Tribunal administratif de Nantes

Ordonnance du 6 décembre 2022 n° 2214688

06/12/2022

Non renvoi

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 8 novembre 2022, suivie de la production de pièces complémentaires les 29 et 30 novembre 2022, le préfet de la Loire-Atlantique demande au juge des référés :

1°) d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, à M. D B, à Mme C A et à tous occupants de leur chef de libérer sans délai le logement dédié aux demandeurs d'asile qu'ils occupent, situé au 10 rue du Languedoc à Saint-Sébastien-sur-Loire (Loire-Atlantique), et géré par l'association HUDA ANEF-FERRER ;

2°) de l'autoriser à procéder à leur expulsion avec le concours de la force publique ;

3°) de l'autoriser à donner toutes instructions utiles au gestionnaire du logement afin de débarrasser les lieux des biens meubles s'y trouvant, aux frais et risques de M. B et de Mme A, à défaut pour ceux-ci de les avoir emportés.

Il soutient que :

- la présente requête relève de la compétence de la juridiction administrative, en application des articles L. 552-13 du code de justice administrative et 552-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la présente requête est recevable, en application des dispositions de l'article L. 552-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de celles des articles R. 431-9 et R. 431-10 du code de justice administrative ;

- les conditions d'application du référé de l'article L. 521-3 du code de justice administrative sont remplies :

* la présente requête ne fait l'objet d'aucune contestation sérieuse dès lors que les demandes d'asile de M. B et Mme A ont été définitivement rejetées par des décisions de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 14 avril 2022 ; l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) les a informés par une lettre 13 mai 2022, remise en mains propres, de la fin de leur prise en charge, le caractère tardif de cette lettre leur permettant par ailleurs de se maintenir dans les lieux pour une période excédant celle dont ils devaient bénéficier ; ils ont été avisés de la mise en demeure de quitter les lieux par une lettre du préfet de la Loire-Atlantique du 30 juin 2022, laquelle n'a pas été retirée, et est restée inexécutée, ceux-ci se maintenant irrégulièrement dans les lieux ;

* les conditions d'urgence et d'utilité de la mesure sont satisfaites puisque le refus de quitter les lieux opposé par M. B et Mme A compromet le bon fonctionnement du service public d'hébergement des demandeurs d'asile en ce qu'il empêche que soit assuré l'objectif d'égal accès des usagers de ce service public, alors que les structures d'accueil des demandeurs d'asile sont actuellement saturées en Loire-Atlantique, les capacités étant de 2119 places dont 934 sont occupées de façon indue, aboutissant à ce que 1091 demandeurs d'asile et les membres de leur famille soient en attente d'une place d'hébergement selon les recensements de l'OFII du 31 janvier 2022 et du 2 février 2022 ; le maintien des intéressés dans les lieux empêche donc que des demandeurs d'asile puissent effectivement bénéficier d'un tel hébergement ; en outre, aucune circonstance exceptionnelle n'est de nature à faire obstacle à la mesure sollicitée, cette exception étant entendue de manière particulièrement restrictive ; en ce sens, aucun membre de cette famille n'affirme souffrir d'une maladie grave, n'ayant d'ailleurs pas demandé de titre de séjour sur ce fondement, non plus qu'un isolement ou une situation de détresse compte tenu de leur présence sur le territoire français depuis novembre 2020, laquelle permet de supposer qu'ils ont su nouer des contacts et des amitiés ; le contexte sanitaire n'est pas d'une gravité telle qu'il justifierait leur maintien dans les lieux ;

- il convient de ne pas accorder de délai à M. B et Mme A dès lors que l'octroi d'un tel délai serait contraire à l'esprit de la procédure prévue à l'article L. 521-3 du code de justice administrative et qu'il y a urgence à faire libérer les hébergements pour demandeurs d'asile qui sont indûment occupés, empêchant l'accueil de nouveaux arrivants qui bénéficient, eux, du statut de demandeurs d'asile ; en outre, faisant l'objet d'arrêté portant obligation de quitter le territoire français, M. B et Mme A n'ont aucun titre leur permettant de se maintenir sur le territoire français, a fortiori dans un tel lieu ; par ailleurs, ils n'établissent pas avoir entrepris des démarches en vue de leur relogement et une telle hypothèse, à la supposer avérée, serait de nature à révéler qu'ils savaient devoir quitter ce lieu d'hébergement ; enfin, la présence d'un enfant en bas-âge au sein du foyer ne saurait conduire à leur accorder un délai supplémentaire puisque leur maintien dans les lieux empêche l'accès à un hébergement pour une famille identiquement composée mais dont les membres disposeraient de la qualité de demandeurs d'asile ;

