Tribunal administratif de Marseille

Jugement du 2 décembre 2022 n° 2009172

02/12/2022

Non renvoi

Vu la procédure suivante :

I- Sous le n° 2009370, par une requête, enregistrée le 30 novembre 2020, l'EURL Transalliance Inter Modal, représentée par la SCP TZA, agissant par Me Zapf, demande au Tribunal :

1°) à titre principal, de surseoir à statuer jusqu'à ce que le Conseil d'Etat et le Conseil constitutionnel se soient prononcés sur la question prioritaire de constitutionnalité ;

2°) à titre subsidiaire, de prononcer l'incompatibilité des dispositions de l'article 15 I 1° de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 avec les stipulations des articles 14 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de son premier protocole additionnel, et de prononcer la décharge de la somme de 2 415 euros au titre de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et de la taxe pour frais de chambre de commerce et d'industrie 2018 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les dispositions fondant son assujettissement à la CVAE sont à l'origine d'une discrimination injustifiée entre les contribuables à l'origine d'une violation des dispositions combinées des articles 14 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de son premier protocole additionnel et génèrent une rupture d'égalité.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 mars 2021, le directeur régional des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône, conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par un mémoire distinct, enregistré le 23 juin 2021, l'EURL Transalliance Inter Modal demande en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la compatibilité des dispositions du I bis de l'article 1586 quater du code général des impôts, telles qu'elles résultent du 1° du I de l'article 15 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018, et, en cas de refus de transmission au motif que le Conseil d'Etat serait déjà saisi de ladite question, surseoir à statuer dans l'attente de la décision du Conseil d'Etat et, le cas échéant, du Conseil constitutionnel ;

Elle soutient que :

- les dispositions législatives attaquées, qui s'appliquent au présent litige, n'ont jamais été soumises au contrôle du Conseil constitutionnel ;

- le caractère sérieux de la présente question prioritaire de constitutionnalité ne saurait être contesté dès lors que son application a une incidence financière directe sur sa situation ;

- le dispositif crée une rupture d'égalité devant la loi et devant les charges publiques entre les sociétés détenues par des personnes physiques ayant opté pour l'impôt sur les sociétés, les sociétés à l'impôt sur les sociétés détenues à moins de 95% par d'autres sociétés et les sociétés à l'impôt sur les sociétés détenues par plusieurs autres sociétés à l'impôt sur les sociétés dès lors que chacune d'entre elle ne détient pas au moins 95% du capital ;

- le seul mode de détention de la société conditionne le taux d'imposition qui peut aboutir à une multiplication par cinq de la charge fiscale de la société ;

- ces dispositions conduisant à soumettre des entreprises qui, réalisant un chiffre d'affaires individuel compris entre 152 500 euros et 500 000 euros, n'auraient pas été imposées en l'absence d'un tel dispositif, sont contraires au principe d'égalité devant la loi et devant les charges publiques ;

- cette inégalité est accentuée par le fait que le texte ne prévoit aucun mécanisme de neutralisation des refacturations intragroupes, aboutissant dans certains cas à une double imposition ;

- ces dispositions traitent différemment les sociétés en participation dont le chiffre d'affaires est consolidé avec celui des entreprises dont elle détient le capital dans les conditions fixées au I de l'article 223A du code général des impôts et celles dont le chiffre d'affaires n'est pas consolidé avec celui des associés qui la constituent ;

- cette différence de traitement n'est pas justifiée par des critères objectifs et rationnels, mais seulement par un but de rendement budgétaire ;

- l'objectif de lutte contre l'optimisation fiscale ne permet pas de justifier des différences de traitement induites par ces dispositions.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er juillet 2021, la directrice régionale des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône, fait valoir que la question invoquée ne présente pas un caractère sérieux et qu'il n'y a pas lieu de la transmettre au Conseil d'Etat.

Par une ordonnance du 7 octobre 2022 la clôture d'instruction a été fixée au 27 octobre 2022 à 12 heures.

