Tribunal administratif de Paris

Jugement du 29 novembre 2022 n° 2006692

29/11/2022

Non renvoi

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 26 avril, 18 septembre et 15 octobre 2020 et 11 octobre 2022, M. C D demande au tribunal, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'ordonner, avant-dire droit, au ministre de l'action et des comptes publics, la production de l'intégralité du rapport d'enquête établi par ses services ainsi que toutes ses pièces annexes et détenus par le médiateur des ministères économiques et financiers, dans un délai de huit jours ;

2°) d'annuler la décision implicite de rejet du 27 octobre 2019 par laquelle le ministre de l'action et des comptes publics a refusé de lui communiquer la copie de plusieurs documents administratifs ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'action et des comptes publics de lui transmettre, sous une forme électronique, une copie des documents administratifs sollicités le 20 juillet 2019 et toujours manquants, soit : une copie intégrale sans occultation du rapport réalisé par la DGFIP en 2019 le concernant, les annexes 4 et 5 de ce rapport non communiquées à ce jour, les documents mentionnant son nom, à partir desquels ce rapport a été établi et qui ne seraient pas annexés audit rapport notamment la lettre provenant du médiateur du ministère de l'économie et des finances datée du 25 avril 2019, toutes les correspondances faisant référence à sa personne, tant sur papier que par voie électronique, échangées entre tous les services ayant un lien avec l'établissement de ce rapport ;

4°) d'enjoindre au ministre de l'action et des comptes publics de lui faire connaître les noms, prénoms et qualités des agents ayant participé conjointement à l'élaboration de ce rapport.

Il soutient que :

- le tribunal est compétent pour connaître de sa requête ;

- sa requête est recevable ;

- la décision attaquée du 20 septembre 2019 est entachée d'un défaut de motivation ;

- elle est entachée d'un détournement de pouvoir ;

- les documents demandés présentent un caractère communicable en vertu de l'article L. 311-6 du code des relations entre le public et l'administration ;

- cette décision entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 15 septembre 2020 et 22 janvier 2021, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au non-lieu à statuer.

Il soutient que :

- par courriel du 3 septembre 2020, la Direction départementale des finances publiques (DDFIP) de la Creuse a communiqué à M. D le rapport établi le concernant ainsi que les annexes 6, 7, 8, 9.1, 9.2, 9.3, 10.1, 10.2, 10.3, 11.1, 11.2, 12, 13, 14 et 15. En revanche certains passages ont volontairement été disjoints afin de préserver des données nominatives concernant des tiers et, à ce titre, confidentielles ;

- l'annexe 4 au rapport réalisé par la DDFIP de la Creuse en 2019 pour le médiateur des ministères économiques et financiers est une décision de recevabilité d'une requête présentée par M. D, Mme B et la SARL Aban devant la Cour européenne des droits de l'homme. L'annexe 10 au mémoire de la DGFIP produite dans le cadre d'une autre instance juridictionnelle est une lettre du médiateur du ministère de l'économie et des finances datée du 25 avril 2019 et adressée à Mme B pour l'informer de l'issue de cette médiation. Ces documents concernant des tiers, ils ne peuvent être communiqués à M. D.

- l'annexe 5 au rapport est une lettre de M. D datée du 21 février 2019 adressée à la DDFIP de la Creuse demandant la communication de documents administratifs le nommant personnellement. Cette demande, dont M. D a lui-même été destinataire, présente un caractère abusif ;

- M. D ne fait référence à aucun courriel, message, note ou lettres échangés au sein de la DDFIP ou de la DGFIP le concernant. Cette demande présente par suite un caractère trop général en l'absence de toute précision quant aux correspondances concernées ;

- le rapport remis au médiateur du ministère se borne à décrire une situation et ne constitue pas une décision administrative individuelle. A ce titre, aucune disposition n'oblige l'administration à mentionner les nom, prénom et qualité de l'auteur du rapport. En tout état de cause, il s'agit d'une demande nouvelle.

