Tribunal administratif de Pau

Jugement du 1er décembre 2022 n° 2001355

01/12/2022

Non renvoi

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 22 juillet 2020, M. F C doit être regardé comme demandant au tribunal :

1°) de prononcer la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti à raison de la plus-value de cession immobilière qu'il a réalisée au cours de l'année 2016, à concurrence de la somme de 9 655 euros en droits et de 869 euros de majorations ;

2°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la procédure de rectification est entachée d'un vice de procédure dès lors que la proposition de rectification qui lui a été adressée le 10 juillet 2019 ne mentionne pas l'année des revenus concernés ;

- la procédure d'imposition est également irrégulière dès lors que l'administration a répondu à sa réclamation préalable au-delà du délai de six mois prévu par l'article R. 198-10 du livre des procédures fiscales ;

- les nombreuses erreurs dans la proposition de rectification entre " plus-value nette taxable, base imposable " et " droits et base taxable " instituent une insécurité juridique qui lui est préjudiciable ;

- l'administration fait une interprétation erronée du 1° bis du II de l'article 150-U du code général des impôts et ajoute une condition à ce texte, à le supposer constitutionnel, en considérant à tort que l'emprunt qu'il a contracté pour la construction du bien cédé ne peut venir en diminution du prix de cession ; il était contraint contractuellement et légalement de rembourser le solde de cet emprunt, à hauteur de 160 000 euros ; il a remployé totalement la plus-value nette disponible soit la somme de 114 845 euros ;

- les réponses apportées par le ministre du budget, le 16 avril 2013, à la question n°15592 de M. B, député, et, le 7 janvier 2014, à la question n°37546 de M. E, député, montrent les difficultés d'application de l'exonération prévue au 1º bis du II de l'article 150 U du code général des impôts ;

- à titre subsidiaire, le bien qu'il a cédé était destiné à devenir sa résidence principale et la plus-value de cession aurait dû, à ce titre, bénéficier d'une exonération totale d'imposition dès lors qu'il se trouvait dans la situation, visée par les paragraphes n° 220 à 240, 300 et 310 des commentaires administratifs publiés le 19 décembre 2018 au Bulletin officiel des finances publiques (BOFiP) - impôts sous la référence BOI-RFPI-PVI-10-40-10, de s'être séparé de sa concubine en cours de travaux, rendant nécessaire la cession de leur future résidence principale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 novembre 2020, et des pièces complémentaires, enregistrées le 25 octobre 2022, le directeur départemental des finances publiques des Pyrénées-Atlantiques conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. C ne sont pas fondés.

Par un mémoire distinct, enregistré 22 juillet 2020, M. F C demande au tribunal, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de sa requête, de transmettre au Conseil d'État la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du 1° bis du II de l'article 150 U du code général des impôts.

Il soutient que les dispositions contestées, en tant qu'elles excluent du bénéfice de l'exonération d'imposition de la plus-value de cession immobilière, selon l'interprétation qu'en fait l'administration fiscale, la fraction du prix consacrée au remboursement d'emprunts en cours au jour de la cession, créent une rupture d'égalité entre citoyens et constituent une atteinte au droit à la propriété, en méconnaissance des articles 1er, 6, 14 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

Par un mémoire, enregistré le 26 août 2020, le directeur départemental des finances publiques des Pyrénées-Atlantiques soutient que les conditions posées par l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 ne sont pas remplies, et, en particulier, que la question posée ne présente pas un caractère sérieux.

Par ordonnance du 20 juillet 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 22 août 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- la décision du Conseil constitutionnel n° 2010-5 QPC du 18 juin 2010 ;

- la décision du Conseil constitutionnel n° 2017 668 QPC du 27 octobre 2017 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D,

