Tribunal administratif de Toulon

Ordonnance du 6 octobre 2022 n° 2102505

06/10/2022

Non renvoi

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 14 septembre 2021 et le 29 août 2022,

M. B A, représenté par Me Hoffmann, demande au juge des référés :

1°) d'annuler la décision du 16 août 2021 par laquelle le président du service départemental d'incendie et de secours du Var a prononcé l'interruption du versement de sa rémunération et a ordonné le reversement de la somme de 114 426, 28 euros correspondant aux traitement et accessoires indûment perçus du 3 août 2016 au 30 juin 2021 ;

2°) de mettre à la charge du service départemental d'incendie et de secours du Var une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 juillet 2022, le service départemental d'incendie et de secours du Var, représenté par la selarl Cabinet Guisiano, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. A au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire distinct enregistré le 29 août 2022, M. A demande que la question de la constitutionnalité de l'article 25 septies de la loi du 13 juillet 1983, codifié aux articles

L.123-1 et suivants du code général de la fonction publique, soit transmise au Conseil d'Etat en vue de son renvoi au Conseil constitutionnel.

M. A soutient que ces dispositions qui imposent aux fonctionnaires d'obtenir une autorisation pour exercer toute activité privée lucrative sont contraires au principe d'égalité de traitement avec les salariés de droit privé, ainsi qu'au droit de propriété et à la liberté d'entreprendre.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution du 4 octobre 1958, notamment son article 61-1 ;

- le code général de la fonction publique;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée ;

- la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 ;

- le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. D'une part, aux termes de l'article R. 771-7 du code de justice administrative :

" () les présidents de formation de jugement des tribunaux () peuvent, par ordonnance, statuer sur la transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité ".

2. D'autre part, aux termes de l'article 61-1 de la Constitution : " Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé () ". Aux termes de l'article 23-1 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Devant les juridictions relevant du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation, le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d'irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé () ". Aux termes de l'article 23-2 de la même ordonnance : " La juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat ou à la Cour de cassation. Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies : / 1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ; / 2° Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ; / 3° La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux. () ".

3. Il résulte des dispositions citées au point 2 que le juge administratif, saisi d'un moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par

la Constitution présenté dans un écrit distinct et motivé, statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat et procède

à cette transmission si est remplie la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans

les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement

des circonstances, et que la question ne soit pas dépourvue de caractère sérieux.

4. M. A demande au tribunal d'annuler décision du 16 août 2021 par laquelle

le président du service départemental d'incendie et de secours du Var a prononcé l'interruption

du versement de sa rémunération et a ordonné le reversement de la somme de 114 426, 28 euros correspondant aux traitement et accessoires indûment perçus du 3 août 2016 au 30 juin 2021.

5. A l'appui de sa requête, M. A soutient, par un mémoire en question prioritaire de constitutionnalité, que l'article 25 septies de la loi du 13 juillet 1983, codifié aux articles

L.123-1 et suivants du code général de la fonction publique, qui imposent aux fonctionnaires d'obtenir une autorisation pour exercer toute activité privée lucrative sont contraires au principe d'égalité de traitement avec les salariés de droit privé, ainsi qu'au droit de propriété et à la liberté d'entreprendre.

6. Aux termes de l'article 25 septies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 :

" I.- Le fonctionnaire consacre l'intégralité de son activité professionnelle aux tâches qui lui sont confiées. Il ne peut exercer, à titre professionnel, une activité privée lucrative de quelque nature que ce soit, sous réserve des II à V du présent article. Il est interdit au fonctionnaire : 1° De créer ou de reprendre une entreprise lorsque celle-ci donne lieu à immatriculation au registre

du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers ou à affiliation au régime prévu à l'article L. 613-7 du code de la sécurité sociale, s'il occupe un emploi à temps complet et qu'il exerce ses fonctions à temps plein ; 2° De participer aux organes de direction de sociétés ou d'associations à but lucratif ; 3° De donner des consultations, de procéder à des expertises ou de plaider en justice dans les litiges intéressant toute personne publique, le cas échéant devant une juridiction étrangère ou internationale, sauf si cette prestation s'exerce au profit d'une personne publique ne relevant pas du secteur concurrentiel ; 4° De prendre ou de détenir, directement ou par personnes interposées, dans une entreprise soumise au contrôle de l'administration à laquelle il appartient ou en relation avec cette dernière, des intérêts de nature à compromettre son indépendance ;

5° De cumuler un emploi permanent à temps complet avec un ou plusieurs autres emplois permanents à temps complet. II.- Il est dérogé à l'interdiction d'exercer à titre professionnel

une activité privée lucrative : 1° Lorsque le dirigeant d'une société ou d'une association à but lucratif, lauréat d'un concours ou recruté en qualité d'agent contractuel de droit public, continue à exercer son activité privée pendant une durée d'un an, renouvelable une fois, à compter de son recrutement ; 2° Lorsque le fonctionnaire, ou l'agent dont le contrat est soumis au code du travail en application des articles 34 et 35 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits

des citoyens dans leurs relations avec les administrations, occupe un emploi permanent à temps non complet ou incomplet pour lequel la durée du travail est inférieure ou égale à 70 %

de la durée légale ou réglementaire du travail. La dérogation fait l'objet d'une déclaration

à l'autorité hiérarchique dont l'intéressé relève pour l'exercice de ses fonctions.