- M. B et Mme A ne disposent d'aucun droit au maintien dans un logement dédié à l'hébergement des demandeurs d'asile dès lors qu'ils ne disposent plus de cette qualité ; en outre, les éventuels recours formés par eux, dont l'existence n'est pas soutenue, ne leur donnent aucun droit au maintien dans ce logement, quand bien même ils envisageraient de solliciter un titre de séjour sur un autre fondement que l'asile ;

- aucune obligation de relogement de M. B et Mme A dans un hébergement d'urgence de droit commun ne repose sur l'État sur le fondement de l'article L. 345-2-2 du code de l'action sociale et des familles ; leur demande d'asile ayant été définitivement rejetée, ils n'ont pas vocation à se maintenir sur le territoire français, ni à solliciter un logement d'urgence ; en outre, M. B et Mme A ont été informés de leur possibilité de solliciter, auprès de l'OFII, le bénéfice d'un hébergement et d'une prise en charge par le centre de préparation au retour et ont donc été mis en mesure de préparer et de mettre en œuvre la sortie du lieu d'hébergement qu'ils occupent.

Par un mémoire en défense enregistré le 30 novembre 2022, M. B et Mme A, représentés par Me Philippon, concluent :

1°) à ce que le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire leur soit octroyé ;

2°) à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à ce que leur soit accordé un sursis à exécution de la mesure d'expulsion dont ils font l'objet dans l'attente d'une autre solution d'hébergement d'urgence ;

3°) à ce que soit mis à la charge de l'État le versement à leur conseil de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Ils font valoir que :

- les conditions d'urgence et d'utilité ne sont pas satisfaites car la saturation du dispositif national d'accueil des demandeurs d'asile n'est pas établie ; ils se prévalent de circonstances particulières pour établir l'absence d'urgence à les expulser du logement ; ils ne bénéficient plus d'une quelconque aide financière ; aucune mesure d'éloignement ne pèse sur la famille puisque la demande d'asile de l'enfant Elliana est en cours de réexamen au regard des risques de mutilation génitale pesant sur elle en cas de renvoi dans son pays d'origine ; Elliana, âgée d'un an seulement, est particulièrement vulnérable ; en dépit de demandes au 115 Samu Social et d'une demande d'hébergement adressée au Service Intégré de l'Accueil et de l'Orientation (SIAO), la famille n'a à ce jour reçu aucune proposition concrète ;

- la mesure demandée souffre de contestations sérieuses :

* elle méconnaît les articles L. 551-11, L. 542-1 et L. 542-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; la procédure de réexamen de la demande d'asile formée par le couple pour le compte de leur fille est toujours pendant ; l'autorité préfectorale n'établit pas que l'enfant Elliana, et par voie de conséquence ses parents, ne bénéficieraient plus du droit de se maintenir sur le territoire français par application des exceptions fixées à l'article L. 542-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle bénéficie toujours d'une attestation de demande d'asile en cours de validité, ce qui suggère que l'autorité préfectorale n'a pas pu faire application des dispositions de l'article L. 542-3.

* il y a manifestement un défaut d'examen sérieux de leur situation personnelle au regard de la méconnaissance de l'article L. 552-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de la violation de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de la violation de l'article 3.1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

* elle est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire, enregistré le 30 novembre 2022, M. B et Mme A, représentés par Me Philippon, concluent :

1°) à ce que le tribunal transmette sans délai au Conseil d'État la question prioritaire de constitutionnalité soulevée afin que celui-ci procède à l'examen qui lui incombe en vue de sa transmission au Conseil constitutionnel pour qu'il relève l'inconstitutionnalité de l'article L. 412-6 du code des procédures civiles d'exécution, qui institue une " trêve hivernale " du 1er novembre au 31 mars de l'année suivante, tel qu'interprété par le Conseil d'État en tant qu'il considère que ces dispositions ne sont pas applicables à la procédure d'expulsion des personnes se maintenant dans un lieu d'hébergement pour demandeurs d'asile ;

2°) dans cette attente, de sursoir à statuer sur la requête du préfet de la Loire-Atlantique jusqu'à ce que le Conseil d'État, et, le cas échéant, le Conseil constitutionnel aient statué sur la question prioritaire de constitutionnalité ainsi soulevée.