- et les conclusions de M. Clen, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. C a cédé, le 13 octobre 2016, une maison qu'il avait fait construire à Pontenx-les-Forges (Landes) au prix global de 285 000 euros. La plus-value qu'il a réalisée lors de la vente a bénéficié en totalité de l'exonération d'imposition prévue par le 1° bis du II de l'article 150-U du code général des impôts. Après l'expiration du délai de vingt-quatre mois prévu par ces dispositions et après lui avoir demandé de justifier du remploi de cette plus-value, l'administration fiscale, par une proposition de rectification qui lui été a notifiée le 10 juillet 2019 selon la procédure contradictoire, a remis partiellement en cause l'exonération dont il avait bénéficié, à proportion du montant de la plus-value dont le remploi n'était pas établi. Il a exercé un recours hiérarchique à l'issue duquel l'administration a maintenu les rectifications. Les impositions litigieuses ont été mises en recouvrement par un avis du 15 novembre 2019. La réclamation préalable présentée par M. C le 28 novembre 2019 a été rejetée partiellement par une décision du 3 juin 2020 qu'il a reçue le 29 juin 2020. Le requérant soulève, par mémoire distinct, une question prioritaire de constitutionnalité relative aux dispositions du 1° bis du II de l'article 150-U du code général des impôts, et demande la décharge, en droits et pénalités, des cotisations d'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux mis à sa charge.

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

2. Aux termes de l'article 61-1 de la Constitution : " Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. Une loi organique détermine les conditions d'application du présent article ". Il résulte des dispositions combinées des premiers alinéas des articles 23-1 et 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958, portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, que le tribunal administratif, saisi d'un moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, présenté dans un mémoire distinct et motivé, statue par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'État et procède à cette transmission à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

3. La question prioritaire de constitutionnalité dont M. C demande la transmission au Conseil d'État est relative à la conformité au principe d'égalité devant la loi et au droit de propriété, protégés par les articles 1er, 6, 14 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, des dispositions du 1° bis du II de l'article 150 U du code général des impôts en tant que, par leur imprécision ou leur incomplétude, elles excluent du bénéfice de l'exonération d'imposition de la plus-value de cession immobilière, selon l'interprétation qu'en fait l'administration fiscale, la fraction du prix consacrée au remboursement d'emprunts en cours au jour de la cession.

4. Aux termes de l'article 150 U du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi du 28 décembre 2011 de finances pour 2012 : " I. - Sous réserve des dispositions propres aux bénéfices industriels et commerciaux, aux bénéfices agricoles et aux bénéfices non commerciaux, les plus-values réalisées par les personnes physiques ou les sociétés ou groupements qui relèvent des articles 8 à 8 ter, lors de la cession à titre onéreux de biens immobiliers bâtis ou non bâtis ou de droits relatifs à ces biens, sont passibles de l'impôt sur le revenu dans les conditions prévues aux articles 150 V à 150 VH. / () II. - Les dispositions du I ne s'appliquent pas aux immeubles, aux parties d'immeubles ou aux droits relatifs à ces biens : / () 1° bis Au titre de la première cession d'un logement, y compris ses dépendances immédiates et nécessaires au sens du 3° si leur cession est simultanée à celle dudit logement, autre que la résidence principale, lorsque le cédant n'a pas été propriétaire de sa résidence principale, directement ou par personne interposée, au cours des quatre années précédant la cession. / L'exonération est applicable à la fraction du prix de cession défini à l'article 150 VA que le cédant remploie, dans un délai de vingt-quatre mois à compter de la cession, à l'acquisition ou la construction d'un logement qu'il affecte, dès son achèvement ou son acquisition si elle est postérieure, à son habitation principale. En cas de manquement à l'une de ces conditions, l'exonération est remise en cause au titre de l'année du manquement ; () ".

5. Il résulte des dispositions du 1° bis du II de l'article 150 U du code général des impôts citées au point 4, éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 28 décembre 2011 de finances pour 2012 dont elles sont issues, qu'en subordonnant l'octroi d'une exonération d'impôt sur le revenu des plus-values réalisées par les personnes physiques lors de la première cession d'un logement autre que la résidence principale, en vue d'un remploi dans les vingt-quatre mois à l'acquisition ou la construction de son habitation principale, à la condition que le cédant n'ait pas été propriétaire de sa résidence principale, directement ou par personne interposée, au cours des quatre années précédant la cession, le législateur a entendu favoriser l'investissement dans l'acquisition d'une résidence principale et en réserver le bénéfice aux contribuables qui ne détiennent aucun droit réel immobilier sur le bien qu'ils ont élu pour domicile.

