortissements des immobilisations correspondantes, au titre de la même année ou d'une année antérieure. / () ".

6. La taxe d'enlèvement des ordures ménagères susceptible d'être instituée sur le fondement des dispositions précitées du code général des impôts n'a pas le caractère d'un prélèvement opéré sur les contribuables en vue de pourvoir à l'ensemble des dépenses budgétaires, mais a exclusivement pour objet de couvrir les dépenses exposées par la commune ou l'établissement de coopération intercommunale compétent pour assurer l'enlèvement et le traitement des ordures ménagères et des déchets mentionnés à l'article L. 2224-14 du code général des collectivités territoriales et non couvertes par des recettes non fiscales affectées à ces opérations. Il s'ensuit que le produit de cette taxe et, par voie de conséquence, son taux, ne doivent pas être manifestement disproportionnés par rapport au montant des dépenses exposées pour ce service, déduction faite, le cas échéant, du montant des recettes ordinaires non fiscales relatives à ces opérations.

7. Les dépenses susceptibles d'être prises en compte sont constituées de la somme de toutes les dépenses réelles de fonctionnement exposées pour le service de collecte et de traitement des déchets ménagers et des déchets mentionnés à l'article L. 2224-14 du code général des collectivités territoriales ainsi qu'aux dépenses directement liées à la définition et aux évaluations du programme local de prévention des déchets ménagers et assimilés mentionné à l'article L. 541-15-1 du code de l'environnement, dans la mesure où celles-ci ne sont pas couvertes par des recettes ordinaires n'ayant pas le caractère fiscal, des dotations aux amortissements des immobilisations qui sont affectées à ce service, lorsque, pour un investissement, la taxe n'a pas pourvu aux dépenses réelles d'investissement correspondantes, au titre de la même année ou d'une année antérieure, ainsi que les dépenses réelles d'investissement relatives à ce service lorsque, pour un investissement, la taxe n'a pas pourvu aux dépenses d'ordre de fonctionnement constituées des dotations aux amortissements des immobilisations correspondantes, au titre de la même année ou d'une année antérieure.

8. Il appartient au juge de l'impôt, pour apprécier la légalité d'une délibération fixant le taux de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, de se fonder sur les données prévisionnelles relatives au coût du service et au produit de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères telles qu'estimées à la date de l'adoption de la délibération, les éléments définitifs postérieurs, notamment résultant du compte administratif, n'étant pris en compte qu'à défaut de précisions dans les dépenses estimées. En l'espèce, dès lors que les données prévisionnelles issues du budget primitif pour l'année 2019, seule en litige, ont été produites à l'instance et sont suffisamment précises, il appartient au tribunal de se fonder sur ces données pour apprécier la légalité de la délibération fixant le taux de la taxe. Ainsi, il n'y a pas lieu pour le tribunal d'enjoindre à la Métropole du Grand Nancy de produire à l'instance les comptes administratifs 2017 à 2019, les rapports annuels 2017 à 2019 sur la gestion des déchets ainsi que " tout élément budgétaire nécessaire à l'appréciation du caractère excessif du taux voté par l'assemblée délibérante au titre des années 2017 à 2019 ". Les conclusions présentées à ce titre par la société requérante ne peuvent, par suite et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée sur ce point par la Métropole du Grand Nancy, qu'être rejetées.

9. Il résulte de l'instruction que le montant des dépenses prévisionnelles pour assurer le service public de collecte et de traitement des déchets et assimilés pour l'année 2019, tel qu'il ressort du budget primitif de la Métropole du Grand Nancy, s'élève à 34 384 296 euros, comprenant les dépenses réelles de fonctionnement, à hauteur de 29 611 546 euros, et des dépenses d'investissement, à hauteur de 4 772 750 euros.

