Cour d'Appel d'Aix-en-Provence

Arrêt du 20 septembre 2022 n° 22/01613

20/09/2022

Non renvoi

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

 

Chambre 1-1

 

ARRÊT SUR TRANSMISSION D'UNE QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITÉ

 

DU 20 SEPTEMBRE 2022

 

N° 2022/

 

Rôle N° RG 22/01613 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BIZRH

 

BANQUE POPULAIRE MEDITERRANEE VENANT AUX DROITS DE LA BANQUE POULAIRE COTE D'AZUR

 

C/

 

ADMINISTRATION DES DOUANES ET DROITS INDIRECTS

 

MONSIEUR LE DIRECTEUR REGIONAL GARDE-COTES DE MEDITERRANEE

 

MONSIEUR LE RECEVEUR REGIONAL DES DOUANES

 

Copie exécutoire délivrée

 

le :

 

à :

 

Me Sandra JUSTON

 

Me Jean DI FRANCESCO

 

Décision déférée à la Cour :

 

Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 18 Décembre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 13/14259.

 

DEMANDERESSE A LA QUESTION PRIORITAIRE CONSTITUTIONNALITÉ

 

BANQUE POPULAIRE MEDITERRANEE VENANT AUX DROITS DE LA BANQUE POULAIRE COTE D'AZUR, demeurant [Adresse 1]

 

non comparant

 

DÉFENDERESSES A LA QUESTION PRIORITAIRE CONSTITUTIONNALITÉ

 

ADMINISTRATION DES DOUANES ET DROITS INDIRECTS, demeurant [Adresse 3]

 

non comparant

 

MONSIEUR LE DIRECTEUR REGIONAL GARDE-COTES DE MEDITERRANEE, demeurant [Adresse 2]

 

non comparant

 

MONSIEUR LE RECEVEUR REGIONAL DES DOUANES, demeurant [Adresse 4]

 

non comparant

 

*-*-*-*-*

 

COMPOSITION DE LA COUR

 

L'affaire a été débattue le 21 Juin 2022 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Danielle DEMONT, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

 

La Cour était composée de :

 

Monsieur Olivier BRUE, Président

 

Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller

 

Mme Danielle DEMONT, Conseiller

 

qui en ont délibéré.

 

Greffier lors des débats : Mme Colette SONNERY.

 

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 Septembre 2022.

 

MINISTERE PUBLIC :

 

Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.

 

ARRÊT

 

contradictoire,

 

Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 Septembre 2022,

 

Signé par Monsieur Olivier BRUE, Président et Mme Colette SONNERY, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

***

 

QPC n° 4 enregistrée sous le n°22/1613

 

RG de la cour pour le fond : 19/5340

 

(RG tribunal n° 13/14259)

 

Exposé du litige

 

La banque populaire Côte d'Azur (la banque) a créé en 1990 une activité de financement de navires de plaisance confiée à un département nommé « Marine azur ». Elle propose à ses clients des solutions de financement (crédits-bails français et italiens).

 

La législation douanière prévoit que les personnes qui résident en France et qui utilisent un navire de plaisance battant pavillon étranger doivent être titulaires d'un droit de passeport, lequel correspond à une taxe à la charge du propriétaire ou de l'utilisateur français d'un navire de plaisance ou de sport battant pavillon étranger.

 

La direction régionale des douanes et des droits indirects des Alpes-Maritimes a notifié à la banque des procès-verbaux d'infractions aux dispositions des articles 237 et suivants du code des douanes, l'informant que les faits concernaient 148 navires, pour un montant total de droits de passeport éludés s'élevant à 5'617'248 €, au titre des années 2008, 2009 et 2010.

 

La banque a reçu la notification le 3 novembre 2012, d'un avis de mise en recouvrement pour avoir paiement de cette somme au titre du droit de passeport pour ces années.

 

L'avis de mise en recouvrement a été contesté par la banque selon une lettre du 7 novembre 2012.

 

Le 15 novembre 2012, le receveur régional des douanes a émis un nouvel avis de mise en recouvrement portant sur le même montant.

 

La banque a adressé à l'administration des douanes un chèque du montant sollicité et élevé par ailleurs une contestation de l'avis de mise en recouvrement par lettre du 29 mars 2013.