II- Sous le n° 2009172, par une requête, enregistrée le 27 novembre 2020, l'EURL Transalliance Inter Modal, représentée par la SCP TZA, agissant par Me Zapf, demande au Tribunal :

1°) à titre principal, de surseoir à statuer jusqu'à ce que le Conseil d'Etat et le Conseil constitutionnel se soient prononcés sur la question prioritaire de constitutionnalité ;

2°) à titre subsidiaire, de prononcer l'incompatibilité des dispositions de l'article 15 I 1° de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 avec les stipulations des articles 14 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de son premier protocole additionnel, et de prononcer la décharge de la somme de 1 782 euros au titre de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et de la taxe pour frais de chambre de commerce et d'industrie 2019 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle invoque les mêmes moyens que dans l'instance n° 2009370.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 mars 2021, le directeur régional des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône, conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par un mémoire distinct, enregistré le 10 octobre 2022, l'EURL Transalliance Inter Modal demande en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la compatibilité des dispositions du I bis de l'article 1586 quater du code général des impôts, telles qu'elles résultent du 1° du I de l'article 15 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018, et, en cas de refus de transmission au motif que le Conseil d'Etat serait déjà saisi de ladite question, surseoir à statuer dans l'attente de la décision du Conseil d'Etat et, le cas échéant, du Conseil constitutionnel.

Elle invoque les mêmes moyens que dans l'instance n° 2009370.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 octobre 2022, la directrice régionale des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône, fait valoir que la question invoquée ne présente pas un caractère sérieux et qu'il n'y a pas lieu de la transmettre au Conseil d'Etat.

Par une ordonnance du 7 octobre 2022 la clôture d'instruction a été fixée au 27 octobre 2022 à 12 heures.

III- Sous le n° 2108981, par une requête, enregistrée le 13 octobre 2021, l'EURL Transalliance Inter Modal, représentée par la SCP TZA, agissant par Me Zapf, demande au Tribunal :

1°) à titre principal, de surseoir à statuer jusqu'à ce que le Conseil d'Etat et le Conseil constitutionnel se soient prononcés sur la question prioritaire de constitutionnalité ;

2°) à titre subsidiaire, de prononcer l'incompatibilité des dispositions de l'article 15 I 1° de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 avec les stipulations des articles 14 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de son premier protocole additionnel, et de prononcer la décharge de la somme de 710 euros au titre de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et de la taxe pour frais de chambre de commerce et d'industrie 2020 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle invoque les mêmes moyens que dans les instances n°s 2009370 et 2009172.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 décembre 2021, la directrice régionale des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône, conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par un mémoire distinct, enregistré le 17 octobre 2022, l'EURL Transalliance Inter Modal demande en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la compatibilité des dispositions du I bis de l'article 1586 quater du code général des impôts, telles qu'elles résultent du 1° du I de l'article 15 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018, et, en cas de refus de transmission au motif que le Conseil d'Etat serait déjà saisi de ladite question, surseoir à statuer dans l'attente de la décision du Conseil d'Etat et, le cas échéant, du Conseil constitutionnel.

Elle invoque les mêmes moyens que dans les instances n°s 2009370 et 2009172.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 octobre 2022, la directrice régionale des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône, fait valoir que la question invoquée ne présente pas un caractère sérieux et qu'il n'y a pas lieu de la transmettre au Conseil d'Etat.

Par une ordonnance du 7 octobre 2022 la clôture d'instruction a été fixée au 27 octobre 2022 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, notamment son article 61-1 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

- le code général des impôts, notamment son article 1586 quater ;

- la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017, notamment son article 15 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- la décision n° 421964 du Conseil d'Etat du 3 octobre 2018 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A ;

- les conclusions de M. Boidé, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. L'EURL Transalliance Inter Modal a présenté, auprès de l'administration, trois réclamations tendant à obtenir une restitution partielle, à concurrence des sommes de 2 415 euros, 1 782 euros et 710 euros de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et de la taxe pour frais de chambre de commerce et d'industrie qu'elle a acquittées au titre respectivement des années 2018, 2019 et 2020. Ses réclamations ayant été rejetées par trois décisions respectivement des 29 septembre 2020, 29 août 2020 et 12 août 2021, elle sollicite du Tribunal la décharge des cotisations en litige et a présenté, par un mémoire distinct sous chaque instance, une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité à la Constitution des dispositions du I bis de l'article 1586 quater du code général des impôts, dans leur rédaction issue de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 portant loi de finances pour 2018.

Sur la jonction :

2. Les requêtes n°s 2009172, 2009370 et 2108981, présentées par l'EURL Transalliance Inter Modal, ont le même objet et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul jugement.

