Cour administrative d'appel de Toulouse

Arrêt du 29 septembre 2022 n° 21TL00959

29/09/2022

Non renvoi

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une première requête, Mme H C et M. F G ont demandé au tribunal administratif de Nîmes de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2011 et des pénalités correspondantes. Par une seconde requête, ils ont demandé à ce même tribunal de prononcer la décharge des mêmes impositions et pénalités.

Par un jugement n° 1802387, 1802391 du 20 novembre 2020, le tribunal administratif de Nîmes a prononcé un non-lieu à statuer à concurrence des dégrèvements prononcés en cours d'instance et rejeté le surplus de leurs demandes, qu'il a estimé présentées au titre des années 2011 et 2012.

Procédure devant la cour :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 10 mars 2021, 29 novembre 2021 et 17 janvier 2022 sous le n° 21MA00959 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille et ensuite sous le n° 21TL00959 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, Mme C et M. G, représentés par Me Brunel, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement, en tant qu'il a rejeté le surplus de leurs demandes ;

2°) à titre principal, de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2011 et des pénalités correspondantes ;

3°) à titre subsidiaire, de transmettre à la cour de justice de l'Union européenne des questions préjudicielles et de surseoir à statuer dans l'attente ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement est irrégulier dès lors qu'ils n'ont pas eu communication du mémoire produit par l'administration postérieurement à la clôture de l'instruction, en violation du principe du contradictoire ;

- le jugement a omis de répondre aux moyens tirés des diverses violations des dispositions applicables à la procédure d'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle ;

- le jugement est insuffisamment motivé au regard des moyens tirés de la méconnaissance des articles L. 16, L. 16 A et L. 47 du livre des procédures fiscales ;

- les premiers juges ont dénaturé le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des articles 7 et 8 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la violation des articles L. 16 et L. 16 A qui a justifié le dégrèvement en cours d'instance devant le tribunal administratif des impositions établies suivant la procédure de taxation d'office a entaché d'irrégularité la procédure de rectification contradictoire ;

- l'examen de leur situation fiscale personnelle a débuté avant l'envoi de l'avis de vérification, en méconnaissance de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales ;

- en exerçant son droit de communication, l'administration a violé la vie privée des membres de leur foyer fiscal, en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des articles 7 et 8 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- en recueillant des informations relatives au cursus universitaire de leurs fils majeurs, sans obtenir leur accord préalable, l'administration a procédé à un traitement de données à caractère personnel, en méconnaissance de la directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 24 octobre 1995 et de la directive 2002/58/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 juillet 2002 ;

- les sommes encaissées sur leurs comptes, en provenance de l'association Sud Environnement, de clients de la société Service Plus et de clients de la société Sud Environnement, correspondent au paiement d'arriérés de salaires dus à Mme C et à des remboursements d'avances en compte-courant d'associé ;

- les sommes reçues de la société Midi Développement ont pour contrepartie des prestations de service réalisées par leurs deux fils majeurs en tant qu'auto-entrepreneurs.

Par trois mémoires, enregistrés les 5 juillet 2021, 14 décembre 2021 et 22 février 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une intervention, enregistrée le 17 janvier 2022, MM. B et I, représentés par Me Brunel, demandent à la cour :

1°) d'annuler la proposition de rectification du 19 décembre 2014 ;

2°) d'ordonner à la direction départementale des finances publiques du Gard de détruire et supprimer toutes les données personnelles les concernant qu'elle détient et d'en justifier dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

3°) de transmettre à la cour de justice de l'Union européenne trois questions préjudicielles et de surseoir à statuer dans l'attente ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- ils ont intérêt à intervenir dès lors qu'ils ont fait l'objet d'une enquête de la part de l'administration fiscale ;

- ils s'associent aux moyens développés par les requérants ;

- dans le cadre des opérations de contrôle à l'encontre de la société Midi Développement, il a été porté atteinte à leur droit à la protection de leur vie privée et à la confidentialité de leurs données personnelles en méconnaissance de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ;

- la procédure d'imposition est irrégulière.

Par ordonnance du 20 juillet 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 10 août 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, notamment son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la directive 95/46/CE du 24 octobre 1995 ;

- la directive 2002/58/CE du 12 juillet 2002 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 ;

- la loi n° 2004-669 du 9 juillet 2004 ;

- la loi n° 2004-801 du 6 août 2004 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E,

- et les conclusions de Mme Cherrier, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C et M. G ont fait l'objet d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle portant sur les années 2011 et 2012. Des rehaussements de leurs revenus imposables de l'année 2011 leur ont été notifiés par une proposition de rectification du 19 décembre 2014. Il en est résulté des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre de l'année 2011, assorties de pénalités. Par un jugement du 20 novembre 2020, le tribunal administratif de Nîmes, après avoir prononcé un non-lieu partiel sur leur demande à hauteur des dégrèvements prononcés en cours d'instance, pour un montant de 22 080 euros au titre de 2011, en a rejeté le surplus. Mme C et M. G relèvent appel de ce jugement, en tant qu'il ne leur a pas entièrement donné satisfaction s'agissant des impositions mises à leur charge au titre de l'année 2011.