 

Par exploit du 26 novembre 2013 la banque a fait assigner l'administration des douanes, la directrice régionale des douanes des Alpes-Maritimes et le receveur régional des douanes aux fins d'obtenir l'annulation de l'avis de mise en recouvrement n° 898/12/1458 du 15 novembre 2012 et le dégrèvement de son montant.

 

Par mémoire distinct du 27 mars 2014, la banque a présenté quatre questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) dans le cadre de cette procédure qui ont donné lieu à quatre ordonnances de refus de transmission rendues par le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Marseille.

 

Par jugement en date du 30 août 2016, le tribunal de grande instance de Marseille a sursis à statuer sur la demande dans l'attente d'une décision du conseil d'État sur la légalité de la circulaire du 18 avril 2011.

 

La SA banque populaire Méditerranée est venue aux droits de la SA banque populaire Côte d'Azur.

 

Par arrêt du 14 juin 2017, le Conseil d'État a déclaré en partie illégale la circulaire du 18 avril 2011.

 

L'instance a été réenrôlée.

 

Par jugement en date du 18 décembre 2018 (RG n° 13/ 1459) le tribunal de grande instance de Marseille a :

 

' annulé l'avis de mise en recouvrement n° 898/12/1458 du 15 novembre 2012 émis par la direction générale des douanes et droits indirects à l'encontre de la banque populaire Côte d'Azur devenue Banque populaire Méditerranée ;

 

' condamné l'administration des douanes à restituer à la Banque populaire Méditerranée la somme de 5'617'248 € avec intérêts au taux légal à compter du 26 novembre 2013 ;

 

' dit n'y avoir lieu à condamnation aux dépens en application de l'article 367 du code des douanes ;

 

' et condamné l'administration des douanes et droits indirects à payer à la société Populaire Méditerranée la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

 

*

 

Le 29 mars 2019 le directeur régional des douanes et droits indirects des Alpes-Maritimes et le directeur régional garde-côte de Méditerranée ont relevé appel de cette décision.

 

***

 

Le 18 janvier 2022 la Banque populaire Méditerranée (BPM), venue aux droits de la Banque populaire Côte d'Azur, a réitéré devant la cour ses demandes de transmission de 4 questions prioritaires de constitutionnalité (QPC), au visa de l'article 23-2 de la loi organique n° 2009-15 23 du 10 décembre 2009 relative à l'application de l'article 61-1 de la Constitution.

 

***

 

La QPC n° 4enregistrée sous le n° 22/ 1613 est la suivante .

 

La banque demande à la cour au dispositif de ses écritures de « prendre acte de la question prioritaire de constitutionnalité portant sur les dispositions du code des douanes en son article 67 A du code des douanes pour violation des articles 6 et 13 de la déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789 en tant que ce texte porte atteinte au principe d'égalité devant les charges publiques en ne faisant bénéficier du droit d'être entendues que les personnes auxquelles est notifiée une dette douanière en vertu du code des douanes communautaires à l'exclusion des personnes auxquelles est notifiée tout autre dette douanière. »

 

*

 

L'article 67 A du code des douanes dans sa rédaction issue de la loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009 applicable au 1er janvier 2010 dispose que :

 

« Sous réserve des dispositions de l'article 67 B, toute décision prise en application du code des douanes communautaires et de ses dispositions d'application, lorsqu'elle est défavorable ou lorsqu'elle notifie une dette douanière telle que définie à l'article 4, paragraphe 9, du code des douanes communautaire, est précédée de l'envoi ou de la remise à la personne concernée d'un document par lequel l'administration des douanes fait connaître la décision envisagée, les motifs de celle-ci, la référence des documents et informations sur lesquels elle sera fondée ainsi que la possibilité dont dispose l'intéressé de faire connaître ses observations dans un délai de 30 jours à compter de la notification ou de la remise de ce document. »

 

*

 

La banque populaire méditerranée fait valoir dans sa QPC DU 18 janvier 2022 et dans ses dernières écritures du 16 juin 2022, reprises oralement à l'audience des plaidoiries, les moyens suivants :

 

L'article 67 A du code des douanes, dans sa rédaction applicable au litige instaure un droit pour la personne à laquelle est notifié une dette douanière d'être entendu. Il est d'application certaine en l'espèce que la requérante s'est vue notifier de prétendues dettes douanières sans bénéficier du droit d'être entendu prévu par ce texte.

