Tribunal administratif de Paris

Ordonnance du 21 septembre 2022 n° 2010034

21/09/2022

Non renvoi

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par une ordonnance N° 441097 en date du 25 juin 2020, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a renvoyé au tribunal administratif de Paris le jugement de la requête de M. A B.

 

Par une requête, enregistrée le 9 juin 2020, et un mémoire enregistré le 25 avril 2022, M. A B demande au tribunal d'annuler la décision de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) refusant de l'exonérer, au titre de l'année 2019, de la contribution forfaitaire pour frais de contrôle due par les intermédiaires en opérations de banque et en service de paiement, d'un montant de 150 euros.

Par un mémoire distinct, enregistré le 25 avril 2022 et des mémoires complémentaires enregistrés le 24 mai 2022 et le 16 juin 2022, M. B demande au Tribunal, à l'appui de sa requête, de transmettre au Conseil d'Etat aux fins de transmission au Conseil constitutionnel, la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du 2° du C du II de l'article L.612-20 du code monétaire et financier.

Il soutient que :

-ces dispositions sont applicables au litige ;

-elles n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution ;

-le moyen revêt un caractère sérieux dès lors que les dispositions en litige méconnaissent l'article 13 de la Déclaration des droits de 1789, le principe de la liberté du commerce et de l'industrie et le principe d'égalité devant les charges publiques ; cette contribution étant disproportionnée par rapport aux revenus bancaires perçus et cette charge est ainsi anormale et manifestement excessive pour les agents d'assurance qui exercent une activité bancaire marginale.

Par des mémoires, enregistrés le 4 avril 2022 et le 19 mai 2022, l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), représentée par la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, conclut à la non transmission de la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. B et au rejet de la requête pour irrecevabilité.

Elle soutient que la décision attaquée, prise par l'ACPR le 9 juin 2020,

confirme purement et simplement une précédente décision de rejet de réclamation et que, par ailleurs, la question prioritaire de constitutionnalité ne revêt pas de caractère sérieux.

Vu :

-la délégation du président du tribunal accordé en application de l'article R. 771-7 du code de justice administrative,

-les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, notamment son article 61-1,

- la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789,

-le code monétaire et financier,

- le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. M. A B qui exerce une activité de mandataire exclusif en opérations de banque et agent lié d'Axa Banque et une activité d'agent général d'assurance, s'est vu réclamer, au titre de l'année 2019, le paiement de la contribution forfaitaire pour frais de contrôle prévue au profit de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution par le c du II de l'article L.612-20 du code monétaire et financier. M. B demande au tribunal d'annuler la décision de l'ACPR refusant de l'exonérer du paiement de cette contribution forfaitaire mise à sa charge au titre de l'année 2019 pour un montant de 150 euros. Il soulève également par mémoire distinct une question prioritaire de constitutionnalité.

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

2. Il résulte des dispositions combinées des premiers alinéas des articles 23-1 et 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, que le tribunal administratif, saisi d'un moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution présenté dans un écrit distinct et motivé, statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat et procède à cette transmission si est remplie la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question ne soit pas dépourvue de caractère sérieux.

3. En premier lieu, aux termes du II de l'article L.612-20 du code monétaire et financier : " C. - Compte tenu des modalités particulières de contrôle dont elles font l'objet, les personnes suivantes acquittent une contribution forfaitaire : () 2° Les courtiers et sociétés de courtage d'assurance en assurance et en réassurance mentionnés à l'article L. 511-1 du code des assurances ainsi que les intermédiaires en opération de banque et en services de paiement, les intermédiaires en financement participatif, les associations sans but lucratif et les fondations reconnues d'utilité publique mentionnées au 5° de l'article L. 511-6 du présent code et les personnes morales mentionnées à l'article L. 313-21-1 acquittent chacun une contribution forfaitaire comprise entre 100 € et 300 €, définie par arrêté du ministre chargé de l'économie. Les personnes exerçant simultanément une activité de courtage en assurance et en réassurance et une activité d'intermédiaire en opérations de banque et en services de paiement ou une autre activité soumise à contribution au profit de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution n'acquittent qu'une seule contribution. Lorsqu'ils exercent une activité d'intermédiaire en financement participatif, les établissements de crédit, les établissements de paiement, les établissements de monnaie électronique et les sociétés de financement ne sont pas soumis aux dispositions du présent C ;() ".

4. En premier lieu, il est loisible au législateur d'apporter à la liberté d'entreprendre, qui découle de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi.

5. En l'espèce, la contribution forfaitaire litigieuse poursuit un objectif d'intérêt général en ce qu'elle contribue au financement des missions de contrôle dévolues par le législateur à l'ACPR afin notamment de protéger les clients des entreprises travaillant dans le secteur de l'assurance ou dans le secteur bancaire. Elle est par ailleurs, proportionnée à l'objectif poursuivi dans la mesure où elle est limitée à la somme annuelle de 150 euros. Par suite, le grief tiré de ce que le 2 ° du C du II de l'article L.612-20 du code monétaire et financier porterait une atteinte disproportionnée à la liberté d'entreprendre et à la liberté du commerce et de l'industrie ne présente pas un caractère sérieux

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 13 de de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : " Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ". Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit. Le principe d'égalité devant les charges publiques ne fait pas obstacle à ce que des situations différentes fassent l'objet d'un traitement différent, sous réserve que le législateur se fonde sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se propose et qu'il ne fasse pas peser sur les contribuables une charge excessive au regard de leurs capacités contributives.

7. En l'espèce, si le requérant fait valoir que le législateur a exonéré de cette cotisation certaines professions, il n'apporte aucune précision à l'appui de ses allégations permettant d'en apprécier le bien-fondé.

8. Par ailleurs, s'il soutient que pour les " petits intermédiaires " la contribution forfaitaire en litige est excessive et anormale dès lors que leur activité bancaire est marginale, eu égard au but d'intérêt général poursuivi et au montant annuel mis à la charge des professionnels concernés limité à 150 euros, le moyen tiré de ce que les dispositions contestées porteraient atteinte au principe d'égalité devant la loi et au principe d'égalité devant les charges publiques ne saurait être regardé comme présentant un caractère sérieux.

9. Il résulte de ce qui précède que la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. B ne présente pas un caractère sérieux. Dès lors, il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité ainsi soulevée.

O R D O N N E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. A B.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A B et à l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution.

Fait à Paris, le 21 septembre 2022.

La présidente de la 2ème section,

J. EVGENAS

N°2010034/2-1