Tribunal administratif de Versailles

Ordonnance du 19 octobre 2022 n° 2205711

19/10/2022

Non renvoi

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 25 juillet 2022, M. A B, représenté par la SEP Dubault-Biri et associés, agissant par Me Dumont, demande au tribunal :

1°) de prononcer la décharge, ou au moins la réduction à hauteur de 304 euros, de la taxe foncière sur les propriétés bâties à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2021 à raison d'un bien immobilier situé 12, avenue du Général de Gaulle à Evry-Courcouronnes (Essonne) ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par des mémoires distincts, enregistrés les 30 août 2022 et 23 septembre 2022, ce dernier non communiqué, M. B demande au tribunal de transmettre au Conseil d'Etat, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance du 7 novembre 1958, la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des articles 1638 et 1516 du code général des impôts.

Il soutient que ces articles sont contraires au principe d'égalité devant la loi énoncé aux articles 1er et 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et au principe d'égalité devant les charges publiques énoncé à l'article 13 de la même Déclaration dès lors qu'ils prévoient le rapprochement des taux d'imposition des communes fusionnées en cas de création d'une commune nouvelle, sans prévoir simultanément le rapprochement des valeurs locatives des territoires des communes préexistantes, assiette de la taxe foncière sur les propriétés bâties, ce qui institue une différence de traitement non justifiée par une différence de situations ou un motif d'intérêt général et qui présente un caractère permanent en l'absence de toute révision générale concernant les locaux d'habitation en méconnaissance de l'article 1516 du code général des impôts.

Par un mémoire, enregistré le 12 septembre 2022, le directeur départemental des finances publiques des Yvelines conclut à la non transmission de la question prioritaire de constitutionnalité.

Il soutient que la question posée ne présente pas de caractère sérieux.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution du 4 octobre 1958, et notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la décision n° 2014-419 QPC du Conseil constitutionnel du 8 octobre 2014 ;

- le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit

1. Aux termes de l'article R. 771-7 du code de justice administrative : " () les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours () peuvent, par ordonnance, statuer sur la transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité ".

2. Il résulte des dispositions combinées des premiers alinéas des articles 23-1 et 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le conseil constitutionnel, que le tribunal administratif, saisi d'un moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution présenté dans un écrit distinct et motivé, statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat et procède à cette transmission si est remplie la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question ne soit pas dépourvue de caractère sérieux.

3. La méconnaissance par le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où cette méconnaissance affecte par elle-même un droit ou une liberté que la Constitution garantit.

4. Aux termes de l'article 34 de la Constitution : " La loi fixe les règles concernant () l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures () ".

5. Aux termes de l'article 1638 du code général des impôts, dans sa version issue de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 : " I. - En cas de création de commune nouvelle, des taux d'imposition différents, en ce qui concerne chacune des taxes mises en recouvrement en vertu des 1° à 4° du I de l'article 1379, peuvent être appliqués, selon le territoire des communes préexistantes, pendant une période transitoire. La délibération instituant cette procédure d'intégration fiscale progressive en détermine la durée, dans la limite de douze ans. A défaut, la procédure est applicable aux douze premiers budgets de la commune nouvelle. Cette décision est prise, soit par le conseil municipal de la commune nouvelle, soit en exécution de délibérations de principe concordantes prises antérieurement à la création de la commune nouvelle par les conseils municipaux des communes intéressées. La durée de la période de réduction des écarts de taux d'imposition ne peut être modifiée ultérieurement. La procédure d'intégration fiscale progressive est également applicable de plein droit sur la demande du conseil municipal d'une commune appelée à faire partie d'une commune nouvelle. / Les différences qui affectent les taux d'imposition appliqués sur le territoire des communes préexistantes sont réduites chaque année par parts égales. / Cette procédure d'intégration fiscale progressive peut être précédée d'une homogénéisation des abattements appliqués pour le calcul de la taxe d'habitation. Par dérogation à l'article 1639 A bis, cette homogénéisation peut être décidée dans les mêmes conditions que le recours à la procédure d'intégration fiscale progressive prévue au premier alinéa du présent I. / Le présent I est également applicable dans le cas de réunion d'une section de commune ou d'une portion du territoire d'une commune à une autre commune. Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions d'application du présent alinéa. / II. - (Abrogé) / III. - L'arrêté de création de commune nouvelle pris par le représentant de l'Etat dans le département ne produit ses effets au plan fiscal à compter de l'année suivante qu'à la condition qu'il intervienne avant le 1er octobre de l'année. ". Aux termes de l'article 1516 du même code, dans sa version issue de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 : " I. - Les valeurs locatives des propriétés bâties mentionnées au I de l'article 1496, des établissements industriels mentionnés à l'article 1499 et des locaux dont la valeur locative est déterminée dans les conditions particulières prévues à l'article 1501 ainsi que celle des propriétés non bâties sont mises à jour suivant une procédure comportant : / 1° La constatation annuelle des changements affectant ces propriétés ; / 2° L'actualisation, tous les trois ans, des évaluations résultant de la précédente révision générale ; / 3° L'exécution de révisions dans les conditions fixées par la loi. / II. - Les valeurs locatives des propriétés bâties mentionnées à l'article 1498 sont mises à jour selon une procédure comportant : / 1° La constatation annuelle des changements affectant ces propriétés ; / 2° La modification annuelle des coefficients de localisation dans les conditions prévues au II de l'article 1518 ter ; / 3° L'actualisation prévue au III du même article 1518 ter ; / 4° La modification annuelle des tarifs dans les conditions prévues au I dudit article 1518 ter. ".

6. M. B soutient que les dispositions précitées méconnaissent le principe d'égalité devant la loi et le principe d'égalité devant les charges publiques en ce qu'elles prévoient le rapprochement des taux d'imposition des communes fusionnées en cas de création d'une commune nouvelle, sans prévoir simultanément le rapprochement des valeurs locatives des territoires des communes préexistantes, assiette de la taxe foncière sur les propriétés bâties, et alors qu'aucune révision générale des valeurs locatives, pourtant prévue par l'article 1516 du code général des impôts, n'est intervenue, ce qui institue une différence de traitement non justifiée par une différence de situation ou un motif d'intérêt général. Il évoque également, sans cependant préciser ce point, le même moyen à l'encontre de l'article 16 de la loi de finances pour 2020. Toutefois, d'une part, la méconnaissance par le législateur de l'étendue de sa compétence dans la détermination de l'assiette ou du taux d'une imposition n'affecte par elle-même aucun droit ou liberté que la Constitution garantit. D'autre part, si le requérant se prévaut d'une situation d'inégalité entre les bases d'imposition à la taxe foncière sur les propriétés bâties pour des logements identiques selon que ces logements sont situés sur l'ancien territoire de la commune d'Evry ou celui de Courcouronnes, cette inégalité, à la supposer même établie, ne résulte pas des dispositions contestées mais des tarifs adoptés dans les deux communes préalablement à leur fusion. Dans ces conditions, la méconnaissance par le législateur de l'étendue de sa compétence invoquée par M. B n'affecte par elle-même aucun droit ou liberté que la Constitution garantit. Par suite, la question soulevée ne présente pas un caractère sérieux.

7. Il résulte de ce qui précède qu'il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité posée par M. B.

O R D O N N E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. B.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A B et au directeur départemental des finances publiques des Yvelines.

Fait à Versailles, le 19 octobre 2022.

Le président de la 5ème chambre,

Signé

Ph. Delage

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.