 

Cet article est la seule règle procédurale applicable en matière de redressement douanier et de notifications d'une dette douanière.

 

Le caractère constitutionnel ou non de cette disposition en ce qu'elle exclut de son champ d'application les dettes douanières autres que celles procédant de la mise en 'uvre du code des douanes communautaires définies à l'article 4 § 9 du code des douanes communautaires -ce qui est le cas dans le présent litige-, détermine le caractère licite ou illicite de l'imposition à laquelle à laquelle a été soumise la BPM.

 

Le droit de la défense d'être entendu n'est pas reconnu aux personnes auxquelles est notifié une dette relevant du code des douanes national. Elles sont privées de la faculté de faire valoir leurs observations préalablement à la notification d'une infraction ou d'une dette fiscale, dont l'administration des douanes assure le recouvrement.

 

Il est donc possible de contester la constitutionnalité de l'article 67 A du code des douanes en ce qu'il exclut de son application les dettes douanières nationales, que cette exclusion soit volontaire ou involontaire.

 

La situation des personnes qui se voient notifier une infraction ou une créance fondée sur le droit national ne présente, au regard du droit d'être entendues, aucune différence avec la situation des personnes qui se voient notifier une infraction fondée sur le droit national, et une créance fondée sur le code des douanes communautaires.

 

La différence de traitement consistant à ne conférer qu'aux secondes le droit d'être entendu ne s'explique par aucune différence de situation de nature à justifier la discrimination opérée.

 

Il n'y a aucun critère objectif, ni rationnel en fonction des buts du législateur, lors de la rédaction de l'article 67 A du code des douanes, pour justifier l'exclusion des personnes qui se voient notifier une infraction fondée sur le droit national, du bénéfice du droit d'être entendu.

 

L'article 67 A serait donc, dans cette première hypothèse, applicable au litige en ce que le législateur aurait délibérément décidé d'exclure du bénéfice du droit qu'il instaure à être entendu les personnes qui se voient notifier une infraction fondée sur le droit national.

 

Dans la seconde hypothèse, l'article 67 A doit encore être abrogé : le législateur en omettant de régler la question de l'application du droit d'être entendu aux personnes qui se voient notifier une infraction fondée sur le droit national s'expose en effet au grief d'incompétence négative qui consiste pour celui-ci, à méconnaître sa compétence en ne l'exerçant pas pleinement.

 

La Cour de cassation a jugé que ce grief justifiait la transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité « dans le cas où est affecté un droit ou liberté que la Constitution garantit » (civ. 2e , 8 mars 2012 n° 10-26 950). Cette situation affecte un droit fondamental.

 

Dans chacune des deux hypothèses visées, l'article 67 A apparaît applicable au litige et la question a donc lieu d'être transmise.

 

L'article 67 A a été modifié le 1er janvier 2017 pour étendre le principe du contradictoire à l'ensemble des notifications des dettes douanières, qu'elles soient fondées sur le code des douanes communautaires ou non.

 

Ce faisant le législateur a entendu appliquer des garanties et des droits identiques sur le plan procédural et éviter toute différence de traitement entre les redevables d'une dette douanière.

 

Par ailleurs la question posée tend à contester la constitutionnalité de l'article 67 A du code des douanes dans sa rédaction issue de la loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009, relatif au droit d'être entendu pour les personnes faisant l'objet de la notification d'une dette douanière. Ces dispositions sont d'origine législative.

 

Elles n'ont à ce jour pas été soumises à l'examen du Conseil Constitutionnel.

 

Sur le caractère sérieux de la question, le Conseil ccnstitutionnel se fonde sur les articles 6 et 13 de la DDHC pour retenir à maintes reprises que le principe d'égalité devant les charges publiques était le corollaire du principe d'égalité devant la loi et qu'il impliquait qu'à des situations semblables soient faites application de solutions semblables.

 

Il ne peut être dérogé à l'égalité que pour des raisons d'intérêt général et pourvu que la différence de traitement opérée soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit.

 

Le Conseil Constitutionnel a ainsi considéré comme des cas de rupture d'égalité devant les charges publiques jugées inconstitutionnelles une discrimination concernant les modes de recouvrement ou les modes de procédures contentieuses ou encore concernant l'administration de la preuve - notamment s'agissant la preuve contraire à une décision de taxation d'office de l'administration-.