10. En premier lieu, contrairement à ce que soutient la société requérante, la Métropole du Grand Nancy pouvait légalement prendre en compte les dépenses réelles d'investissement pour la détermination des dépenses du service public de collecte et de traitement des déchets et assimilés dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que la taxe aurait pourvu aux dépenses d'ordre de fonctionnement constituées des dotations aux amortissements des immobilisations correspondantes, au titre de la même année ou d'une année antérieure. A cet égard, contrairement à ce que soutient la société, la mention dans le budget primitif de dotations pour un montant de 1 102 700 euros est sans incidence sur cette appréciation dès lors que ces dotations, qui ne sont du reste pas prises en compte dans le montant des dépenses à financer, concernent soit des provisions pour risques et charges, soit des amortissements d'immobilisations incorporelles dont il ne résulte pas de l'instruction qu'elles auraient été prises en compte au titre des dépenses réelles d'investissement de ce budget primitif ou d'un budget antérieur.

11. En deuxième lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 5 que peuvent être incluses dans les dépenses pouvant être couvertes par la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, celles qui correspondent à la quote-part du coût des directions ou services centraux de la collectivité, calculée au moyen d'une comptabilité analytique permettant par différentes clés de répartition, d'identifier avec suffisamment de précision les dépenses qui, parmi celles liées à l'administration générale de la collectivité, peuvent être regardées comme ayant été directement exposées pour le service public de collecte et de traitement des déchets. En l'espèce, il résulte de l'instruction que la Métropole du Grand Nancy a entendu financier par la taxe en litige une quote-part de dépenses d'administration générale d'un montant total de 937 403 euros. Toutefois, ce montant a été déterminé par la collectivité en appliquant le pourcentage représenté par les " équivalents temps plein " (ETP) du service déchets/propreté par rapport au total des ETP de la Métropole au montant total des dépenses d'administration générale de cette dernière. Ce faisant, ainsi que le soutient la société requérante, la collectivité n'a pas mis en œuvre une méthode permettant d'identifier avec suffisamment de précision les dépenses qui, parmi celles liées à l'administration générale de la collectivité, peuvent être regardées comme ayant été directement exposées pour le service public de collecte et de traitement des déchets. Il suit de là que le montant de 937 403 euros ne peut pas être inclus dans les dépenses pouvant être couvertes par la taxe d'enlèvement des ordures ménagères.

12. En troisième lieu, la société requérante conteste la prise en compte dans les dépenses à financer des sommes de 119 500 euros correspondant à des subventions de fonctionnement versées à des organismes externes et de 483 300 euros correspondant à diverses dépenses de communication. La Métropole du Grand Nancy fait valoir, sans être contredite sur ce point, que ces dépenses sont relatives à la mise en œuvre du programme local de prévention des déchets ménagers et assimilés, que les subventions de fonctionnement versées ont pour objet de faciliter la mise en place de la collecte et du tri des petits producteurs et d'accompagner des structures pour animer des réseaux fédérateurs d'ateliers de réparation, et que les frais de " foires et expositions ", " catalogues et imprimés et publications " et " diverses publications publicités " correspondent à des mesures de prévention des déchets ménagers et assimilés. Contrairement à ce que soutient la société requérante, il ne résulte pas des dispositions du I de l'article 1520 du code général des impôts, citées au point 5 du présent jugement, que de telles dépenses, en lien avec le service de collecte et de traitement des déchets, ne pourraient pas être financées par la taxe d'enlèvement des ordures ménagères.

13. Il résulte de ce qui a été dit aux points 9 à 12 qui précèdent, que le montant des dépenses pouvant être financées par la taxe d'enlèvement des ordures ménagères au titre de l'année 2019 doit être fixé à 33 446 893 euros, dont 28 674 143 euros au titre des dépenses réelles de fonctionnement et 4 772 750 euros au titre des dépenses réelles d'investissement.