Par un mémoire distinct, enregistré le 13 octobre 2022, M. D demande au tribunal, à l'appui de sa requête, de transmettre au Conseil d'État aux fins de transmission au Conseil constitutionnel, la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du dernier alinéa de l'article L. 311-2 du code des relations entre le public et l'administration au motif que ces dispositions, dans leur rédaction actuelle, portent atteinte au principe garantissant un droit d'accès aux documents administratifs prévu par l'article 15 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen (DDHC) de 1789 ainsi qu'au principe selon lequel tout citoyen doit pouvoir constater la nécessité de la contribution publique prévu à l'article 14 de la Déclaration, au principe d'égalité devant la loi prévu aux articles 4 et 6 de la Déclaration et au principe du droit d'accès à un recours effectif prévu à l'article 16 de la Déclaration.

Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, a transmis des pièces, enregistrées le 18 octobre 2022, qui n'ont pas été versées au contradictoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789,

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1,

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958,

- le code des relations entre le public et l'administration,

- le code de justice administrative.

Le président du tribunal a désigné M. Pény, premier conseiller, en application de l'article R. 222-13 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A,

- et les conclusions de M. Abrahami, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. C D a sollicité, par courrier du 20 juillet 2019, la communication de plusieurs documents administratifs. Par une décision du 20 septembre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics a implicitement rejeté cette demande. Le 27 août 2019, M. D a saisi la commission d'accès aux documents administratifs (CADA), qui a émis un avis favorable à cette demande le 2 mars 2020. Une décision implicite de rejet née le 27 octobre 2019, soit deux mois après la saisine de la CADA, en vertu des dispositions précitées de l'article R. 345-3 du code des relations entre le public et l'administration. Par la présente requête, M. D demande l'annulation de la décision implicite de rejet opposée par le ministre de l'action et des comptes publics à la suite de sa saisine de la commission d'accès aux documents administratifs.

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

2. D'une part, l'article 61-1 de la Constitution du 4 octobre 1958 prévoit que : " Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. Une loi organique détermine les conditions d'application du présent article ". L'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, modifiée par la loi organique du 10 décembre 2009 relative à l'application de l'article 61-1 de la Constitution prévoit : " Devant les juridictions relevant du Conseil d'État () le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d'irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé. Un tel moyen peut être soulevé pour la première fois en cause d'appel () ". Selon l'article 23-2 de la même ordonnance : " La juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'État ou à la Cour de cassation. Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies : 1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ; 2° Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ; 3° La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux ".

3. D'autre part, aux termes du dernier alinéa de l'article L. 311-2 du code des relations entre le public et l'administration : " () L'administration n'est pas tenue de donner suite aux demandes abusives, en particulier par leur nombre ou leur caractère répétitif ou systématique. ".

4. La question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du dernier alinéa de l'article L. 311-2 du code des relations entre le public et l'administration, qui est applicable au litige, présente un caractère de nouveauté.

5. En premier lieu, aux termes de l'article 14 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : " Tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi, et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée. ". Et aux termes de l'article 15 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : " La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration ". Est garanti, par cette disposition, le droit d'accès aux documents administratifs. Il est loisible au législateur d'apporter à ce droit des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi.

6. D'une part, les dispositions de l'article 14 de la Déclaration de 1789 sont mises en œuvre par l'article 34 de la Constitution et n'instituent pas un droit ou une liberté qui puisse être invoqué, à l'occasion d'une instance devant une juridiction, à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution.

7. D'autre part, les dispositions contestées, citées au point 3, ont notamment pour objet de prémunir l'administration de demandes dont le caractère répétitif ou systématique aurait pour effet d'entraver son bon fonctionnement, lequel doit être garanti pour l'ensemble des administrés. Elles sont par suite justifiées par un motif d'intérêt général. L'atteinte qu'elles portent au droit d'accès aux documents administratifs est limitée, dès lors qu'elles visent uniquement les demandes présentant un caractère abusif sur la base de critères suffisamment précis, et sous le contrôle du juge. Par suite, elles portent au droit d'accès aux documents administratifs une atteinte qui n'est pas disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789 : " Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ". Sont garantis par cette disposition le droit des personnes intéressées à exercer un recours juridictionnel effectif, le droit à un procès équitable, ainsi que les droits de la défense lorsqu'est en cause une sanction ayant le caractère d'une punition.

