Tribunal administratif de Versailles

Ordonnance du 28 novembre 2022 n° 2108357

28/11/2022

Non-lieu à statuer

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 28 septembre 2021 et 15 septembre 2022, les communes de Carrières-sous-Poissy et de Villennes-sur-Seine, représentées par Me Alexandre Faro, demandent au tribunal d'annuler le permis de construire tacite, né le 27 avril 2021, par lequel le maire de Triel-sur-Seine a autorisé le syndicat interdépartemental pour l'assainissement de l'agglomération parisienne (SIAAP) à construire une installation pilote de traitement des déchets organiques sur les parcelles cadastrées BI12, BI28, BI29, BI30, BI93, BI94, BI95, BI96, BI97, BI98, BK2, BK3, BK19 et BK22.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 septembre 2022, le SIAPP et le Syctom, représentés par Me Blaise Eglie-Richters, concluent à titre principal au rejet de la requête, à titre subsidiaire à l'application des dispositions de l'article L.600-5-1 du code de l'urbanisme, ainsi qu'à la mise à la charge des communes requérantes de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par deux mémoires distincts, enregistrés les 15 septembre et 24 octobre 2022, les communes de Carrières-sous-Poissy et de Villennes-sur-Seine, représentées par Me Faro, demandent au tribunal de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux articles 1 et 3 de la charte de l'environnement des dispositions de l'article L. 111-2 du code de l'urbanisme, en tant qu'elles ne permettent pas à l'autorité administrative de refuser un permis de construire pour préserver l'environnement écologique.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 octobre 2022, le SIAPP et le Syctom concluent au rejet de la question prioritaire de constitutionnalité ainsi qu'à la mise à la charge des communes requérantes de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par une lettre du 28 octobre 2022, le tribunal a invité les communes de Carrières-sous-Poissy et de Villennes-sur-Seine à justifier de leur intérêt à agir au sens de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme.

Les communes requérantes ont produit des observations par mémoire du 12 novembre 2022.

La présidente du tribunal a désigné Mme Fejérdy, première conseillère, en application de l'article R. 222-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. D'une part, aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " () les magistrats ayant une ancienneté minimale de deux ans et ayant atteint au moins le grade de premier conseiller désignés à cet effet par le président de leur juridiction peuvent, par ordonnance : / () / 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens () ".

2. D'autre part, aux termes du premier alinéa de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l'aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation. "

3. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à la commune qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir, tendant à l'annulation d'un permis de construire, de préciser l'atteinte qu'elle invoque en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les intérêts dont elle a la charge.

4. En l'espèce, pour justifier leur intérêt à agir à l'encontre du permis de construire attaqué, les communes requérantes font valoir le caractère limitrophe du terrain d'assiette du projet avec leurs territoires respectifs, leur participation au financement de la zone d'aménagement concerté (ZAC) destinée à accueillir le projet, et enfin les risques liés à celui-ci pour l'environnement et la santé de leurs habitants.

5. Il ressort des pièces du dossier que le projet, correspondant à deux constructions d'une surface totale de 753,30 m², sera implanté sur un site du SIAAP, qui y exploite déjà une importante station d'épuration des eaux usées, laquelle représente un ensemble de bâtiments d'une surface de 24 911 m² sur un terrain de 274 541 m², et est autorisée au titre des installations classées protection de l'environnement (ICPE) et des installations, ouvrages, travaux, activités (IOTA). Le terrain d'assiette du projet est situé au sud-ouest de la commune de Triel-sur-Seine, et séparé de la commune de Villennes-sur-Seine par un ensemble de parcelles construites et par la Seine. Si la commune de Carrières-sous-Poissy est limitrophe du site du SIAPP, elle est en réalité séparée du terrain d'assiette du projet par une distance d'environ 400 mètres, occupée par des bâtiments industriels.

6. Si les communes font valoir qu'elles participent au financement de la ZAC destinée à accueillir le projet de construction, elles se bornent à produire, à l'appui de leurs affirmations, un projet de convention, non daté et non signé, entre le SIAAP et la communauté urbaine Grand Paris Seine et Oise, la délibération du conseil communautaire de la communauté urbaine en date du 10 décembre 2020 approuvant la participation du SIAPP aux frais d'équipement de la ZAC, documents dans lesquels elles n'apparaissent pas.

7. Enfin, les communes font valoir l'existence d'un " bassin de biodiversité " dans la zone naturelle d'intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF) " Ballastières et zone agricole de Carrières-sous-Poissy ", adjacente au projet et située sur le territoire des communes de Triel-sur-Seine et de Carrières-sous-Poissy, ainsi que la proximité de la Seine et des habitations. Elles n'établissent toutefois pas les risques du projet pour la biodiversité locale, ni les risques en terme de pollution de la nappe ou des rives et berges de la Seine, alors qu'il ressort des pièces du dossier, notamment de l'étude accompagnant la demande d'examen au cas par cas, que les incidences du projet en termes de pollution ou de nuisances seront faibles. Par une décision du 11 septembre 2020, le préfet des Yvelines, soulignant que " les enjeux environnementaux pour le projet sont faibles " et qu'" au regard de l'ensemble des éléments fournis par le pétitionnaire et des connaissances disponibles à ce stade, le projet n'[était] pas susceptible d'avoir des impacts sur l'environnement ou sur la santé ", a d'ailleurs dispensé le projet d'autorisation environnementale. Dans ces circonstances, et alors que le projet sera implanté sur un site industriel de grande importance, et qu'il présente un caractère temporaire dès lors que son fonctionnement est limité à trois ans, les communes requérantes ne justifient pas, en l'état du dossier d'un intérêt pour agir en raison de l'éventuel impact environnemental du projet.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la requête des communes de Carrières-sous-Poissy et de Villennes-sur-Seine, qui n'invoquent pas d'éléments précis et étayés de nature à établir que les atteintes qu'elles invoquent sont susceptibles d'affecter directement les intérêts dont elles ont la charge, est manifestement irrecevable et doit être rejetée en application des dispositions du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, sans qu'il y ait lieu de statuer sur la demande de transmission au Conseil d'Etat de la question prioritaire de constitutionnalité. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la commune du SIAPP et de Syctom présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

Article 1er : La requête des communes de Carrières-sous-Poissy et de Villennes-sur-Seine est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le SIAPP et le Syctom au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la commune de Carrières-sous-Poissy, à la commune de Villennes-sur-Seine, à la commune de Triel-sur-Seine, au syndicat interdépartemental pour l'assainissement et au Syctom Agence métropolitaine des déchets ménagers.

Fait à Versailles, le 28 novembre 2022.

La magistrate désignée,

Signé

B. Fejérdy

La République mande et ordonne au préfet des Yvelines en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.