Tribunal administratif de Rennes

Ordonnance du 29 août 2022 n° 2104943

29/08/2022

Irrecevabilité

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 1er octobre 2021, Mme B A, demande au tribunal :

1°) d'annuler l'arrêté du 16 août 2021 par laquelle le président du centre communal d'action sociale de Treffléan (CCAST) l'a suspendue de ses fonctions à compter du 16 août 2021 jusqu'à production d'un justificatif de vaccination ou de contre-indication à la vaccination ;

2°) d'enjoindre au CCAST de rétablir le versement de son traitement.

Elle soutient que :

- la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 méconnaît l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;

- la décision est entachée d'un vice de procédure en ce qu'elle aurait dû être convoquée à un entretien afin d'examiner les possibilités de l'affecter à un poste non soumis à obligation vaccinale ;

- les garanties procédurales attachées au prononcé d'une sanction disciplinaire ont été méconnues ;

- la procédure contradictoire a été méconnue ;

- la décision contestée méconnaît l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La procédure a été communiquée au CCAST qui n'a pas produit d'observations en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, et notamment son Préambule ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- la loi n° 2021-689 du 31 mai 2021 ;

- la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 ;

- le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les () présidents de formation de jugement des tribunaux () peuvent, par ordonnance : () / 5° Statuer sur les requêtes qui ne présentent plus à juger de questions autres que la condamnation prévue à l'article L. 761-1 ou la charge des dépens ; () / 7° Rejeter, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé () ".

2. Aux termes du I de l'article 12 de la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire : " Doivent être vaccinés, sauf contre-indication médicale reconnue, contre la covid-19 : / () k) Les établissements et services sociaux et médico-sociaux mentionnés aux 2°, 3°, 5°, 6°, 7°, 9° et 12° du I de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles () ". Aux termes de l'article 14 de cette loi : " I. - () / B. - A compter du 15 septembre 2021, les personnes mentionnées au I de l'article 12 ne peuvent plus exercer leur activité si elles n'ont pas présenté les documents mentionnés au I de l'article 13 ou, à défaut, le justificatif de l'administration des doses de vaccins requises par le décret mentionné au II de l'article 12.

Par dérogation au premier alinéa du présent B, à compter du 15 septembre 2021 et jusqu'au 15 octobre 2021 inclus, sont autorisées à exercer leur activité les personnes mentionnées au I de l'article 12 qui, dans le cadre d'un schéma vaccinal comprenant plusieurs doses, justifient de l'administration d'au moins une des doses requises par le décret mentionné au II du même article 12, sous réserve de présenter le résultat, pour sa durée de validité, de l'examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19 prévu par le même décret. / () III. - Lorsque l'employeur constate qu'un agent public ne peut plus exercer son activité en application du I, il l'informe sans délai des conséquences qu'emporte cette interdiction d'exercer sur son emploi ainsi que des moyens de régulariser sa situation. L'agent public qui fait l'objet d'une interdiction d'exercer peut utiliser, avec l'accord de son employeur, des jours de congés payés. A défaut, il est suspendu de ses fonctions ou de son contrat de travail () ".

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

3. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-1 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Devant les juridictions relevant du Conseil d'Etat (), le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d'irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé () ". Mme A n'a pas présenté dans un mémoire distinct le moyen tiré de ce que la loi n° 2021-1040 porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution et notamment l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Ce moyen n'est, par suite, pas recevable et ne peut qu'être écarté.

Sur la légalité de la décision contestée :

4. En premier lieu, Mme A soutient que la décision contestée est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'elle n'a pas convoquée à un entretien afin d'examiner les possibilités de l'affecter à un poste non soumis à obligation vaccinale. Cette obligation résulte du 2. du C. du II de l'article 1er de la loi du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire dans sa rédaction issue de la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire, selon lequel : " Lorsqu'un agent public soumis à l'obligation prévue aux 1° et 2° du A du présent II ne présente pas les justificatifs, certificats ou résultats dont ces dispositions lui imposent la présentation et s'il ne choisit pas d'utiliser, avec l'accord de son employeur, des jours de congés, ce dernier lui notifie, par tout moyen, le jour même, la suspension de ses fonctions ou de son contrat de travail. Cette suspension, qui s'accompagne de l'interruption du versement de la rémunération, prend fin dès que l'agent produit les justificatifs requis. / Lorsque la situation mentionnée au premier alinéa du présent 2 se prolonge au-delà d'une durée équivalente à trois jours travaillés, l'employeur convoque l'agent à un entretien afin d'examiner avec lui les moyens de régulariser sa situation, notamment les possibilités d'affectation, le cas échéant temporaire, sur un autre poste non soumis à cette obligation () ".

5. Cependant la décision contestée, n'a pas été prise sur le fondement de l'article 1er de la loi du 31 mai 2021, qui concerne le passe sanitaire, mais sur le fondement des articles 12 à 14 de la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire, qui instaurent, pour certains agents publics, une obligation vaccinale contre la covid-19 et prévoient que le directeur d'un établissement de santé public peut légalement prendre une mesure de suspension à l'égard d'un agent qui ne satisfait pas à cette obligation vaccinale. Par ailleurs, ces articles n'instaurent pas une obligation d'entretien préalablement à la mesure de suspension. Le moyen tiré du vice de procédure de la décision contestée doit, dès lors, être écarté comme manifestement infondé.

6. En deuxième lieu, lorsqu'en application des dispositions précitées de la loi du 5 août 2021, l'autorité administrative suspend le contrat de travail d'un agent public qui ne satisfait pas à son obligation vaccinale contre la covid-19 et interrompt, en conséquence, le versement de son traitement, elle ne prononce pas une sanction mais se borne à constater que l'agent ne remplit plus les conditions légales pour exercer son activité. Dès lors, les moyens tirés de la méconnaissance de la procédure disciplinaire soulevés par la requérante sont inopérants.

7. En troisième lieu, Mme A ne peut utilement invoquer une méconnaissance par la décision attaquée du droit à un procès équitable, garanti par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dont les stipulations ne sont pas applicables aux procédures administratives.

8. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de rejeter la requête de Mme A en application des dispositions précitées de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, y compris les conclusions d'injonction.

O R D O N N E :

Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme B A et au centre communal d'action sociale de Treffléan.

Fait à Rennes le 29 août 2022.

Le président de la 4ème chambre,

signé

N. Tronel

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°2104943