Tribunal administratif de Grenoble

Jugement du 22 septembre 2022 n° 1803494

22/09/2022

Autre

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 4 juin 2018, 17 septembre 2018, 3 décembre 2018 et 26 février 2020, la SA Comasud demande au tribunal :

1°) de prononcer la décharge ou, subsidiairement, la réduction de moitié des rappels de taxe sur les surfaces commerciales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2011 et 2012 à raison des établissements qu'elle exploite dans les départements de l'Isère et de la Drôme ;

2°) d'ordonner la restitution des sommes indûment versées, assorties des intérêts moratoires au taux de 0,20 % à compter du jour de leur paiement, en application de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi qu'aux dépens de l'instance en application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a appliqué à bon droit la réduction de 30 % prévue au A de l'article 3 du décret n° 95-85 du 26 janvier 1995 pris pour l'application du 17ème alinéa de l'article 3 de la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972, dès lors que l'activité de ses établissements requérait des superficies de vente anormalement élevées ;

- en subordonnant le bénéfice de la réduction à la condition que l'activité de vente des marchandises qu'il énumère soit exercée à titre exclusif, le pouvoir réglementaire a excédé sa compétence ;

- cette condition posée par le décret du 26 janvier 1995 méconnaît les principes d'égalité devant la loi et d'égalité devant les charges publiques consacrés par les articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

- elle doit a minima bénéficier de la réduction de 30 % pour les surfaces de ses magasins affectées exclusivement à la vente de matériaux de construction, soit environ la moitié.

Par un mémoire enregistré le 2 août 2018, la SA Comasud demande au tribunal, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'alinéa 17 de l'article 3 de la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972, dans leur rédaction en vigueur avant le 1er janvier 2013.

Par un mémoire, enregistré le 10 août 2018, le directeur des vérifications nationales et internationales conclut qu'il y a lieu de surseoir à statuer, la même question prioritaire de constitutionnalité ayant été transmise au Conseil d'Etat dans un autre dossier.

Par des mémoires en défense enregistrés les 20 novembre 2018, 25 avril 2019 et 16 juin 2020, le directeur des vérifications nationales et internationales conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, notamment son préambule ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972 ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

- le décret n° 95-85 du 26 janvier 1995 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus, au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pfauwadel, président,

- les conclusions de M. Journé, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SA Comasud exerce une activité de vente de matériaux de construction et d'autres marchandises sous diverses enseignes. Elle a acquitté, au titre des années 2011 et 2012, la taxe sur les surfaces commerciales à raison de douze établissements situés dans la Drôme et l'Isère, en appliquant la réduction de 30 % prévue au A de l'article 3 du décret n° 95-85 du 26 janvier 1995. A l'issue d'une vérification de comptabilité, l'administration fiscale a remis en cause le bénéfice de cette réduction et lui a notifié des rappels de taxe, dont la SA Comasud demande la décharge.

2. Aux termes de l'article 3 de la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972 instituant des mesures en faveur de certaines catégories de commerçants et artisans âgés, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " Il est institué une taxe sur les surfaces commerciales assise sur la surface de vente des magasins de commerce de détail, dès lors qu'elle dépasse 400 mètres carrés des établissements ouverts à partir du 1er janvier 1960 quelle que soit la forme juridique de l'entreprise qui les exploite. / () / Un décret prévoira () des réductions pour les professions dont l'exercice requiert des superficies de vente anormalement élevées () ". Le A de l'article 3 du décret n° 95-85 du 26 janvier 1995 relatif à la taxe sur les surfaces commerciales, pris pour l'application de ces dispositions, dispose, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " La réduction de taux prévue au dix-septième alinéa de l'article 3 de la loi du 13 juillet 1972 susvisée en faveur des professions dont l'exercice requiert des superficies de vente anormalement élevées est fixée à 30 p. 100 en ce qui concerne la vente exclusive des marchandises énumérées ci-après : / - meubles meublants ; / - véhicules automobiles ; / - machinismes agricoles ; - matériaux de construction. () ".

3. En premier lieu, la SA Comasud indique, dans son mémoire enregistré le 3 décembre 2018, qu'elle renonce au moyen qu'elle a soulevé, par un mémoire distinct du 2 août 2018, tiré de l'inconstitutionnalité des dispositions précitées de l'article 3 de la loi du 13 juillet 1972.

4. En deuxième lieu, en subordonnant, par le A de l'article 3 du décret du 26 janvier 1995, le bénéfice de la réduction de taux, fixée à 30 %, à la condition que l'activité de vente des marchandises qu'il énumère soit exercée à titre exclusif, le pouvoir réglementaire s'est borné à déterminer le champ d'application de la mesure de réduction de taux prévue par le législateur en faveur des professions dont l'exercice requiert des superficies de vente anormalement élevées, sans excéder les compétences qu'il tenait des dispositions législatives précitées.

5. En troisième lieu, en adoptant les dispositions précitées de l'article 3 de la loi du 13 juillet 1972, le législateur a entendu instituer une réduction de taux en faveur des professions dont l'exercice requiert des superficies de vente anormalement élevées et a confié au pouvoir réglementaire le soin de déterminer le champ d'application et le montant de cette réduction. En prévoyant que les établissements redevables de la taxe sur les surfaces commerciales bénéficieraient de la réduction de taux prévue par la loi à raison des surfaces qu'ils affectent à titre exclusif à une activité consistant à vendre des marchandises mentionnées dans une liste qu'il a définie, le pouvoir réglementaire a fondé son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction du but fixé par le législateur sans créer, entre les établissements exerçant une telle activité de vente à titre exclusif et ceux l'exerçant seulement à titre principal, une différence de traitement qui ne serait pas en rapport direct avec l'objet de la loi du 13 juillet 1972. La société requérante n'est donc pas fondée à soutenir que les dispositions du A de l'article 3 du décret du 26 janvier 1995, dans leur rédaction applicable aux impositions en litige, méconnaîtraient les principes constitutionnels d'égalité devant la loi et d'égalité devant les charges publiques.

6. En quatrième lieu, la SA Comasud soutient qu'elle affecte à titre exclusif une partie, qu'elle évalue à 50 %, des surfaces de vente de ses établissements à la vente de matériaux de construction. Toutefois, elle ne produit aucun élément circonstancié de nature à corroborer ces allégations. Par suite, elle n'établit pas relever de l'application de la réduction de taux de la taxe sur les surfaces commerciales, et n'est dès lors pas fondée à demander la réduction et la restitution des cotisations supplémentaires de taxe sur les surfaces commerciales qui lui ont été réclamées au titre des années 2011 et 2012 pour les établissements en litige.

7. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de la requête à fin de décharge doivent être rejetées, ainsi que, par voie de conséquence, les conclusions tendant à la restitution des sommes versées assorties des intérêts moratoires.

8. En l'absence de dépens, les conclusions présentées en application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative sont sans objet et ne peuvent qu'être rejetées.

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, une somme au titre des frais exposés par la SA Comasud et non compris dans les dépens, dont le montant n'est au demeurant pas précisé.

 

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société Comasud est rejetée

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à la société Comasud et à la direction des vérifications nationale et internationales.

Rendu public par la mise à disposition au greffe le 22 septembre 2022.

Le président de la 4ème chambre,

T. Pfauwadel

La greffière,

C. Billon

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Code publication

C