Ils soutiennent que :

- l'article L. 412-6 du code des procédures civiles d'exécution, tel qu'interprété par le Conseil d'État, est applicable au présent litige (le Conseil d'État juge que l'article L. 412-6 du code des procédures civiles d'exécution qui institue une " trêve hivernale " du 1er novembre au 31 mars de l'année suivante au profit des locataires défaillants, n'est pas applicable à la procédure d'expulsion des personnes se maintenant dans un lieu d'hébergement pour demandeurs d'asile) et cette interprétation porte atteinte à ses intérêts ;

- la question est nouvelle : si le Conseil constitutionnel s'est déjà prononcé sur la constitutionnalité de l'article L. 412-6 du code des procédures civiles d'exécution, tel n'est pas le cas s'agissant de l'interprétation donnée de ce texte par le Conseil d'État ;

- sur le caractère sérieux de la question posée tenant à la violation du principe constitutionnel d'égalité devant la loi : l'article L.412-6 du code des procédures civiles d'exécution présente un caractère général et absolu ; bien que les occupants irréguliers de l'hébergement dédié aux demandeurs d'asile occupent un logement destiné à assurer le bon fonctionnement d'un service public (l'accueil des demandeurs d'asile), ils ne sont pas dans une situation sensiblement différente de celle des locataires défaillants des habitations à loyer modéré auxquels trouve à s'appliquer l'article L. 412-6 ; l'interprétation de l'article L. 412-6 du code des procédures civiles d'exécution par le Conseil d'État conduit à des différences de traitement inéquitables ;

- la question posée tenant à la violation du principe constitutionnel de respect de la dignité humaine, du droit de mener une vie familiale normale ainsi que l'objectif à valeur constitutionnelle du droit au logement présente un caractère sérieux (les occupants irréguliers de l'hébergement dédié aux demandeurs d'asile ne font pas partie des catégories de personnes explicitement exclues par l'article L. 412-6 de la protection liée à la trêve hivernale ; le refus du mécanisme de protection ne permet pas d'assurer le respect de leur dignité ou de préserver leur vie privée et familiale).

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des procédures civiles d'exécution ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président du tribunal a désigné M. Bouchardon, premier conseiller, pour statuer sur les demandes de référé.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 novembre 2022 à 9 heures 30 :

- le rapport de M. Bouchardon, juge des référés, qui a communiqué à Me Philippon une copie de la pièce complémentaire produite par le préfet de la Loire-Atlantique le 30 novembre 2022 à 09h27 et a procédé à la suspension de l'audience pour le mettre à même d'en prendre connaissance et de présenter ses éventuelles observations,

- et les observations de Me Philippon, avocat de M. B et Mme A.

La clôture de l'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience.

Considérant ce qui suit :

1. Le préfet de la Loire-Atlantique demande au juge des référés, sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 552-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et L. 521-3 du code de justice administrative, d'ordonner l'expulsion de M. B et de Mme A du logement dédié aux demandeurs d'asile qu'ils occupent, situé au 10 rue du Languedoc à Saint-Sébastien-sur-Loire (Loire-Atlantique).

Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

2. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'accorder à M. B le bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire.

Sur la question prioritaire de constitutionnalité soulevée en défense :

3. Aux termes de l'article 61-1 de la Constitution : " Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. / Une loi organique détermine les conditions d'application du présent article. ".

4. Il résulte de la combinaison des dispositions 23-1 et 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 avec celles du livre V du code de justice administrative qu'une question prioritaire de constitutionnalité peut être soulevée devant le juge des référés du tribunal administratif statuant sur le fondement de l'article L. 521-3 de ce code. Si le juge des référés ne rejette pas les conclusions qui lui sont soumises par application des dispositions de l'article L. 522-3 dudit code, il lui appartient de se prononcer, en l'état de l'instruction, sur la transmission au Conseil d'État de la question prioritaire de constitutionnalité. Il y a lieu pour le juge des référés du tribunal administratif de transmettre au Conseil d'État cette question prioritaire à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question ne soit pas dépourvue de caractère sérieux. Enfin, en posant une question prioritaire de constitutionnalité, tout justiciable a le droit de contester la constitutionnalité de la portée effective qu'une interprétation jurisprudentielle constante du Conseil d'État confère à cette disposition.

