Tribunal administratif de Bordeaux

Jugement du 22 septembre 2022 n° 2003765

22/09/2022

Irrecevabilité

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 24 août 2020, la société Alliance Atlantique, représentée par Me Lermite, doit être regardée comme demandant au tribunal :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 11 mars 2020 par laquelle la directrice régionale des finances publiques a rejeté sa demande de transfert des déficits reportables pour un montant de 159 824 euros ;

2°) d'enjoindre à l'administration d'agréer le transfert des déficits sollicité ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'administration a méconnu les dispositions de l'article 209 II du code général des impôts qui n'excluent pas les filiales intégrées de son champ l'intégration fiscale et ne fait pas obstacle à l'application de la procédure générale de transfert de déficit ;

- l'interprétation retenue par l'administration conduit à une rupture d'égalité.

Par un mémoire en défense enregistré le 3 mars 2021, la directrice régionale des finances publiques de Nouvelle- Aquitaine et du département de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- la demande tendant à ce que l'agrément lui soit accordé par le tribunal est irrecevable, le tribunal ne peut se substituer à l'administration pour se prononcer sur le fond ;

- les moyens soulevés par la société Alliance Atlantique ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 4 mars 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 4 mai 2021.

Vu la décision attaquée et les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Patard, conseillère ;

- et les conclusions de M. Willem, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société Autocars Bertrand, société mère intégrante et la société Transports les rapides du Gatinais, filiale intégrée, ont par un traité d'apport partiel d'actif du 31 août 2019, apporté avec prise d'effet au 1er janvier 2019, la branche d'activité de transport public de voyageurs, transports routiers et service de transports publics de marchandises à la société H.M A, devenue la société Alliance Atlantique. Ces dernières ont sollicité un agrément auprès de l'administration fiscale pour procéder au transfert des déficits de la société Autocars Bertrand liés aux activités dont les actifs ont été apportés à la société H.M A, sur le fondement de l'article 209 II du code général des impôts. Par une décision du 11 mars 2020, la directrice régionale des finances publiques de Nouvelle-Aquitaine a rejeté cette demande. La société Alliance Atlantique demande au tribunal l'annulation de cette décision.

2. En premier lieu, aux termes de l'article 209 II du code général des impôts : " 1. En cas de fusion ou opération assimilée placée sous le régime de l'article 210 A, les déficits antérieurs, les charges financières nettes non déduites mentionnées au 1 du VIII de l'article 212 bis et la capacité de déduction inemployée mentionnée au 2 du même VIII par la société absorbée ou apporteuse sont transférés, sous réserve d'un agrément délivré dans les conditions prévues à l'article 1649 nonies, à la ou aux sociétés bénéficiaires des apports, et imputables sur ses ou leurs bénéfices ultérieurs dans les conditions prévues respectivement au troisième alinéa du I du présent article et aux 1 et 2 du VIII de l'article 212 bis. / En cas de scission ou d'apport partiel d'actif, les déficits transférés sont ceux afférents à la branche d'activité apportée. / L'agrément est délivré lorsque : / a. L'opération est justifiée du point de vue économique et obéit à des motivations principales autres que fiscales ; / b) L'activité à l'origine des déficits ou des intérêts dont le transfert est demandé n'a pas fait l'objet par la société absorbée ou apporteuse, pendant la période au titre de laquelle ces déficits et ces intérêts ont été constatés, de changement significatif, notamment en termes de clientèle, d'emploi, de moyens d'exploitation effectivement mis en œuvre, de nature et de volume d'activité ; / c) L'activité à l'origine des déficits ou des intérêts dont le transfert est demandé est poursuivie par la ou les sociétés absorbantes ou bénéficiaires des apports pendant un délai minimal de trois ans, sans faire l'objet, pendant cette période, de changement significatif, notamment en termes de clientèle, d'emploi, de moyens d'exploitation effectivement mis en œuvre, de nature et de volume d'activité ; / d) Les déficits et intérêts susceptibles d'être transférés ne proviennent ni de la gestion d'un patrimoine mobilier par des sociétés dont l'actif est principalement composé de participations financières dans d'autres sociétés ou groupements assimilés ni de la gestion d'un patrimoine immobilier. Cette disposition ne s'applique pas aux organismes mentionnés aux articles L. 411-2 et L. 481-1 du code de la construction et de l'habitation. ". Aux termes de l'article 223 A du même code : " I. - Une société, ci-après désignée par les mots : " société mère ", peut se constituer seule redevable de l'impôt sur les sociétés dû sur l'ensemble des résultats du groupe formé par elle-même et les sociétés dont elle détient 95 % au moins du capital de manière continue au cours de l'exercice, directement ou indirectement par l'intermédiaire de sociétés ou d'établissements stables membres du groupe, ci-après désignés par les mots : " sociétés du groupe ", ou de sociétés ou d'établissements stables, ci-après désignés par les mots : " sociétés intermédiaires ", détenus à 95 % au moins par la société mère de manière continue au cours de l'exercice, directement ou indirectement par l'intermédiaire de sociétés du groupe ou de sociétés intermédiaires. () ". Aux termes de l'article 223 E du même code : " Les déficits retenus pour la détermination du résultat d'ensemble ne sont pas déductibles des résultats de la société qui les a subis. Il en est de même des moins-values nettes à long terme retenues pour le calcul de la plus-value ou de la moins-value nette à long terme d'ensemble. () ". Enfin, aux termes de l'article 223 I du même code : " 1. a) Les déficits subis par une société du groupe au titre d'exercices antérieurs à son entrée dans le groupe ne sont imputables que sur son bénéfice, dans les limites et conditions prévues au troisième alinéa du I de l'article 209 () "

3. Les dispositions précitées font obstacles, en cas d'intégration fiscale, à ce que les déficits constatés au cours de la période d'intégration soient transférés à la société bénéficiaire d'un apport partiel d'actif, sur le fondement des dispositions de l'article 209 II du code général des impôts, ce déficit concourant exclusivement à la détermination du résultat d'ensemble. Ainsi, la société Autocars Bertrand et sa filiale la société transports rapides Gatinais, qui constituent un groupe fiscal au sens de l'article 223 A du code général des impôts, ne peuvent transférer à la société Alliance Atlantique, en application du II de l'article 209, les déficits relatifs à la branche d'activité de transports qu'elles lui ont cédés par apport partiel d'actif, qui ne constituent pas des déficits propres de ces sociétés mais concourent au résultat d'ensemble du groupe fiscal. Par suite, la directrice régionale des finances publiques n'a pas commis d'erreur de droit en rejetant la demande d'agrément présentée par les sociétés Autocars Bertrand et Alliance Atlantique.

4. En second lieu, le moyen tiré d'une rupture d'égalité devant les charges publiques, qui revient à contester devant le tribunal la conformité à la Constitution des dispositions citées au point 2, ne peut, en tout état de cause, être utilement soulevé qu'à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité présentée dans les formes prescrites par l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 et l'article R. 771-13 du code de justice administrative. Faute d'être soulevé à l'appui d'une telle question présentée par mémoire distinct, ce moyen ne peut qu'être écarté.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, que la société Alliance Atlantique n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision du 11 mars 2020. Ses conclusions à fin d'annulation doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société Alliance Atlantique est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à la société Alliance Atlantique et au directeur régional des finances publiques de Nouvelle- Aquitaine et du département de la Gironde.

La rapporteure,

J. PATARD

Le président,

D. FERRARILe greffier,

S. FORESTAS-BURGAUD

La République mande et ordonne au directeur régional des finances publiques de Nouvelle-Aquitaine et du département de la Gironde, en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme :

Le greffier

Code publication

D