Cour administrative d'appel de Versailles

Arrêt du 15 novembre 2022 n° 20VE02071

15/11/2022

Irrecevabilité

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C A a demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti, en droits et pénalités, au titre des années 2013 et 2014.

Par un jugement nos 1803458 et 1803463 du 26 mai 2020, le tribunal administratif de Versailles lui a accordé le bénéfice du crédit d'impôt sur le revenu afférant aux intérêts de prêts contractés pour l'acquisition de sa résidence principale au titre des années 2013 et 2014, l'a déchargé des majorations de 40 % mises à sa charge au titre des mêmes années, a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 18 août 2020, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 2 du jugement attaqué ;

2°) de remettre à la charge de M. A les majorations de 40 % auxquelles il avait été assujetti au titre des années 2013 et 2014 et dont le tribunal a indûment ordonné la décharge.

Le ministre soutient que l'administration n'a pas méconnu les dispositions de l'article 1728 du code général des impôts dès lors que M. A a été mis en demeure de souscrire sa déclaration de revenus au titre des années 2013 et 2014.

Par un mémoire enregistré le 7 décembre 2020, M. A, représenté par Mes Laurant et Chabane, avocats, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que la majoration de 40 % pour manquement délibéré n'est pas justifiée en ce qu'il n'a pas reçu de mise en demeure de déposer sa déclaration de revenus au titre des années 2013 et 2014.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B,

- et les conclusions de Mme Bobko, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A a fait l'objet d'un examen de sa situation fiscale personnelle portant sur les années 2013 et 2014. Le service lui a proposé, selon la procédure de taxation d'office, des rectifications en matière d'impôt sur le revenu, assorties d'intérêts de retard et de majorations de 40 %, au motif qu'il n'avait pas souscrit de déclaration d'ensemble de ses revenus au titre des années contrôlées en dépit des mises en demeure qui lui ont été adressées en ce sens. Le ministre de l'action et des comptes publics relève appel du jugement du 26 mai 2020 en tant qu'il prononce la décharge de la majoration de 40 % mise à la charge de M. A au titre des années 2013 et 2014.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article 1728 du code général des impôts dans sa rédaction applicable au litige : " 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : () / b. 40 % lorsque la déclaration ou l'acte n'a pas été déposé dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure, notifiée par pli recommandé, d'avoir à le produire dans ce délai () ".

3. Il résulte de ces dispositions que la mise en demeure doit être notifiée par pli recommandé au contribuable. En cas de contestation sur ce point, il incombe à l'administration fiscale d'établir qu'une telle notification a été régulièrement adressée au contribuable et, lorsque le pli contenant cette notification a été renvoyé par le service postal au service expéditeur, de justifier de la régularité des opérations de présentation à l'adresse du destinataire. La preuve qui lui incombe ainsi peut résulter soit des mentions précises, claires et concordantes figurant sur les documents, le cas échéant électroniques, remis à l'expéditeur conformément à la règlementation postale soit, à défaut, d'une attestation de l'administration postale ou d'autres éléments de preuve établissant la délivrance par le préposé du service postal d'un avis de passage prévenant le destinataire de ce que le pli est à sa disposition au bureau de poste.

4. Pour l'année 2013, l'administration produit, pour la première fois en appel, une copie de la mise en demeure du 23 octobre 2014 de souscrire la déclaration des revenus de l'année 2013, ainsi qu'une copie de l'historique informatisé de suivi de pli émanant de La Poste faisant état de ce que le pli contenant la mise en demeure a été présenté le 25 octobre, qu'un avis de passage a été déposé par le facteur et que le pli a été mis en attente au guichet à compter du 27 octobre 2014. En outre, contrairement à ce que soutient M. A, les numéros de suivi du recommandé figurant sur la mise en demeure et sur l'historique de suivi sont parfaitement lisibles. L'ensemble de ces mentions précises et concordantes suffit à établir que le courrier de mise en demeure du 23 octobre 2014 est réputé lui avoir été régulièrement notifié, le 25 octobre 2014, à son adresse, sans que les circonstances que l'administration ne produit ni une copie de l'enveloppe et du bordereau, ni une attestation de La Poste, et que le nom et l'adresse du contribuable ne soient pas mentionnés sur l'historique informatisé de suivi de pli aient une incidence sur le caractère régulier de cette notification.

5. Pour l'année 2014, l'administration produit, pour la première fois en appel une copie de la mise en demeure du 10 septembre 2015 de souscrire la déclaration de revenus de l'année 2014, ainsi qu'une copie de l'avis de réception faisant état de ce que le pli contenant la mise en demeure a été présenté le 11 septembre et qu'il a été retourné à l'expéditeur avec la mention " pli avisé et non réclamé ". L'ensemble de ces mentions précises et concordantes suffit à établir que le courrier de mise en demeure du 10 septembre 2015 est réputé avoir été régulièrement notifié à M. A, le 11 septembre 2015, à son adresse, sans que la circonstance que le numéro de la rue figurant sur le bordereau de l'accusé de réception soit difficilement lisible ait une incidence sur le caractère régulier de la notification.

6. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'action et des comptes publics est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a prononcé la décharge de la majoration de 40 % prévue par les dispositions de l'article 1728 du code général des impôts sur les impositions restant à la charge de M. A en se fondant sur la circonstance qu'aucune mise en demeure ne lui aurait été adressée de souscrire ses déclarations de revenus au titre des années 2013 et 2014.

7. Il appartient toutefois à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A devant le tribunal administratif de Versailles à l'encontre de la majoration litigieuse.

Sur l'autre moyen invoqué par M. A dans le cadre de l'effet dévolutif :

8. Aux termes de l'article R. 771-3 du code de justice administrative : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est soulevé, conformément aux dispositions de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, à peine d'irrecevabilité, dans un mémoire distinct et motivé. () ". Si M. A invoque la violation du principe de proportionnalité des peines, ce moyen n'est pas recevable, dès lors que M. A n'a pas présenté un mémoire séparé portant la mention " question prioritaire de constitutionnalité ". Au surplus, le Conseil constitutionnel s'est déjà prononcé sur la constitutionnalité des dispositions de l'article 1728 du code général des impôts, et les a reconnues conformes à la Constitution sous la seule réserve du non-cumul des peines, hypothèse non applicable au présent litige.

9. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'action et des comptes publics est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 2 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a déchargé M. A de la majoration de 40 % pour les impositions restant à sa charge au titre des années 2013 et 2014.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens () ". L'Etat n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, il y a lieu de rejeter les conclusions de M. A tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Les majorations de 40 % dont le tribunal administratif de Versailles a prononcé la décharge, sont remis à la charge de M. A au titre des années 2013 et 2014.

Article 2 : L'article 2 du jugement du tribunal administratif de Versailles du 26 mai 2020 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Les conclusions présentées par M. A en appel sur le fondement de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à M. C A.

Délibéré après l'audience du 18 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Beaujard, président,

Mme Dorion, présidente assesseure,

Mme Pham, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 novembre 2022.

Le président-rapporteur,

P. BLa présidente-assesseure,

O. DORION

La greffière,

V. MALAGOLILa République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour exécution conforme,

La greffière,

Code publication

C