6. Par sa décision n° 2017 668 QPC du 27 octobre 2017, le Conseil constitutionnel a déclaré le deuxième alinéa du 2° du paragraphe II de l'article 150 U du code général des impôts, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014, conforme à la Constitution, le législateur ayant traité différemment des personnes placées dans des situations différentes au regard des règles d'imposition des revenus et cette différence de traitement étant en rapport avec l'objet de la loi et fondée sur des critères objectifs et rationnels. Il est constant qu'aucune décision du Conseil constitutionnel n'a déclaré conformes à la Constitution dans leurs motifs ou leur dispositif les dispositions du 1° bis du II de l'article 150 U du code général des impôts.

7. En premier lieu, aux termes de l'article 1er de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : " Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune ". Aux termes de son article 6 : " La loi () doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ". Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit. Si le principe d'égalité ne fait pas obstacle à ce que le législateur édicte pour des motifs d'intérêt général des mesures d'incitation par l'octroi d'avantages fiscaux, c'est à la condition qu'il fonde son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se propose et que l'avantage fiscal consenti ne soit pas hors de proportion avec l'effet incitatif attendu. Par ailleurs aux termes de son article 17 : " La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité ". Enfin, la méconnaissance par le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où cette méconnaissance affecte par elle-même un droit ou une liberté que la Constitution garantit.

8. M. C soutient que les dispositions du 1° bis du II de l'article 150 U du code général des impôts, par leur incomplétude ou leur imprécision, se heurtent aux articles 1er, 6 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, créent une rupture d'égalité devant la loi, en laissant à l'administration la possibilité d'interpréter ces dispositions de manière restrictive en excluant du bénéfice de l'exonération d'imposition de la plus-value de cession le montant de l'emprunt contracté pour l'acquisition du bien et restant à rembourser lors de la cession. Il fait valoir que ces dispositions discriminent les cédants selon qu'ils ont, ou non, recours à l'emprunt pour financer l'acquisition d'un bien immobilier, qu'elles empêchent le remploi des sommes empruntées lors de l'acquisition du bien cédé, et qu'ainsi, elles découragent l'investissement par l'emprunt, entravant l'accès à la propriété.

9. Toutefois, aux termes mêmes des dispositions en cause, seule la fraction du prix de cession remployée pour l'acquisition ou la construction de la résidence principale est prise en compte et déduite de l'assiette de la plus-value de cession imposable. La seule circonstance que le montant restant dû d'un emprunt contracté pour l'acquisition d'un bien doive être remboursé lors de sa cession n'est pas de nature, par principe, à empêcher le cédant de contracter un nouvel emprunt pour acquérir un nouveau bien, auquel cas le montant de ce nouvel emprunt est inclus dans le prix d'acquisition ouvrant droit à l'exonération d'imposition de la plus-value de cession prévue par les dispositions du 1° bis du II de l'article 150 U du code général des impôts. Si un cédant peut être amené, à l'instar du requérant, à rembourser le restant dû de l'emprunt contracté pour l'acquisition du bien cédé sans contracter de nouvel emprunt pour l'acquisition de sa résidence principale, cette circonstance ne résulte, toutefois, que de contingences particulières ou de choix individuels. Ainsi, il ne ressort pas des dispositions en cause qu'en prévoyant l'application de l'exonération d'impôt sur le revenu des plus-values réalisées par les personnes physiques lors de la première cession d'un logement autre que la résidence principale à la seule fraction du prix de cession que le cédant remploie, dans un délai de vingt-quatre mois à compter de la cession, à l'acquisition ou la construction d'un logement qu'il affecte à son habitation principale, le législateur, qui s'est au demeurant fixé comme objectif, contrairement à ce qu'affirme le requérant et ainsi qu'il a été dit au point 5, de favoriser l'accès à la propriété de la résidence principale, aurait entendu exclure du bénéfice de l'exonération d'imposition de la plus-value de cession le montant de l'emprunt contracté pour l'acquisition du bien et restant à rembourser lors de la cession. Par suite, le requérant ne peut utilement soutenir que les dispositions du 1° bis du II de l'article 150 U du code général des impôts entraîneraient une différence de traitement entre les contribuables ou qu'elles porteraient atteinte au droit de propriété, en méconnaissance des articles 1er, 6 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Il s'ensuit qu'il ne peut non plus utilement invoquer la méconnaissance par le législateur de sa propre compétence.