Sur l'intervention de MM. B et I :

2. Toute personne qui justifie d'un intérêt suffisant eu égard à la nature et à l'objet du litige est recevable à former une intervention. MM. B et I ne justifient pas d'un intérêt suffisant pour intervenir à l'instance, qui porte sur la contestation d'impositions et pénalités mises à la charge de tiers, Mme C et M. G, dont ils ne sont pas solidaires. Par suite, l'intervention de MM. B et J G n'est pas recevable.

Sur la régularité du jugement :

3. Il résulte de l'instruction que les requérants avaient soulevé en première instance, dans leurs mémoires enregistrés le 7 octobre 2020 dans les instances nos 1802387 et 1802391, le moyen, qui n'était pas inopérant, tiré de ce que l'examen de leur situation fiscale personnelle aurait débuté avant l'envoi de l'avis de contrôle le 5 novembre 2013. En omettant de répondre à ce moyen, les premiers juges ont entaché d'irrégularité le jugement attaqué. Les requérants sont dès lors fondés à soutenir que le jugement du 20 novembre 2020 est entaché d'irrégularité et doit donc être annulé, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens tirés de son irrégularité. Par suite, il y a lieu d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de leurs demandes et de statuer par la voie de l'évocation sur ces demandes restant en litige présentées par Mme C et M. G devant le tribunal.

Sur la procédure d'imposition :

En ce qui concerne la question prioritaire de constitutionnalité :

4. Il résulte des dispositions combinées des articles 23-1 et 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, que la juridiction relevant du Conseil d'Etat, saisie d'un moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution présenté dans un écrit distinct et motivé, statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat et procède à cette transmission si est remplie la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances et que la question ne soit pas dépourvue de caractère sérieux. L'article 23-2 de la même ordonnance précise que : " () En tout état de cause, la juridiction doit, lorsqu'elle est saisie de moyens contestant la conformité d'une disposition législative, d'une part, aux droits et libertés garantis par la Constitution et, d'autre part, aux engagements internationaux de la France, se prononcer par priorité sur la transmission de la question de constitutionnalité au Conseil d'Etat () ". En l'espèce, Mme C et M. G soutenaient devant le tribunal administratif de Nîmes que, d'une part, les dispositions des articles L. 81 et L. 83 du livre des procédures fiscales relatives au droit de communication dont bénéficie l'administration fiscale, en portant atteinte à la protection de la vie privée, à la protection des données à caractère personnel et au secret des correspondances méconnaissent les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et, d'autre part, dès lors que ces dispositions du livre des procédures fiscales ne sont pas conformes aux stipulations de plusieurs conventions internationales, elles sont également contraires aux articles 34 et 55 de la Constitution, le législateur méconnaissant l'étendue de sa compétence en adoptant des normes en contradiction avec des engagements internationaux qui ont une autorité supérieure aux lois.

5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 81 du livre des procédures fiscales : " Le droit de communication permet aux agents de l'administration, pour l'établissement de l'assiette et le contrôle des impôts, d'avoir connaissance des documents et des renseignements mentionnés aux articles du présent chapitre dans les conditions qui y sont précisées. / () Le droit prévu au premier alinéa s'exerce quel que soit le support utilisé pour la conservation des documents ". Aux termes de l'article L. 83 du même livre : " Les administrations de l'Etat, des départements et des communes, les entreprises concédées ou contrôlées par l'Etat, les départements et les communes, ainsi que les établissements ou organismes de toute nature soumis au contrôle de l'autorité administrative, doivent communiquer à l'administration, sur sa demande, les documents de service qu'ils détiennent sans pouvoir opposer le secret professionnel, y compris les données conservées et traitées par les opérateurs de communications électroniques dans le cadre de l'article L. 34-1 du code des postes et des communications électroniques et les prestataires mentionnés aux 1 et 2 du I de l'article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique ".

6. Ces dispositions sont applicables au présent litige, à l'exception de la partie de l'article L. 83 relative aux données conservées et traitées par les opérateurs de communications électroniques, qui n'ont pas fait l'objet d'un droit de communication en l'espèce.

