Tribunal administratif de Paris

Ordonnnace du 20 septembre 2022 n° 2218674

20/09/2022

Autre

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 6 septembre 2022, la société Erdal, représentée par Me Berdugo, demande au juge des référés :

1°) de suspendre, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de la décision du 22 août 2022 par laquelle le préfet de police a prononcé la fermeture pour une durée de 55 jours de l'établissement qu'elle exploite au 117 rue d'Avron à Paris 20ème sous l'enseigne Lokma ;

2°) d'enjoindre au préfet de police de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'urgence est constituée dès lors que la mesure en litige est de nature à préjudicier à son équilibre financier alors que celui-ci a été fragilisé par la période liée à la Covid 19 et qu'elle est susceptible de faire l'objet de la contribution prévue pour l'emploi de travailleurs étrangers sans autorisation de travail ;

- il existe plusieurs moyens de nature à créer un doute sérieux quant à légalité de la décision attaquée :

* elle est insuffisamment motivée et n'a pas été précédée d'un examen particulier de sa situation ;

* elle est entachée d'erreur de fait, d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation ;

* elle méconnaît le principe de sécurité juridique.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 septembre 2022 le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requérante n'est fondé.

Par un mémoire enregistré le 15 septembre 2022, la société Erdal demande au juge des référés, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de sa requête tendant à la suspension de la décision du 22 août 2022 de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article L. 8251-1 du code du travail.

Elle soutient que ces dispositions, applicables au litige, méconnaissent le principe de sécurité juridique, le principe de confiance légitime, le principe de l'accessibilité et intelligibilité de la loi.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, notamment son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- l'article L. 8251-1 du code du travail ;

- le code du travail ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 septembre 2022 à 14 heures, en présence de Mme Tardy-Panit, greffière :

- le rapport de Mme A ;

- les observations de Me Petit, représentant la société Erdal et celles de M. B, représentant le préfet de police.

La clôture de l'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

2. Il résulte de ces dispositions que la condition d'urgence à laquelle est subordonné le prononcé d'une mesure de suspension doit être regardée comme remplie lorsque la décision contestée préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés, saisi d'une demande tendant à la suspension d'une telle décision, d'apprécier concrètement, compte-tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de celle-ci sur la situation de ce dernier ou, le cas échéant, des personnes concernées, sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue.

3. Pour justifier l'urgence à suspendre la décision en litige, la société Erdal fait valoir que celle-ci risque de porter atteinte à son équilibre financier déjà fragilisé à la suite de la crise sanitaire liée à la covid 19 et qu'elle va devoir acquitter une contribution pour l'emploi de travailleurs sans autorisation de travail. Toutefois, d'une part, elle ne verse aucun élément circonstancié ni aucune donnée financière ou comptable au soutien de ses allégations suivant lesquelles la décision en litige est de nature à mettre en péril son équilibre financier. D'autre part, l'urgence qu'elle invoque liée à l'obligation de régler une contribution pour l'emploi de travailleurs dépourvus d'autorisation de travail n'est due qu'à ses propres agissements. Enfin, elle n'a saisi le juge des référés que le 6 septembre 2022 aux fins de suspension de la décision du 22 août portant fermeture de son établissement pour une durée de 55 jours. Dès lors, la condition d'urgence ne peut être regardée comme satisfaite en l'espèce et la requête de la société Erdal ne peut qu'être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

4. Il résulte de la combinaison des dispositions de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 avec celles du livre V du code de justice administrative qu'une question prioritaire de constitutionnalité peut être soulevée devant le juge administratif des référés statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 de ce code. Toutefois, le juge des référés peut, en toute hypothèse, y compris lorsqu'une question prioritaire de constitutionnalité est soulevée devant lui, rejeter de telles conclusions pour irrecevabilité ou pour défaut d'urgence. S'il rejette les conclusions aux fins de suspension pour l'un de ces motifs, il n'y a pas lieu, pour le juge des référés de statuer sur la demande de renvoi d'une question prioritaire de constitutionnalité. En l'espèce, ainsi qu'il est dit ci-dessus, la condition d'urgence n'étant pas satisfaite, il n'y a pas lieu, en tout état de cause, de statuer sur la demande de transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité.

O R D O N N E :

Article 1er : La requête de la société Erdal est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Erdal et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Fait à Paris, le 20 septembre 2022.

La juge des référés,

N. A

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

N°2218674