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

3. L'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 prévoit que : " La juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat ou à la Cour de cassation. Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies : 1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ; 2° Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ; 3° La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux. ".

4. En vertu du I de l'article 1586 quater du code général des impôts, les entreprises redevables de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises bénéficient d'un dégrèvement dont le montant est égal à une fraction de cette cotisation. Cette fraction décroît en fonction de leur chiffre d'affaires, de sorte que, symétriquement, le taux effectif d'imposition à cette cotisation croît en fonction du chiffre d'affaires. Aux termes du I bis de cet article dans sa rédaction issue de la loi du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 : " Lorsqu'une entreprise, quels que soient son régime d'imposition des bénéfices, le lieu d'établissement, la composition du capital et le régime d'imposition des bénéfices des entreprises qui la détiennent, remplit les conditions de détention fixées au I de l'article 223 A pour être membre d'un groupe, le chiffre d'affaires à retenir pour l'application du I du présent article s'entend de la somme de son chiffre d'affaires et des chiffres d'affaires des entreprises qui remplissent les mêmes conditions pour être membres du même groupe. / Le premier alinéa du présent I bis s'applique, y compris lorsque les entreprises mentionnées à ce même premier alinéa ne sont pas membres d'un groupe mentionné aux articles 223 A ou 223 A bis () ". Aux termes du I de l'article 223 A du code général des impôts : " Une société, ci-après désignée par les mots : " société mère ", peut se constituer seule redevable de l'impôt sur les sociétés dû sur l'ensemble des résultats du groupe formé par elle-même et les sociétés dont elle détient 95 % au moins du capital de manière continue au cours de l'exercice, directement ou indirectement par l'intermédiaire de sociétés ou d'établissements stables membres du groupe, ci-après désignés par les mots : " sociétés du groupe ", ou de sociétés ou d'établissements stables, ci-après désignés par les mots : " sociétés intermédiaires ", détenus à 95 % au moins par la société mère de manière continue au cours de l'exercice, directement ou indirectement par l'intermédiaire de sociétés du groupe ou de sociétés intermédiaires / () ".

5. Le I bis de l'article 1586 quater du code général des impôts précité est applicable au présent litige. Cette disposition n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel.

6. L'EURL Transalliance Inter Modal soutient que les dispositions, rappelées au point précédent, du I bis de l'article 1586 quater du code général des impôts, en réservant un traitement différent, au regard de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, aux sociétés qui remplissent les conditions de détention fixées par le I de l'article 223 A du code général des impôts pour être membres d'un groupe fiscalement intégré et aux sociétés qui ne remplissent pas ou ne peuvent légalement remplir ces conditions, méconnaissent les principes d'égalité devant la loi et d'égalité devant les charges publiques, garantis respectivement par les articles 6 et 13 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

7. Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit. D'autre part, en vertu de l'article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés contributives. En particulier, pour assurer le respect du principe d'égalité, il doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se propose. Cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques garantie par l'article 13 de la Déclaration de 1789.

8. En premier lieu, il ressort des travaux préparatoires à la loi du 30 décembre 2017 de finances pour 2018, de laquelle sont issues les dispositions contestées de l'article 1586 quater du code général des impôts, qu'en prévoyant des règles de calcul du dégrèvement spécifiques aux sociétés appartenant à un groupe en ce qu'elles remplissent les conditions de détention prévues par le I de l'article 223 A du code général des impôts, le législateur a entendu faire obstacle à la réalisation d'opérations de restructuration destinées à réduire le montant de la CVAE dû par l'ensemble des sociétés du groupe grâce à une répartition différente du chiffre d'affaires en son sein. La différence de traitement instituée par ces dispositions repose sur des critères objectifs et rationnels en rapport tant avec l'objet du dégrèvement de CVAE qu'avec le but poursuivi par le législateur dès lors que les règles spécifiques de calcul du dégrèvement s'appliquent à toutes les sociétés remplissant les conditions de détention en cause et qui appartiennent, par suite, à un groupe susceptible d'être structuré en vue de réduire le montant total de la cotisation due par les sociétés qui le composent. Par conséquent, les sociétés concernées par ces règles spécifiques de calcul du dégrèvement se trouvent placées dans la même situation, quels que soient leur mode de détention, leur forme juridique ou les modalités de leurs opérations intragroupes.