10. En second lieu, ainsi que l'a jugé le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2010-5 QPC du 18 juin 2010, les dispositions de l'article 14 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 relatives au droit dont disposent tous les citoyens de " constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée " n'instituent pas un droit ou une liberté qui puisse être invoqué, à l'occasion d'une instance devant une juridiction, à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution.

11. Il résulte de ce qui précède que la question de la conformité des dispositions contestées aux articles 1er, 6, 14 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ne présente pas un caractère sérieux. Ainsi, sans qu'il soit besoin de transmettre au Conseil d'État la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, le moyen tiré de ce que les dispositions du 1° bis du II de l'article 150 U du code général des impôts portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être écarté.

Sur les conclusions en décharge :

En ce qui concerne la procédure d'imposition :

12. En premier lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. Sur demande du contribuable reçue par l'administration avant l'expiration du délai mentionné à l'article L. 11, ce délai est prorogé de trente jours () ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter, outre la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base des redressements, ceux des motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés qui sont nécessaires pour permettre au contribuable de formuler ses observations de manière entièrement utile.

13. La proposition de rectification du 10 juillet 2019 mentionne les impôts concernés, à savoir l'impôt sur le revenu et les prélèvements sociaux assis sur le montant de la plus-value de cession immobilière réalisée lors de la cession, le 13 octobre 2016, d'une maison sise à Pontenx-les-Forges. Elle indique que lors de la cession, la totalité de la plus-value réalisée, soit la somme de 274 845 euros pour la partie immeuble, a été placée sous les dispositions du 1° bis du II de l'article 150 U du code général des impôts, M. C s'étant alors engagé à remployer la totalité de ce prix à l'acquisition de sa future résidence principale dans un délai de deux ans. Elle souligne que l'intéressé, pour justifier de ce remploi, a produit un ensemble de factures d'un montant total de 101 259,02 euros si bien que l'engagement de remploi n'est que partiellement réalisé et que la quote-part de la plus-value dégagée devient imposable dans les conditions de droit commun. Les taux applicables en matière d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux sont précisés, ainsi que leurs fondements légaux. La proposition de rectification décrit ainsi clairement la nature et le fondement des redressements envisagés. La circonstance que la partie " III. Calcul de la plus-value et du rappel " comporte des confusions terminologiques n'est pas de nature à avoir empêché le contribuable de connaître la base et le montant des impositions qui en découlent ou à avoir induit une insécurité juridique. Par suite, l'administration a correctement motivé la proposition de rectification du 10 juillet 2019 de sorte que le contribuable a pu formuler ses observations de manière utile. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation ne peut qu'être écarté.

14. En second lieu, aux termes de l'article R. 198-10 du livre des procédures fiscales : " () La direction générale des finances publiques () statue sur les réclamations dans le délai de six mois suivant la date de leur présentation. Si elle n'est pas en mesure de le faire, elle doit, avant l'expiration de ce délai, en informer le contribuable en précisant le terme du délai complémentaire qu'elle estime nécessaire pour prendre sa décision. Ce délai complémentaire ne peut, toutefois, excéder trois mois. () " Aux termes de l'article R. 199-1 du même livre : " L'action doit être introduite devant le tribunal compétent dans le délai de deux mois à partir du jour de la réception de l'avis par lequel l'administration notifie au contribuable la décision prise sur la réclamation, que cette notification soit faite avant ou après l'expiration du délai de six mois prévu à l'article R. 198-10. / Toutefois, le contribuable qui n'a pas reçu la décision de l'administration dans un délai de six mois mentionné au premier alinéa peut saisir le tribunal dès l'expiration de ce délai. () ".

15. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que lorsque le directeur départemental des finances publiques n'a, dans le délai qui lui est imparti, ni statué sur la réclamation dont il était saisi, ni avisé le contribuable de la nécessité d'un délai supplémentaire, cette circonstance n'a pas pour effet d'entacher d'irrégularité la procédure ultérieurement engagée. Si le directeur départemental des finances publiques n'a pas soumis d'office la réclamation au tribunal, le silence gardé pendant six mois sur celle-ci peut seulement être regardé comme un rejet implicite de la réclamation permettant au contribuable de porter le litige devant le tribunal administratif. Et cette circonstance n'interdit pas au directeur de prendre ultérieurement une décision expresse de rejet qui peut être attaquée devant le tribunal. Par suite, M. C ne peut utilement soutenir que la décision du directeur, intervenue plus de six mois après sa réclamation, serait entachée de nullité et que le délai anormalement long qui s'est écoulé entre la date de sa réclamation auprès du directeur départemental des finances publiques et la décision de rejet prise par ce dernier aurait pour effet de vicier la procédure contentieuse alors au demeurant qu'il pouvait saisir le tribunal dès le rejet implicite de sa réclamation.

En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition :

S'agissant de l'application de la loi fiscale :

16. Il résulte des dispositions précitées du 1° bis du II de l'article 150 U du code général des impôts qu'elles permettent à un contribuable qui n'a pas été propriétaire de sa résidence principale durant les quatre années qui ont précédé la cession d'une résidence autre qu'une résidence principale, de bénéficier d'une exonération à hauteur de la fraction du prix de cession de cette résidence qu'il a remployée pour acquérir ou construire sa résidence principale, et ce à condition que cet achat ou cette construction interviennent dans un délai maximum de vingt-quatre mois courant à compter de la date de la cession.

17. Ainsi qu'il a été dit au point 13, lors de la cession du 13 octobre 2019, la totalité de la plus-value réalisée, soit la somme de 274 845 euros pour la partie immeuble, a été placée sous les dispositions du 1° bis du II de l'article 150 U du code général des impôts. M. C a ensuite produit, pour justifier du remploi de cette plus-value, un ensemble de factures d'un montant total de 101 259,02 euros si bien que l'administration a considéré qu'il n'avait réalisé que partiellement l'engagement de remploi de cette plus-value et a imposé la quote-part de la plus-value dégagée dans les conditions de droit commun.

18. Le requérant soutient que l'administration fait une interprétation erronée du 1° bis du II de l'article 150-U du code général des impôts et ajoute une condition à ce texte, à le supposer constitutionnel, en considérant à tort que l'emprunt qu'il a contracté pour la construction du bien cédé ne peut venir en diminution du prix de cession. Il était contraint contractuellement et légalement de rembourser le solde de cet emprunt, à hauteur de 160 000 euros, et il a remployé totalement la plus-value nette disponible soit la somme de 114 845 euros.

19. Toutefois, il ressort des termes mêmes des dispositions du 1° bis du II de l'article 150 U du code général des impôts, ainsi qu'il a été dit au point 9, que seule la fraction du prix de cession remployée pour l'acquisition ou la construction de la résidence principale est prise en compte et déduite de l'assiette de la plus-value de cession imposable. Dès lors que M. C ne justifie que d'un montant de 101 259,02 euros de remploi pour l'acquisition de sa résidence principale, il ne peut prétendre, sur le fondement des dispositions citées, à bénéficier de l'exonération sur la totalité de la plus-value réalisée. La circonstance qu'il ait dû rembourser le restant dû de l'emprunt contracté pour l'acquisition du bien cédé sans contracter de nouvel emprunt pour l'acquisition de sa résidence principale ne résulte que de choix individuels qui, en tout état cause, ne permettent pas de regarder le montant de ce remboursement comme entrant dans le prix d'acquisition de sa résidence principale, seul pris en compte pour l'application des dispositions citées. Par suite, le moyen tiré de ce que l'administration fiscale aurait fait une interprétation erronée de ces dispositions ne peut qu'être écarté.