7. Il résulte de ces dispositions que le droit de communication reconnu à l'administration fiscale par les articles L. 81 et suivants du livre des procédures fiscales a seulement pour objet de permettre à l'administration fiscale, pour l'établissement et le contrôle de l'imposition d'un contribuable, de demander à un tiers ou, éventuellement au contribuable lui-même, sur place ou par correspondance, de manière ponctuelle, des renseignements disponibles sans que cela nécessite d'investigations particulières ou, dans les mêmes conditions, de prendre connaissance et, le cas échéant, copie de certains documents existants qui se rapportent à l'activité professionnelle de la personne auprès de laquelle ce droit est exercé. Ce droit de communication ne s'exerce que sur des documents de service que les personnes destinataires des demandes de l'administration fiscale détiennent du fait de leur activité.

8. En outre, le droit de communication prévu par ces dispositions s'exerce dans le respect des garanties énoncées à l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, aux termes duquel : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ". Il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en œuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des documents et renseignements obtenus auprès de tiers, qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour mettre à même l'intéressé d'y avoir accès avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent. Lorsque le contribuable lui en fait la demande, l'administration est, en principe, tenue de lui communiquer, alors même qu'il en aurait eu connaissance, les renseignements, documents ou copies de documents obtenus auprès de tiers qui lui sont opposés, afin de lui permettre d'en vérifier l'authenticité ou d'en discuter la teneur ou la portée. Les contestations relatives à la mise en œuvre de ces dispositions sont soumises, le cas échéant, au juge de l'impôt qui, lorsqu'il constate leur application irrégulière, prononce la décharge des impositions fondées sur les renseignements ou documents obtenus.

9. Ainsi, eu égard à l'ensemble des garanties dont est entouré le droit de communication dont bénéficie l'administration fiscale, la question soulevée, identiquement dans les deux instances devant le tribunal administratif, ne présente pas un caractère sérieux.

10. En second lieu, la méconnaissance alléguée de sa propre compétence par le législateur ne peut être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où est affecté un droit ou une liberté que la Constitution garantit. En l'espèce, comme il a été indiqué aux points 6 à 10, la question soulevée en ce sens est dépourvue de caractère sérieux.

11. Par suite, il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par les requérants.

En ce qui concerne la méconnaissance des articles L. 16 et L. 16 A du livre des procédures fiscales :

12. En premier lieu, aux termes de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales : " En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable des éclaircissements. () / Elle peut également lui demander des justifications lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés, notamment lorsque le total des montants crédités sur ses relevés de compte représente au moins le double de ses revenus déclarés ou excède ces derniers d'au moins 150 000 euros () ". Aux termes de l'article L. 16 A du même livre : " Les demandes d'éclaircissements et de justifications fixent au contribuable un délai de réponse qui ne peut être inférieur à deux mois. / Lorsque le contribuable a répondu de façon insuffisante aux demandes d'éclaircissements ou de justifications, l'administration lui adresse une mise en demeure d'avoir à compléter sa réponse dans un délai de trente jours en précisant les compléments de réponse qu'elle souhaite " et, aux termes de l'article L. 69 du même livre : " Sous réserve des dispositions particulières au mode de détermination des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices agricoles et des bénéfices non commerciaux, sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L. 16 ".

13. Il résulte de l'instruction que les requérants ont reçu le 4 juillet 2014 une demande d'éclaircissements et de justifications en date du 30 juin 2014 à propos des discordances relevées entre les crédits financiers apparaissant sur leurs comptes bancaires et leurs revenus déclarés. Ils ont présenté, en réponse, des éléments justificatifs le 2 septembre 2014. Sans leur adresser au préalable la mise en demeure prévue par l'article L. 16 A du livre des procédures fiscales lorsque la réponse du contribuable est considérée insuffisante, l'administration a procédé à la taxation d'office de leurs revenus qu'elle a considérés comme étant d'origine indéterminée. Les requérants, qui ont pris acte du dégrèvement des impositions supplémentaires assises de ce chef, soutiennent que ce vice de procédure s'est étendu aux impositions mises à leur charge suivant la procédure contradictoire. Toutefois, aucune disposition n'imposait à l'administration de leur adresser, préalablement à la notification de la proposition de rectification, une mise en demeure de compléter leur réponse faite au courrier du 30 juin 2014 s'agissant des rehaussements notifiés selon la procédure contradictoire. Par suite, le moyen tiré de la violation des articles L. 16 et L. 16 A du livre des procédures fiscales à l'encontre des impositions établies suivant la procédure contradictoire doit être écarté.

