Tribunal administratif d'Orléans

Ordonnance du 19 septembre 2022 n° 2202292

19/09/2022

Renvoi

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par un mémoire enregistré le 31 août 2022 la communauté d'agglomération Bourges Plus demande au tribunal, en application des articles 23-1 et 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de sa requête tendant à l'annulation de la décision lui notifiant la fraction de taxe sur la valeur ajoutée nationale lui revenant au titre de l'année 2022, de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des 1 et 5 du B du V de l'article 16 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

La communauté d'agglomération Bourges Plus soutient que :

- les dispositions en cause, qui sont applicables au litige, n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution ;

- la question relative à la conformité de ces dispositions aux droits et libertés garantis par la Constitution n'est pas dépourvue de caractère sérieux : en application de ces dispositions, la fraction du produit net de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) revenant à chaque établissement public de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre est déterminée par l'application d'un ratio comprenant notamment, au numérateur, le produit des bases d'imposition 2020 de la taxe d'habitation par le taux appliqué sur le territoire intercommunal en 2017. Lorsque, comme c'est le cas dans l'affaire en litige, une commune appartenant auparavant à un EPCI appliquant un taux de taxe d'habitation inférieur a intégré un nouvel EPCI en 2018 ou 2019, c'est le taux de l'EPCI auquel appartenait cette commune en 2017 qui est appliqué à ses bases 2020 pour le calcul de la fraction de TVA revenant à son nouvel EPCI, alors même qu'en 2020 le taux appliqué sur le territoire de cette commune était celui, supérieur, voté par le nouvel EPCI. Il en résulte une différence de traitement injustifiée entre les EPCI se trouvant dans cette situation, dont la perte de recettes fiscales par rapport à l'année 2020 n'est pas entièrement compensée, et les EPCI n'ayant pas modifié leur périmètre en 2018 et 2019, dont la perte de recettes fiscales est entièrement compensée. Les dispositions des 1 et 5 du B du V de l'article 16 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 méconnaissent ainsi les principes d'égalité devant la loi et d'égalité devant les charges publiques découlant des articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789.

Par un mémoire enregistré le 16 septembre 2022, le préfet du Cher demande au tribunal de ne pas transmettre la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la communauté d'agglomération Bourges Plus.

Le préfet fait valoir que :

- la question soulevée n'est pas nouvelle ;

- le Conseil constitutionnel s'est prononcé sur la constitutionnalité de l'ensemble du dispositif de la réforme par sa décision n° 2019-796 DC du 27 décembre 2019 ;

- la question soulevée est dépourvue de caractère sérieux.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, notamment son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 ;

- le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. Il résulte des dispositions combinées des premiers alinéas des articles 23-1 et 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que le tribunal administratif, saisi d'un moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution présenté dans un écrit distinct et motivé, statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat et procède à cette transmission si est remplie la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances et que la question ne soit pas dépourvue de caractère sérieux. Aux termes de l'article R. 771-7 du code de justice administrative : " () les présidents de formation de jugement des tribunaux () peuvent, par ordonnance, statuer sur la transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité ".

2. Les dispositions des 1 et 5 du B du V de l'article 16 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 sont applicables au litige. Ces dispositions n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel. Le moyen tiré de ce que ces dispositions méconnaissent les principes d'égalité devant la loi et d'égalité devant les charges publiques découlant des articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 n'est pas dépourvu de caractère sérieux. Il y a lieu dès lors de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la communauté d'agglomération Bourges Plus.

O R D O N N E :

Article 1er : La question de la conformité à la Constitution des dispositions des 1 et 5 du B du V de l'article 16 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 est transmise au Conseil d'Etat.

Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête de la communauté d'agglomération Bourges Plus jusqu'à la réception de la décision du Conseil d'Etat ou, s'il a été saisi, jusqu'à ce que le Conseil constitutionnel ait tranché la question de constitutionnalité ainsi soulevée.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la communauté d'agglomération Bourges Plus et au préfet du Cher.

Fait à Orléans, le 19 septembre 2022.

Le président,

Frédéric DORLENCOURT

La République mande et ordonne au préfet du Cher en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.