Tribunal administratif de Lyon

Jugement du 13 septembre 2022 n° 2200928

13/09/2022

Non renvoi

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par des mémoires, enregistrés les 7 février et 25 mars 2022, M. A B demande au tribunal, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de sa requête tendant à l'annulation de la délibération du 13 décembre 2021 par laquelle le conseil de la métropole de Lyon a désigné ses représentants au sein du conseil d'administration de l'autorité organisatrice des mobilités des territoires lyonnais, de transmettre au Conseil d'État la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article L. 1243-11 du code des transports.

Il soutient que l'article L. 1243-11 du code des transports, de par l'absence de garanties d'une désignation pluraliste des représentants de la métropole de Lyon, méconnaît les exigences du troisième alinéa de l'article 4 de la Constitution, celles de l'article 14 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen et celles de l'article 7 de la Charte de l'environnement.

Par des mémoires, enregistrés les 8 mars et 5 avril 2022, ce dernier n'ayant pas été communiqué, la métropole de Lyon, représentée par Me Le Chatelier, conclut au non-lieu à transmettre la question de M. B au Conseil d'Etat et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à sa charge au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la condition tenant au caractère sérieux de la question n'est pas remplie ;

- l'article 14 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen n'institue pas un droit ou une liberté invocable à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité ;

- les décisions et règles relatives à la désignation des représentants de la métropole de Lyon au sein du conseil d'administration de l'autorité organisatrice des mobilités des territoires lyonnais ne constituent pas des décisions ayant une incidence sur l'environnement et n'entrent ainsi pas dans le champ d'application de l'article 7 de la Charte de l'environnement ;

- aucun texte ne prévoit une représentation pluraliste des représentants d'une collectivité dans un organisme extérieur, tel que l'autorité organisatrice en cause ; une telle désignation n'est relative ni à la vie politique ni à la vie démocratique.

Par ordonnance du 28 mars 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 8 avril 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- le code des transports, notamment ses articles L. 1243-11 et suivants ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Gilbertas, premier conseiller,

- les conclusions de M. Borges-Pinto, rapporteur public,

- les observations de M. B et celles de Me Halpern, suppléant Me Le Chatelier, pour la métropole de Lyon.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 1243-11 du code des transports : " I.- Le conseil d'administration de l'autorité organisatrice des mobilités des territoires lyonnais comprend, outre son président : 1° Des représentants de la métropole de Lyon, qui détient la majorité des sièges ; 2° Des représentants de la région Auvergne-Rhône-Alpes ; 3° Des représentants de chaque établissement de coopération intercommunale à fiscalité propre membre de l'autorité. / Les conditions de fixation du nombre de sièges et de voix attribués à chaque membre sont précisées par décret en Conseil d'Etat ".

2. Aux termes de l'article 61-1 de la Constitution du 4 octobre 1958 : " Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. / Une loi organique détermine les conditions d'application du présent article ". Aux termes de l'article 23-1 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Devant les juridictions relevant du Conseil d'Etat (), le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d'irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé. () / () ". Aux termes de l'article 23-2 de cette loi organique : " La juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat (). Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies : / 1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ; / 2° Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ; / 3° La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux. / En tout état de cause, la juridiction doit, lorsqu'elle est saisie de moyens contestant la conformité d'une disposition législative, d'une part, aux droits et libertés garantis par la Constitution et, d'autre part, aux engagements internationaux de la France, se prononcer par priorité sur la transmission de la question de constitutionnalité au Conseil d'Etat (). / La décision de transmettre la question est adressée au Conseil d'Etat () dans les huit jours de son prononcé avec les mémoires ou les conclusions des parties. Elle n'est susceptible d'aucun recours. Le refus de transmettre la question ne peut être contesté qu'à l'occasion d'un recours contre la décision réglant tout ou partie du litige ".

3. Il résulte de ces dispositions que le tribunal, saisi d'un moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution présenté dans un écrit distinct et motivé, statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'État et procède à cette transmission si est remplie la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question ne soit pas dépourvue de caractère sérieux.

4. M. B soulève, à l'appui de sa requête tendant à l'annulation de la délibération du 13 décembre 2021 par laquelle le conseil de la métropole de Lyon a désigné ses représentants au sein du conseil d'administration de l'autorité organisatrice des mobilités des territoires lyonnais, la question de la conformité de l'article L. 1243-11 du code des transports aux droits et libertés garanties par la Constitution.

5. D'une part, aux termes de l'article 14 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 : " Tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi, et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée ".

6. M. B soutient que l'absence de garanties d'une désignation pluraliste des représentants de la métropole de Lyon au sein de l'autorité organisatrice des mobilités des territoires lyonnais, notamment par un caractère proportionnel de cette désignation aux courants politiques composant son conseil métropolitain, méconnaît les exigences des dispositions précitées. Toutefois, les dispositions de l'article 14 de la Déclaration de 1789 sont mises en œuvre par l'article 34 de la Constitution et n'instituent pas un droit ou une liberté qui puisse être invoqué, à l'occasion d'une instance devant une juridiction, à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution. Il s'ensuit que le moyen afférent est dépourvu de caractère sérieux.

7. D'autre part, aux termes de l'article 7 de la Charte de l'environnement : " Toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d'accéder aux informations relatives à l'environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement ".

8. Les dispositions précitées de l'article L. 1243-11 du code des transports ont pour seul objet de déterminer la composition du conseil d'administration de l'autorité organisatrice des mobilités des territoires lyonnais et ne peuvent ainsi être regardées comme constituant une décision publique ayant une incidence sur l'environnement, de telles décisions prises par l'autorité au cause, à les supposer existantes, faisant par ailleurs l'objet d'autres dispositions législatives assurant le respect des dispositions invoquées. Il suit de là que le requérant ne peut utilement invoquer à leur encontre le droit de participation à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement.

9. Enfin, aux termes du troisième alinéa de l'article 4 de la Constitution : " La loi garantit les expressions pluralistes des opinions et la participation équitable des partis et des groupements politiques à la vie démocratique de la Nation ".

10. M. B soutient que l'absence de garanties de désignation, au sein du conseil d'administration de l'autorité organisatrice des mobilités des territoires lyonnais, des conseillers métropolitains selon des modalités proportionnelles aux différentes sensibilités politiques de ce conseil méconnaît le principe de pluralisme des courants d'idées et d'opinions. Toutefois, les modalités de désignation de ces représentants au sein du conseil d'administration de l'autorité organisatrice des mobilités des territoires lyonnais, qui est un établissement public local à caractère administratif, ne se rattachent pas à l'expression du suffrage et ne sont relatives ni à la vie politique, ni à la vie démocratique de la Nation. La question présentée par le requérant doit ainsi être regardée comme dépourvue de caractère sérieux.

11. Il résulte de ce qui précède qu'il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'État la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article L. 1243-11 du code des transports.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité posée par M. B.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. A B, à la métropole de Lyon, à la Première ministre, au ministre de l'intérieur et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Délibéré après l'audience du 1er septembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Drouet, président,

Mme Maubon, première conseillère,

M. Gilbertas, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 septembre 2022.

Le rapporteur,

M. Gilbertas

Le président,

H. Drouet

La greffière,

C. Amouny

La République mande et ordonne à la Première ministre, au ministre de l'intérieur et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Une greffière.

Code publication

C