9. M. D soutient que la notion de demande présentant un caractère abusif prive l'administré d'un recours effectif se traduisant par l'examen par un juge du caractère communicable du document en litige. Toutefois, le dernier alinéa de l'article L. 311-2 du code des relations entre le public et l'administration, en ce qu'il vise à prémunir l'administration de demandes abusives, est justifié par un motif d'intérêt général. En outre, la seule circonstance que le législateur ait entendu réserver le cas des demandes abusives, en l'assortissant de critères suffisamment précis, ne prive pas le justiciable d'un recours lui permettant de contester ce motif de refus, le juge pouvant alors se prononcer sur le caractère ou non abusif de la demande. Dès lors, le grief tiré de la méconnaissance de l'article 16 de la Déclaration de 1789 doit être écarté.

10. En troisième lieu, la méconnaissance de l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi, qui découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration de 1789, ne peut être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution. En tout état de cause, la rédaction du dernier alinéa de l'article L.311-2 est suffisamment précise et intelligible. Dès lors, le grief ne pourra qu'être écarté

11. En quatrième lieu, aux termes de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : " La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la loi. ". Il est loisible au législateur d'apporter à la liberté d'entreprendre et à la liberté contractuelle, qui découlent de ces dispositions, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi.

12. Contrairement à ce que soutient M. D, l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 vise à garantir la liberté d'entreprendre et la liberté contractuelle et non le principe d'égalité. En l'absence de précisions suffisantes, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions ne peut qu'être écarté.

13. En cinquième lieu, aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : " La loi est l'expression de la volonté générale. Tous les citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs représentants, à sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse. "

14. M. D soutient qu'en l'absence de critères précis déterminant la notion de demande abusive, ainsi que les modalités de mise en œuvre de cette disposition, les juges appliquent cette définition selon leur propre entendement, de sorte que les décisions rendues sont susceptibles d'être différentes selon le tribunal ayant à connaître de ces requêtes, en méconnaissance du principe d'égalité.

15. Toutefois, les dispositions en litige, qui se bornent à réserver le cas des demandes de communication de documents administratifs regardées comme abusives, n'a pas pour objet de régler de façon différente des situations différentes devant la justice administrative, ni de déroger à l'égalité pour des raisons d'intérêt général. En tout état de cause, d'une part, le législateur a entendu définir de façon suffisamment précise les critères permettant de regarder une demande comme abusive, de sorte que les décisions rendues par les juges du fond ne peuvent être regardées comme reposant sur une appréciation arbitraire. D'autre part, la voie de la cassation ouverte contre la décision rendue en première instance apporte une garantie suffisante afin d'assurer l'unicité de la jurisprudence pour qualifier une demande abusive. Il s'ensuit que M. D n'est pas fondé à soutenir que les dispositions en cause méconnaissent le principe d'égalité.

16. Il résulte de tout ce qui précède que la question soulevée par M. D ne présente pas un caractère sérieux. Il n'y a donc pas lieu de la transmettre au Conseil d'État pour transmission au Conseil constitutionnel.

Sur l'étendue du litige :

17. Il ressort des pièces du dossier que, par courriel du 3 septembre 2020, M. D a obtenu la communication du rapport d'enquête établi par la direction départementale des finances publiques (DDFIP) de la Creuse pour le médiateur des ministres économiques et financiers ainsi que la copie de toutes les correspondances entre les services du ministre ayant un lien avec l'établissement de ce rapport et faisant référence à sa personne. A cet égard, M. D n'établit pas, par la seule production d'une attestation de Mme B, que certaines parties du rapport où il est personnellement cité auraient été irrégulièrement soustraites du document original. Enfin, contrairement à ce que soutient M. D, le médiateur des ministres économiques et financiers n'a lui-même établi aucun rapport sur la base du document transmis par la DDFIP de la Creuse. Il n'y a donc plus lieu de statuer sur cette demande, qui a perdu son objet en cours d'instance.

Sur le surplus du litige :

18. En premier lieu, aux termes de l'article L. 311-14 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute décision de refus d'accès aux documents administratifs est notifiée au demandeur sous la forme d'une décision écrite motivée comportant l'indication des voies et délais de recours. ". Aux termes de l'article L. 232-4 du même code : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande (). ".