14. Après déduction du montant des recettes ordinaires non fiscales, que la requérante fixe à 7 504 819 euros, comprenant notamment la redevance spéciale prévue par l'article L. 2333-78 du code général des collectivités territoriales pour un montant de 2 560 000 euros, le montant des dépenses du service de collecte et de traitement des déchets mentionnées au premier alinéa du I de l'article 1520 du code général des impôts de la Métropole du Grand Nancy non couvertes par des recettes non fiscales s'élevait à 25 942 074 euros. Il en résulte que le produit de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, qui s'élève à 29 268 000 euros, excède de 12,8 % le montant des charges qu'elle a pour objet de couvrir. Il suit de là que le taux de cette taxe adopté par délibération du 8 février 2019 par le conseil métropolitain du Grand Nancy ne peut être regardé comme manifestement disproportionné. Par suite, l'exception d'illégalité de cette délibération n'est pas fondée et doit ainsi être rejetée.

15. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions aux fins de décharge de la société Covivio doivent être rejetées.

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. D'une part, aux termes du IV de l'article 1520 du code général des impôts, dans sa nouvelle rédaction issue de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 : " Le dégrèvement de la taxe consécutif à la constatation, par une décision de justice passée en force de chose jugée, de l'illégalité des délibérations prises par la commune ou l'établissement public de coopération intercommunale, fondée sur la circonstance que le produit de la taxe et, par voie de conséquence, son taux sont disproportionnés par rapport au montant des dépenses mentionnées au premier alinéa du I du présent article et non couvertes par des recettes ordinaires non fiscales, tel qu'il peut être estimé à la date du vote de la délibération fixant ce taux, est à la charge de cette commune ou de cet établissement public de coopération intercommunale. Il s'impute sur les attributions mentionnées aux articles L. 2332-2, L. 3662-2 et L. 5219-8-1 du code général des collectivités territoriales. / L'administration fiscale communique aux communes ou aux établissements publics de coopération intercommunale concernés, dans un délai de deux mois à compter de la date de notification du dégrèvement prononcé en application du présent IV, le montant de la taxe dégrevée, le montant initial de l'imposition contestée ainsi que la référence du jugement à l'origine de la décision de dégrèvement. " Conformément au II de l'article 23 de la loi du 28 décembre 2018, ces dispositions s'appliquent aux délibérations relatives au vote du taux et, le cas échéant, des tarifs de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères prises en application de l'article 1639 A du code général des impôts à compter du 1er janvier 2019.

17. Il résulte de ces dispositions combinées qu'alors même que la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, qui revêt le caractère d'un impôt local, est établie, liquidée et recouvrée par les services de l'État pour le compte de la Métropole du Grand Nancy, qui en est le bénéficiaire légal, la charge d'un potentiel du dégrèvement de la taxe consécutif à la constatation de l'illégalité des délibérations prises par elle fondée sur la circonstance que le produit de la taxe et, par voie de conséquence, son taux sont disproportionnés lui incomberait. Par suite, la Métropole aurait qualité pour former tierce opposition au jugement si celui-ci prononçait la décharge de la cotisation de taxe d'enlèvement des ordures ménagères en litige et si elle n'avait pas été présente à l'instance. La collectivité doit, par suite, être regardée comme une partie pour l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. La fin de non-recevoir opposée par la société requérante aux conclusions présentées par la Métropole à ce titre doit, par suite, être écartée. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Covivio une somme de 1 500 euros à verser à la Métropole du Grand Nancy en application de ces dispositions.

18. D'autre part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la société Covivio demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la société Covivio.

Article 2 : La requête de la société Covivio est rejetée.

Article 3 : La société Covivio versera à la Métropole du Grand Nancy une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions présentées par la Métropole du Grand Nancy au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejeté.

Article 5 : Le présent jugement sera notifié à la société Covivio, au directeur départemental des finances publiques de Meurthe-et-Moselle et à la Métropole du Grand Nancy.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 décembre 2022.

Le magistrat désigné,

B. Coudert

La greffière,

M. A

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Code publication

C