9. En deuxième lieu, si les dispositions du I bis de l'article 1586 quater du code général des impôts soumettent à une cotisation sur la valeur ajoutée les entreprises qui, réalisant un chiffre d'affaires individuel compris entre 152 000 euros et 500 000 euros, n'auraient pas été imposées en l'absence d'un tel dispositif, le montant de la cotisation mise à leur charge n'est pas disproportionné au regard de leurs facultés contributives.

10. En troisième lieu, les dispositions du I bis de l'article 1586 quater du code général des impôts, qui concernent le seul dégrèvement prévu au I du même article, n'ont pas pour objet de définir l'assiette de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. Dès lors, la circonstance que le texte ne prévoit aucun mécanisme de neutralisation des refacturations intragroupes, n'est pas de nature à établir une situation de double imposition.

11. En quatrième lieu, l'EURL Transalliance Inter Modal ne peut utilement soutenir que les dispositions du I bis de l'article 1586 quater du code général des impôts qui renvoient au I de l'article 223 A du même code méconnaîtraient le principe d'égalité devant la loi et devant les charges publiques en favorisant les sociétés en participation dont le chiffre d'affaires ne peut être consolidé, dès lors que ces sociétés étant dépourvues de capital ne peuvent être détenues par leurs associés, dans les conditions fixées à l'article 223 A du code général des impôts.

12. En dernier lieu. la double circonstance que le législateur aurait également poursuivi un objectif de rendement budgétaire et entendu lutter contre les schémas d'optimisation fiscale n'est pas de nature à caractériser une discrimination prohibée par les stipulations précitées dès lors que la distinction instaurée entre les sociétés remplissant les conditions de détention pour être membres d'un groupe fiscalement intégré, d'une part, et les sociétés ne remplissant pas ces conditions, d'autre part, repose sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec le but poursuivi par le législateur.

13. Le Conseil d'Etat a été saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité mettant en cause, par les mêmes motifs, les dispositions de l'article 1586 quater I du code général des impôts. Par sa décision n° 421964 du 3 octobre 2018, le Conseil d'Etat a décidé de ne pas renvoyer au Conseil constitutionnel la question de constitutionnalité portant sur les dispositions en cause, qui n'était pas nouvelle et ne présentait pas un caractère sérieux.

14. Il résulte de tout ce qui précède qu'il n'y a pas lieu de transmettre la question de constitutionnalité soulevée par l'EURL Transalliance Inter Modal au Conseil d'Etat.

Sur le bien-fondé des impositions en litige :

15. Aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les États de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes. ". Aux termes de l'article 14 de la convention : " La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. " Une distinction entre des personnes placées dans une situation analogue est discriminatoire, au sens de ces stipulations, si elle affecte la jouissance d'un droit ou d'une liberté sans être assortie de justifications objectives et raisonnables, c'est-à-dire si elle ne poursuit pas un objectif d'utilité publique ou si elle n'est pas fondée sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec les buts de la loi.

16. Pour les mêmes motifs que ceux exposés précédemment, les distinctions instaurées par le du I bis de l'article 1586 quater du code général des impôts entre les sociétés quels que soient leur mode de détention, leur forme juridique ou les modalités de leurs opérations intragroupes reposent sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec le but poursuivi par le législateur. Dès lors, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que les dispositions précitées méconnaissent les stipulations conventionnelles précitées.

17. Il résulte de tout ce qui précède que l'EURL Transalliance Inter Modal n'est pas fondée à demander la décharge de la CVAE et de la taxe pour frais de chambres de commerce et d'industrie auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2018, 2019 et 2020. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins de sursis à statuer et celles présentées au titre des frais liés à l'instance doivent également être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par l'EURL Transalliance Inter Modal.

Article 2 : Les requêtes de l'EURL Transalliance Inter Modal sont rejetées.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à l'EURL Transalliance Inter Modal et à la directrice régionale des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 17 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Markarian, présidente,

M. Secchi, premier conseiller,

Mme Charpy, conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 décembre 2022.

Le rapporteur,

Signé

L. ALa présidente,

Signé

G. Markarian

La greffière,

Signé

C. Croce

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

La greffière,

7

N°s 2009172, 2009370 et 2108981

Code publication

C