5. Aux termes des dispositions de l'article L. 412-6 du code des procédures civiles d'exécution : " Nonobstant toute décision d'expulsion passée en force de chose jugée et malgré l'expiration des délais accordés en vertu de l'article L. 412-3, il est sursis à toute mesure d'expulsion non exécutée à la date du 1er novembre de chaque année jusqu'au 31 mars de l'année suivante, à moins que le relogement des intéressés soit assuré dans des conditions suffisantes respectant l'unité et les besoins de la famille. Par dérogation au premier alinéa du présent article, ce sursis ne s'applique pas lorsque la mesure d'expulsion a été prononcée en raison d'une introduction sans droit ni titre dans le domicile d'autrui par voies de fait. Le juge peut supprimer ou réduire le bénéfice du sursis mentionné au même premier alinéa lorsque les personnes dont l'expulsion a été ordonnée sont entrées dans tout autre lieu que le domicile à l'aide des procédés mentionnés au deuxième alinéa. ".

6. Par ses décisions nos 404934, 405164, 405165 et 406065 du 21 avril 2017, et par les décisions n°406170 du 12 juillet 2017 et n°408098 du 7 juin 2017, le Conseil d'État a jugé que les dispositions de l'article L. 412-6 du code des procédures civiles d'exécution ne sont pas applicables, en l'absence de disposition législative expresse, à la procédure d'expulsion des personnes se maintenant dans un lieu d'hébergement pour demandeurs d'asile organisée par l'article L. 744-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. Par mémoire distinct, M. B et Mme A demandent de transmettre au Conseil d'État une question prioritaire de constitutionnalité tirée de la conformité au principe d'égalité devant la loi, au principe à valeur constitutionnelle de sauvegarde de la dignité humaine, au droit de mener une vie familiale normale et à l'objectif de valeur constitutionnelle d'accès à un logement décent de la portée effective des dispositions de l'article L. 412-6 du code des procédures civiles d'exécution par l'interprétation constante donnée par le Conseil d'État.

8. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 6, la disposition contestée n'est pas applicable au litige soumis par le préfet de la Loire-Atlantique au juge des référés, comme en a jugé le Conseil d'État dans les décisions qui y sont mentionnées. Contrairement à ce que soutiennent M. B et Mme A, le Conseil d'État ne s'est livré à aucune interprétation de l'article L. 412-6 du code des procédures civiles d'exécution, interprétation qui selon les intéressés rendrait ce texte contraire à des droits et libertés que la Constitution garantit, mais a seulement jugé que ce texte relatif à des procédures civiles, ne trouvait pas à s'appliquer à un litige régi par des textes propres et relevant de la compétence de la seule juridiction administrative.

9. Dès lors que la disposition législative dont M. B et Mme A contestent la constitutionnalité n'est pas applicable au présent litige et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de leur mémoire, il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité posée par les requérants.

Sur les conclusions présentées sur le fondement des articles L. 521-3 du code de justice administrative :

10. D'une part, aux termes de l'article L. 552-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les lieux d'hébergement mentionnés à l'article L. 552-1 accueillent les demandeurs d'asile pendant la durée d'instruction de leur demande d'asile ou jusqu'à leur transfert effectif vers un autre Etat européen ". Selon l'article L. 551-11 du même code : " L'hébergement des demandeurs d'asile prévu au chapitre II prend fin au terme du mois au cours duquel le droit du demandeur de se maintenir sur le territoire français a pris fin, dans les conditions prévues aux articles L. 542-1 et L. 542-2 ". L'article L. 552-15 dispose : " Lorsqu'il est mis fin à l'hébergement dans les conditions prévues aux articles L. 551-11 à L. 551-14, l'autorité administrative compétente ou le gestionnaire du lieu d'hébergement peut demander en justice, après mise en demeure restée infructueuse, qu'il soit enjoint à cet occupant sans titre d'évacuer ce lieu. / Le premier alinéa n'est pas applicable aux personnes qui se sont vues reconnaître la qualité de réfugié ou qui ont obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire. Il est en revanche applicable aux personnes qui ont un comportement violent ou commettent des manquements graves au règlement du lieu d'hébergement. / La demande est portée devant le président du tribunal administratif, qui statue sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative et dont l'ordonnance est immédiatement exécutoire ".

11. D'autre part, aux termes de l'article L. 521-3 du code de justice administrative : " En cas d'urgence et sur simple requête qui sera recevable même en l'absence de décision administrative préalable, le juge des référés peut ordonner toutes autres mesures utiles sans faire obstacle à l'exécution d'aucune décision administrative ".

12. Il résulte de la combinaison des dispositions précitées que, saisi par le préfet d'une demande tendant à ce que soit ordonnée l'expulsion d'un lieu d'hébergement pour demandeurs d'asile d'un demandeur d'asile dont la demande a été définitivement rejetée, le juge des référés y fait droit dès lors que la demande d'expulsion ne se heurte à aucune contestation sérieuse et que la libération des lieux présente un caractère d'urgence et d'utilité.

13. En premier lieu, M. B et Mme A ressortissants nigérians, respectivement nés le 14 janvier 1995 et le 26 juin 1986, déclarent être entrés irrégulièrement sur le territoire français, en novembre 2020. Ils sont hébergés dans un logement dédié aux demandeurs d'asile, situé au 10 rue du Languedoc à Saint-Sébastien-sur-Loire (Loire-Atlantique), et géré par l'association HUDA ANEF-FERRER. Ils ont été informés de la fin de leur prise en charge par un courrier de l'office français de l'immigration et de l'intégration en date du 13 mai 2022. Une mise en demeure de quitter ce lieu, dans un délai d'un mois, a été adressée aux intéressés par le préfet le 30 juin 2022. M. B et Mme A se maintiennent ainsi dans un lieu d'hébergement pour demandeurs d'asile, alors que leur demande d'asile a été définitivement rejetée. La mesure sollicitée ne se heurte ainsi à aucune contestation sérieuse.

14. En second lieu, la libération des lieux par M. B et Mme A, définitivement déboutés de l'asile, présente, eu égard aux exigences de bon fonctionnement et de continuité du service public d'accueil et d'hébergement des demandeurs d'asile, ainsi qu'à la situation de tension de ce dispositif, un caractère d'urgence et d'utilité. Dans ces conditions, l'expulsion sollicitée revêt un caractère d'urgence et d'utilité et apparaît comme la seule mesure susceptible de préserver la continuité du service public de l'accueil des demandeurs d'asile.

15. Si M. B et Mme A font valoir que leur état de santé serait incompatible avec la mesure sollicitée, la seule production de l'avis de l'OFII classant la famille au niveau 3 de vulnérabilité et d'un certificat médical daté du 28 novembre 2022 faisant état de ce que " l'état de santé ainsi que la situation familiale de Mme A () n'est pas compatible avec une mise à la rue ", est insuffisante. Ces circonstances, et la présence aux côtés de M. B et Mme A, de leur fille âgée de moins de deux ans, justifient seulement que leur soit accordé, pour libérer le logement pour demandeurs d'asile qu'ils occupent indûment, un délai d'un mois à compter de la notification de la présente ordonnance, et, en l'absence de départ volontaire des intéressés à l'issue de ce délai, d'autoriser le préfet de la Loire-Atlantique à procéder à l'évacuation forcée des lieux au besoin avec le concours de la force publique.

Sur les frais d'instance :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présence instance la partie perdante, au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, la somme que M. B et Mme A demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

O R D O N N E :

Article 1er : M. B est admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil d'État la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. B et Mme A.

Article 3 : Il est enjoint à M. B et à Mme A de libérer, dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente ordonnance, le logement qu'ils occupent au sein du centre d'accueil pour demandeurs d'asile, situé au 10 rue du Languedoc à Saint-Sébastien-sur-Loire (44).

Article 4 : En l'absence de départ volontaire de M. B et de Mme A dans le délai imparti, le préfet de la Loire-Atlantique, à l'issue du délai fixé à l'article 3, pourra faire procéder à leur expulsion et à l'évacuation de leurs biens, par les moyens légaux de son choix, aux frais, risques et périls des intéressés, au besoin avec le concours de la force publique.

Article 5 : Les conclusions présentées par M. B et Mme A sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 6 : La présente ordonnance sera notifiée au ministre de l'intérieur et des outre-mer, à M. B et Mme A, et à Me Philippon.

Copie sera en outre adressée au préfet de la Loire-Atlantique.

Fait à Nantes, le 6 décembre 2022.

Le juge des référés,

L. Bouchardon

La greffière,

G. PeignéLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,