III.- Le fonctionnaire qui occupe un emploi à temps complet peut, à sa demande, être autorisé

par l'autorité hiérarchique dont il relève à accomplir un service à temps partiel pour créer ou reprendre une entreprise et à exercer, à ce titre, une activité privée lucrative. L'autorisation d'accomplir un service à temps partiel, qui ne peut être inférieur au mi-temps, est accordée,

sous réserve des nécessités de la continuité et du fonctionnement du service et compte tenu

des possibilités d'aménagement de l'organisation du travail, pour une durée maximale de trois ans, renouvelable pour une durée d'un an, à compter de la création ou de la reprise de cette entreprise. Une nouvelle autorisation d'accomplir un service à temps partiel pour créer ou reprendre une entreprise ne peut être accordée moins de trois ans après la fin d'un service à temps partiel pour la création ou la reprise d'une entreprise. Lorsque l'autorité hiérarchique a un doute sérieux sur la compatibilité du projet de création ou de reprise d'une entreprise avec les fonctions exercées par le fonctionnaire au cours des trois années précédant sa demande d'autorisation, elle saisit pour avis, préalablement à sa décision, le référent déontologue. Lorsque l'avis de ce dernier ne permet pas de lever ce doute, l'autorité hiérarchique saisit la Haute Autorité pour

la transparence de la vie publique, qui se prononce dans les conditions prévues à l'article

25 octies. Lorsque le fonctionnaire occupe un emploi dont le niveau hiérarchique ou la nature des fonctions le justifient, mentionné sur une liste établie par décret en Conseil d'Etat, l'autorité hiérarchique soumet sa demande d'autorisation à l'avis préalable de la Haute Autorité. A défaut, le fonctionnaire peut également saisir la Haute Autorité. IV.- Le fonctionnaire peut être autorisé par l'autorité hiérarchique dont il relève à exercer à titre accessoire une activité, lucrative ou non, auprès d'une personne ou d'un organisme public ou privé dès lors que cette activité est compatible avec les fonctions qui lui sont confiées et n'affecte pas leur exercice. Par dérogation au 1° du I du présent article, ces activités peuvent être exercées sous le régime prévu à l'article L. 133-6-8

du code de la sécurité sociale. Il peut notamment être recruté comme enseignant associé en application de l'article L. 952-1 du code de l'éducation. V.- La production des œuvres de l'esprit, au sens des articles L. 112-1, L. 112-2 et L. 112-3 du code de la propriété intellectuelle, s'exerce librement, dans le respect des dispositions relatives au droit d'auteur des agents publics et sous réserve de l'article 26 de la présente loi. Les membres du personnel enseignant, technique ou scientifique des établissements d'enseignement et les personnes pratiquant des activités à caractère artistique peuvent exercer les professions libérales qui découlent de la nature de leurs fonctions. VI.- Sans préjudice de l'engagement de poursuites disciplinaires, la violation du présent article donne lieu au reversement des sommes perçues au titre des activités interdites, par voie de retenue sur le traitement. VII.- Les conditions d'application du présent article, notamment la liste des activités susceptibles d'être exercées à titre accessoire en application du IV, sont fixées par décret en Conseil d'Etat. "

7. D'une part, seules les dispositions de l'article 25 septies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, relatives aux agents publics ayant la qualité de fonctionnaires, sont applicables au litige dès lorsque les articles L. 123-1 et suivants du code général de la fonction publique, qui ne sont pas identiques au demeurant, n'étaient pas encore entrés en vigueur à la date de la décision attaquée.

8. D'autre part, le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit. Les fonctionnaires, placés dans une situation statutaire et réglementaire, à la différence des salariés de droit privé, étant dans une situation différente de ces derniers, le principe d'égalité ne fait pas obstacle à ce que les conditions de cumul d'activités soient régies de façon distincte.

9. Enfin, les nombreux tempéraments apportés par les dispositions précitées au principe de l'interdiction du cumul d'activités par les fonctionnaires les rendent compatibles avec le droit de propriété et la liberté d'entreprendre.

10. Il résulte de tout ce qui précède que les articles L. 123-1 et suivants contestés du code général de la fonction publique ne sont pas applicables au litige et que la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. A à l'égard de l'article 25 septies de la loi du 13 juillet 1983 est dépourvue de caractère sérieux. Par suite, il n'y a pas lieu de la transmettre au Conseil d'Etat.

ORDONNE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité posée par M. A.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B A et au service départemental d'incendie et de secours du Var.

Fait à Toulon, le 6 octobre 2022.

Le président,

signé

JF. SAUTON

La République mande et ordonne au préfet du Var en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

P/ la greffière en chef,

Le greffier,

Code publication

C