19. Il ne ressort pas des pièces du dossier et n'est d'ailleurs pas allégué que M. D aurait sollicité la communication des motifs de la décision implicite de rejet de sa demande née du silence gardé pendant plus de deux mois par le ministre à la suite de la saisine de la CADA. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de ladite décision ne peut qu'être écarté.

20. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 311-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Sous réserve des dispositions des articles L. 311-5 et L. 311-6, les administrations mentionnées à l'article L. 300-2 sont tenues () de communiquer les documents administratifs qu'elles détiennent aux personnes qui en font la demande, dans les conditions prévues par le présent livre ". Les articles L. 311-6 et L. 311-7 du même code prévoient que lorsque la demande porte sur un document comportant des mentions dont la communication porterait atteinte à la protection de la vie privée de tiers, mais qu'il est possible d'occulter ou de disjoindre ces mentions, les documents demandés sont communiqués après occultation ou disjonction.

21. Il ressort des dispositions du dernier alinéa de l'article L. 311-2 du code des relations entre le public et l'administration que revêt un caractère abusif la demande qui a pour objet de perturber le bon fonctionnement de l'administration sollicitée ou qui aurait pour effet de faire peser sur elle une charge disproportionnée au regard des moyens dont elle dispose.

22. M. D soutient ne pas avoir reçu communication des annexes 4, 5 et 10 au rapport d'enquête établi par la DDFIP de la Creuse le concernant. Le ministre, qui a produit les trois pièces en cause dans le cadre d'une procédure hors contradictoire, précise en défense que l'annexe 4 au rapport réalisé par la DDFIP de la Creuse en 2019 pour le médiateur des ministères économiques et financiers correspond à une décision de recevabilité d'une requête présentée par M. D, Mme B et la SARL Aban devant la Cour européenne des droits de l'homme. L'annexe 10 au mémoire de la DGFIP produite dans le cadre d'une autre instance juridictionnelle est une lettre du médiateur datée du 25 avril 2019 et adressée à Mme B pour l'informer de l'issue de cette médiation. En vertu de l'article L. 311-6 du code des relations entre le public et l'administration, ces documents, qui concernent, pour partie, des tiers, ne peuvent être communiqués à M. D. S'agissant des informations concernant directement M. D, celui-ci a nécessairement été rendu destinataire de la décision de recevabilité de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) dans le cadre de l'instance qu'il a portée devant cette juridiction. Il n'est donc pas fondé à obtenir communication d'un document qu'il détient déjà.

23. En outre, l'annexe 5 au rapport est une lettre de M. D datée du 21 février 2019 adressée à la DDFIP de la Creuse demandant la communication de documents administratifs le nommant personnellement. Dès lors que M. D est l'auteur de ce courrier, sa demande doit être regardée comme présentant un caractère abusif au sens de l'article L. 311-2 du code des relations entre le public et l'administration.

24. Enfin, eu égard à ce qui vient d'être dit, et alors que le ministre a communiqué à M. D le rapport d'enquête établi par la direction départementale des finances publiques de la Creuse pour le médiateur des ministres économiques et financiers ainsi que la copie de toutes les correspondances entre les services du ministre ayant un lien avec l'établissement de ce rapport et faisant référence à sa personne, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation et celui tiré du détournement de pouvoir doivent être écartés.

25. En dernier lieu, M. D soutient que le ministre a méconnu les dispositions de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration en s'abstenant de lui communiquer les nom, prénom et qualité de l'auteur du rapport d'enquête en cause. Toutefois, ce moyen, qui se rattache à la régularité du rapport d'enquête en cause et non à la légalité du refus de communication d'un document administratif, relève d'un litige distinct, de sorte que le moyen doit être écarté comme inopérant.

26. Il résulte de tout ce qui précède que le surplus de la requête de M. D doit être rejetée.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. D.

Article 2 : Il n'y a plus lieu de statuer sur la demande de M. D tendant à obtenir la communication du rapport d'enquête établi par la direction départementale des finances publiques de la Creuse pour le médiateur des ministres économiques et financiers ainsi que la copie de toutes les correspondances entre les services du ministre ayant un lien avec l'établissement de ce rapport et faisant référence à sa personne.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à M. C D et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 novembre 2022.

Le magistrat désigné,

A. ALa greffière,

A. Cardon

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2/6-3

Code publication

C