 

Une différence de traitement procédural entre deux catégories de contribuables n'est conforme aux droits et libertés garantis par la Constitution que si elle poursuit un but en rapport direct avec l'objet de la loi et qu'elle ne constitue pas une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques.

 

L'article 67A a été introduit dans le code des douanes le 30 décembre 2009, afin de mettre le droit français en conformité avec le droit communautaire, suite un arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne dans une affaire Soprope qui a retenu que :

 

« Le respect des droits de la défense constitue un principe général du droit communautaire qui trouve à s'appliquer dès lors que l'administration se propose de prendre à l'encontre d'une personne un acte qui lui fait grief.

 

En vertu de ce principe, les destinataires de décisions qui affectent de manière sensible leurs intérêts doivent être mis en mesure de faire connaître utilement leur point de vue quant aux éléments sur lesquels l'administration entend fonder sa décision. »

 

Au lieu d'introduire ce droit pour l'ensemble des dettes douanières, l'administration l'a limité aux dettes procédant de la mise en 'uvre du code des douanes communautaires.

 

Les dispositions de l'article 67 A sont contraires au principe d'égalité devant les charges publiques en ce qu'elles créent une inégalité de traitement procédural entre contribuables.

 

Il convient de rappeler que cet article 67 a été modifié compter du 1er janvier 2017 afin de remédier à la rupture d'égalité devant les charges publiques constituée.

 

*

 

L'administration des douanes a répondu par conclusions dont les autres parties ont déclaré avoir eu connaissance en temps utile, et reprises oralement à l'audience des plaidoieries, qu'en application de l'article 23-2 de la loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009 relative à l'application de l'article 61-1 de la Constitution, la question prioritaire de constitutionnalité n'est transmise que si la disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure ou constitue le fondement des poursuites.

 

Cette condition n'est remplie que lorsque, pour trancher le litige, la juridiction saisie doit nécessairement faire application de la disposition contestée.

 

Or l'article 67 A du code des douanes créé par l'article 25 de la loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009 n'est pas applicable au litige qui oppose la banque à l'administration des douanes, de sorte que la demanderesse sera déclarée irrecevable en sa question prioritaire de constitutionnalité.

 

Cet article ne s'appliquait pas aux décisions qui ne relevaient pas de l'application du droit communautaire, telles que celles qui ont trait au contrôle de la fiscalité nationale. Il ne s'applique pas aux décisions relevant du code des douanes ainsi qu'aux notifications des dettes relatives à des taxes nationales visées dans le code des douanes et aux décisions prises en matière de contributions indirectes, comme l'avait souligné le rapporteur M. [N] [H] le 14 décembre 2009.

 

Le litige en l'espèce qui oppose la la banque populaire Méditerranée à l'administration des douanes porte sur la contestation élevée par la banque sur l'avis de mise en recouvrement qui lui a été délivré relatif au droit annuel de passeport dû.

 

La procédure actuellement pendante devant la cour de ce siège a uniquement pour objet de se prononcer sur la régularité et le bien-fondé de l'avis de mise en recouvrement émis par l'administration des douanes relatif au droit de passeport en vertu des articles 237 et suivants du code des douanes, taxe nationale prévue par le code des douanes, de sorte qu'en aucun cas la cour de ce siège ne sera conduite à faire application de l'article 67 A du code des douanes pour trancher la question de la validité des avis de mise en recouvrement litigieux.

 

Si les décisions fondées sur le droit national n'étaient pas, à l'époque des faits, visées par le dispositif mis en place par les textes contestés, il n'en demeure pas moins qu'aucune atteinte aux droits de la défense n'a pu en résulter, dans la mesure où ces dispositions n'excluent pas le principe du contradictoire et le droit à être entendu à certaines procédures, mais impose seulement de manière obligatoire ce dispositif à certains contrôles.

 

Il convient dès lors pour les décisions fondées sur le droit national pour lesquelles aucun formalisme n'est prévu, de se référer aux directives données par la jurisprudence et notamment par l'arrêt Soprope de la CJUE, le juge national, vérifiant si l'opérateur disposait d'un délai suffisant pour présenter ses observations avant la notification de l'infraction.