14. En second lieu, à supposer que les requérants aient entendu soutenir que l'administration ne pouvait fonder les rectifications en litige, notifiées selon la procédure contradictoire, en se basant sur leur déclaration de revenus initiale au motif qu'ils avaient souscrit une déclaration rectificative le 2 septembre 2014, invoquant ce faisant le bénéfice de la procédure de régularisation en cours de contrôle prévue à l'article L. 62 du livre des procédures fiscales, cette procédure n'était alors pas applicable à l'impôt sur le revenu.

En ce qui concerne la date d'engagement de l'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle :

15. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : " Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'une personne physique au regard de l'impôt sur le revenu ou une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification ".

16. Les requérants, qui ont été informés de l'engagement de l'examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle par un avis de vérification en date du 5 novembre 2013, soutiennent que l'examen a en réalité commencé avant l'envoi de cet avis, la proposition de rectification mentionnant des éléments recueillis préalablement, dans le cadre de la vérification de comptabilité de la société Midi Développement et de la vérification de comptabilité de l'association Sud Environnement. Toutefois, outre qu'aucune disposition législative ou règlementaire ne s'oppose à ce que l'administration utilise, dans le cadre d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'une personne physique, les éléments recueillis dans le cadre de la vérification de comptabilité d'une personne morale, cette seule circonstance ne suffit pas à établir que l'administration aurait entrepris irrégulièrement de contrôler la cohérence des revenus déclarés par les requérants préalablement à l'envoi de l'avis de vérification du 5 novembre 2013. Par suite, le moyen doit être écarté.

En ce qui concerne les garanties entourant l'exercice du droit de communication :

17. En premier lieu, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'ont ni pour objet ni pour effet d'interdire les investigations que prévoient les dispositions de la loi fiscale en vue de faciliter la tâche des services chargés de contrôler l'assiette de l'impôt sur le revenu, notamment par la mise en œuvre d'une procédure de vérification de comptabilité et du droit de communication auprès de tiers prévu par les articles L. 81 et suivants du livre des procédures fiscales. Compte tenu des garanties offertes au contribuable par l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales et du fait que les informations recueillies à cette occasion par l'administration fiscale sont soumises à l'obligation de secret professionnel prescrite par l'article L. 103 de ce même livre, l'exercice par l'administration de son droit de communication auprès de tiers, conformément à ces dispositions et sous le contrôle du juge de l'impôt, est de nature à satisfaire aux exigences de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

18. Il résulte de l'instruction que, pour établir les impositions contestées, l'administration fiscale s'est fondée notamment sur des documents obtenus auprès des établissements bancaires dans lesquels les requérants détenaient des comptes et auprès de clients des sociétés Midi Développement, Sud Environnement et Service Plus dont ils ont appréhendé des recettes. Ils ne contestent pas que ce droit de communication a été exercé conformément aux articles L. 81 et suivants du livre des procédures fiscales. En tout état de cause, la proposition de rectification du 19 décembre 2014 mentionnait avec une précision suffisante l'origine et la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers. Les requérants ne soutiennent pas en avoir demandé la communication. Dès lors, en se bornant à soutenir que l'administration a exercé, sans autorisation préalable d'un magistrat, sans contrôle d'une autorité indépendante et sans les en avoir informés ni leur avoir permis de contester ces investigations préalablement, son droit de communication sur des correspondances professionnelles et familiales, des relevés bancaires et " des données collectées dans un autre dossier ", les requérants n'établissent pas la réalité d'une saisie irrégulière auprès de tiers de documents de nature privée ni leur utilisation dans des conditions de nature à porter une atteinte disproportionnée au secret bancaire ou au secret des correspondances. Ils ne sont donc pas fondés à soutenir que l'administration aurait mis en œuvre son droit de communication en violation des exigences procédurales prévues par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

19. En second lieu, les requérants ne peuvent utilement se prévaloir de la méconnaissance des stipulations des articles 7 et 8 de la charte des droits fondamentaux, lesquelles s'appliquent aux Etats membres lorsqu'ils mettent en œuvre le droit de l'Union européenne et non aux situations seulement régies par le droit interne.

En ce qui concerne l'usage d'informations rendues publiques sur des réseaux sociaux :

20. Il résulte de l'instruction que l'administration a utilisé des informations rendues publiques par les fils majeurs des requérants, MM. B et J G, sur des réseaux sociaux, notamment le site du réseau social professionnel " LinkedIn ", à propos de leur parcours universitaire et professionnel, pour remettre en cause la réalité de prestations facturées par eux à la société Midi Développement et, par suite, réintégrer les sommes ainsi facturées dans les revenus imposables du foyer fiscal, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers.

21. Les requérants soutiennent que, faute d'avoir préalablement recueilli l'accord de leurs fils, l'administration a, ce faisant, mis en œuvre un traitement de données à caractère personnel en méconnaissance des directives 95/46/CE et 2002/58/CE. Toutefois, la directive 95/46/CE a été transposée en droit interne par la loi n° 2004-801 du 6 août 2004, tandis que la directive 2002/58/CE a été transposée en droit interne par la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004, la loi n° 2004-669 du 9 juillet 2004 et la loi n° 2004-801 du 6 août 2004. En outre, il n'est pas soutenu que ces transpositions auraient méconnu les objectifs ou des dispositions précises et inconditionnelles des articles des deux directives susmentionnées, ou qu'elles les auraient incomplètement transposées. Par suite, le moyen tiré de la violation de ces directives doit être écarté comme inopérant.

Sur le bien-fondé des impositions :

22. En premier lieu, aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / () c. Les rémunérations et avantages occultes ; () ".

23. Il résulte de l'instruction que Mme C et M. G ont encaissé sur leurs comptes bancaires des chèques, pour un montant total de 9 395 euros, émis par la société Opus Développement 3 et les époux D en règlement de prestations facturées par la société Service Plus. Ils ont, par ailleurs, encaissé sur leurs comptes bancaires des chèques émis par l'association Sud Environnement, dont ils étaient respectivement la secrétaire et le président, pour un montant total de 58 500 euros. Enfin, Mme C a encaissé sur son compte bancaire un chèque d'un montant de 957 euros émis par Mme A en règlement de prestations facturées par la société Sud Environnement. L'administration a réintégré ces sommes dans les revenus imposables de Mme C et M. G dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sur le fondement du c de l'article 111 du code général des impôts.

24. Si les requérants soutiennent que les sommes encaissées en lieu et place de la société Service Plus et les sommes reçues de l'association Sud Environnement correspondraient au paiement d'arriérés de salaires dus à Mme C au titre de l'année 2010 et au remboursement d'avances en compte-courant d'associé, ils ne fournissent aucune justification à l'appui de leurs allégations. Par suite, eu égard aux encaissements mentionnés au point 24, l'administration établit le caractère d'avantage occulte des sommes en cause.

25. En second lieu, aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital () " Aux termes de l'article 110 du même code : " Pour l'application du 1° du 1 de l'article 109, les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés () ".

26. Il résulte de l'instruction que, à l'issue de la vérification de comptabilité de la société Midi Développement, qui exerçait une activité de conseil auprès des collectivités locales en matière d'urbanisme et d'environnement et dont M. G était le gérant, l'administration a remis en cause la déduction de charges d'un montant de 29 100 euros correspondant à des prestations de services en matière d'urbanisme facturées par MM. B et J G, au motif que la réalité de leurs prestations n'était pas établie. L'administration a notamment relevé que les intéressés étaient alors étudiants, au surplus dans des disciplines étrangères à l'urbanisme. Elle a ensuite regardé ces sommes, encaissées sur les comptes bancaires de Mme C et M. G, comme des revenus distribués imposables entre leurs mains dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sur le fondement du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts.

27. En se bornant à invoquer la qualité d'auto-entrepreneur de MM. B et J G et à se prévaloir de témoignages qu'ils ne produisent pas, les requérants ne contestent pas sérieusement, d'une part, l'absence de réalisation des prestations de service en cause par leurs deux fils et, d'autre part, l'appréhension des sommes en cause par eux. Par suite, l'administration établit le caractère de revenus distribués des sommes en cause.

28. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il y ait lieu de saisir la cour de justice de l'Union européenne de questions préjudicielles, les requérants ne sont pas fondés à demander la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales ainsi que des pénalités y afférentes.

Sur les frais liés au litige :

29. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de Mme C et M. G présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : L'intervention de MM. B et J G n'est pas admise.

Article 2 : Le jugement n° 1802387, 1802391 du 20 novembre 2020 du tribunal administratif de Nîmes est annulé en tant qu'il a rejeté le surplus des demandes de Mme C et de M. G.

Article 3 : Le surplus des demandes présentées par Mme C et M. G devant le tribunal administratif de Nîmes ainsi que leurs conclusions d'appel sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme H C, à M. F G et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Pyrénées.

Délibéré après l'audience du 15 septembre 2022, où siégeaient :

- M. Barthez, président,

- M. Lafon, président assesseur,

- Mme Restino, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 septembre 2022.

La rapporteure,

V. ELe président,

A. Barthez

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°21TL00959

Code publication

C