S'agissant de l'interprétation administrative de la loi fiscale :

20. Aux termes du dernier alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. (). ". Lorsque le contribuable invoque, sur le fondement de ces dispositions, l'interprétation d'un texte fiscal que l'administration a fait connaître par des instructions ou circulaires publiées, aucune imposition, même primitive, qui serait contraire à cette interprétation, ne peut être établie.

21. En premier lieu, à supposer que le requérant ait entendu invoquer, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, diverses réponses ministérielles visant les contribuables contraints de recourir à l'emprunt pour acquérir leur résidence principale, il ne saurait se prévaloir, pour obtenir l'exonération sollicitée, ni de la réponse apportée le 16 avril 2013 par le ministre du budget à la question n°15592 de M. B, député, ni la réponse apportée par le même ministre le 7 janvier 2014 à la question n°37546 de M. E, député, qui se bornent à rappeler, s'agissant des plus-values résultant de la première cession d'un logement autre que la résidence principale, que les dispositions du 1° bis du II de l'article 150 U du code général des impôts subordonnent l'exonération d'imposition à la condition que la personne ayant cédé le bien en cause ait remployé, dans un délai de vingt-quatre mois, tout ou partie du prix de cession du logement à l'acquisition ou la construction d'un logement qu'il affecte à sa résidence principale. La réponse à M. E précise que pour apprécier le montant du remploi, il n'est pas tenu compte des remboursements d'emprunt afférents au logement cédé, de sorte que l'exonération peut être totale si le remploi porte sur un logement dont le prix d'acquisition est au moins égal au prix de cession, défini à l'article 150 VA du code général des impôts, du logement pour lequel le contribuable a demandé le bénéfice de l'exonération, sans qu'il soit tenu compte, le cas échéant, pour effectuer cette comparaison, du remboursement du crédit en cours sur le logement cédé, ni de la souscription d'un nouvel emprunt pour l'acquisition de la résidence principale. Ces réponses ne donnent pas de la loi fiscale une interprétation différente de celle dont il est fait application.

22. En second lieu, le requérant soutient, à titre subsidiaire, qu'il peut bénéficier de l'exonération totale d'imposition de la plus-value réalisée lors de la cession de son bien dès lors qu'il entre dans les prévisions des paragraphes n° 220 à 240, 300 et 310 des commentaires administratifs publiés le 19 décembre 2018 au Bulletin officiel des finances publiques (BOFiP) - impôts sous la référence BOI-RFPI-PVI-10-40-10. Il précise que le bien qu'il a cédé le 13 octobre 2016 devait devenir la résidence principale de sa concubine et de lui-même, et qu'ils se sont séparés en cours de travaux ce qui a rendu nécessaire la cession de cette maison. Il produit à l'instance une attestation de son ancienne concubine qui énonce qu'ils se sont effectivement séparés en 2016. Toutefois, cette seule attestation ne suffit pas à les faire regarder comme remplissant la triple condition, énoncée au paragraphe 240 des commentaires administratifs cités, de vie en concubinage, de destination de l'immeuble à leur habitation principale et de ce qu'ils n'étaient pas propriétaires du logement occupé pendant les travaux. Par ailleurs, l'administration fait valoir, sans être contredite, que les travaux étaient achevés dès l'année 2015, si bien que M. C n'entrait pas dans les prévisions des paragraphes 220 à 240 réservées à la cession d'un immeuble en cours de construction. Enfin, les pièces produites n'établissent pas davantage que M. C entrait dans les prévisions des paragraphes 300 et 310, lesquels sont relatifs à la cession d'un immeuble en cours de construction réalisée à la suite d'une mutation professionnelle, d'une d'invalidité ou d'un décès.

23. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de M. C doit être rejetée en toutes ses conclusions, y compris celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'État la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. C.

Article 2 : La requête de M. C est rejetée.

 

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à M. F C et au directeur départemental des finances publiques des Pyrénées-Atlantiques.

Délibéré après l'audience du 17 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Sellès, présidente,

Mme Beneteau, première conseillère,

Mme Corthier, conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er décembre 2022.

La rapporteure,

Signé

A. D

La présidente,

Signé

M. A

La greffière,

Signé

P. SANTERRE

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition :

La greffière,

Code publication

C