 

Par ailleurs, le Conseil Constitutionnel rappelle dans une décision n°97-389 du 22 avril 1997 que le principe constitutionnel des droits de la défense s'impose à l'autorité administrative, sans qu'il soit besoin pour le législateur d'en rappeler l'existence.

 

L'article 67 A du code des douanes n'est pas applicable au litige, ou à la procédure dont la cour est saisie.

 

Cette circonstance fait obstacle à toute transmission à la Cour de cassation de la question posée, sans qu'il soit besoin de vérifier si les autres critères sont remplis.

 

*

 

Le ministère public, par conclusions du 24 mai 2022, dont les autres parties ont déclaré avoir eu connaissance en temps utile, et reprises oralement à l'audience des plaidoieries, soutient que la disposition critiquée ne peut pas constituer le fondement légal des procès-verbaux ayant conduit à l'émission de l'avis de mise en recouvrement litigieux, en ce qu'il ne s'agit pas d'une dette douanière au sens de l'article 4 alinéa 9 du code des douanes communautaires aux termes duquel constitue une dette douanière communautaire « l'obligation pour une personne de payer les droits à l'importation (dédouanés à l'importation) ou les droits à l'exportation (dette douanière à l'exportation) qui s'applique à des marchandises déterminées selon les dispositions communautaires en vigueur » .

 

Le droit de passeport ne répond pas à la définition de la dette douanière telle que définie par le code des douanes communautaires ; il s'agit d'une taxe fiscale intérieure et non communautaire qui n'est pas soumise audit code.

 

En conséquence, la première condition fixée par l'article 23-2 de la loi organique du décembre 2009 n'est pas remplie et la demande de transmission de la question prioritaire de constitutionnalité doit être rejetée.

 

SUR CE, LA COUR

 

Sur la recevabilité du moyen tiré de l'atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution

 

En application de l'article 23-1 de la loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009 relative à l'application de l'article 61-1 de la Constitution, devant les juridictions relevant du Conseil d'État ou de la Cour de cassation, le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d'irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé .

 

Dans la présente procédure, le moyen tiré de l'existence d'une atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution a été présenté par la banque dans un écrit motivé, distinct des conclusions au fond .

 

Il est donc recevable en la forme.

 

Sur la transmission de la QPC n°4

 

L'article 23-2 de la loi organique précitée dispose que la juridiction transmet sans délai la question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation si les conditions suivantes sont remplies :

 

1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ;

 

2° Elle n'a pas été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil Constitutionnel, sauf changement de circonstances ;

 

3° La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux.

 

L'article 67A du code des douanes instaure un droit d'être entendu avant toute décision prise en application du code des douanes communautaires lorsqu'elle est défavorable ou lorsqu'elle notifie une dette douanière telle que définie à l'article 4 §2 du code des douanes communautaires.

 

Il est constant que le droit de passeport prévu par l'article 238 du code des douanes ne constitue pas une dette douanière, ni même une taxe équivalente à une telle dette, mais seulement une taxe dont le recouvrement est confié au service des douanes.

 

La banque ne plaide donc pas utilement que cet article 67 du code des douanes serait applicable à la présente procédure, et elle ne peut soutenir, par l'intermédiaire de la théorie de l'incompétence négative, que ce texte devrait s'appliquer à l'instance en cours et donc que sa constitutionnalité se rattacherait au litige.

 

Il convient, conséquence, de constater que la première condition prévue par l'article L 23-2 de la loi organique du 10 décembre 2009 n'est pas remplie.

 

L'article 67A du code des douanes n'est pas applicable au litige, ou à la procédure dont la cour est saisie.

 

Les moyens de la banque tirés de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne en matière d'application par les autorités nationales du code des douanes communautaires sont inopérants à cet égard.

 

Il n'y a pas lieu, en conséquence, d'examiner la constitutionnalité ou non de cet article, l'inapplicabilité au litige du texte querellé faisant obstacle à toute transmission à la Cour de cassation de la question posée, sans qu'il y ait lieu d'examiner si les autres critères sont remplis.

 

PAR CES MOTIFS

 

La cour, statuant par arrêt contradictoire et dans les conditions de l'article 23-2 alinéa 3 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel,

 

Rejette la demande de transmission à la Cour de cassation de la question prioritaire de constitutionnalité n°4 soulevée par la la banque populaire Méditerranée enregistrée sous le numéro RG 22/1613.

 

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT