Cour administrative d'appel de Bordeaux

Ordonnance du 11 août 2022 n° 21BX0458

11/08/2022

Non renvoi

Vu la procédure suivante :

M. B D et Mme A C, son épouse, représentés par Me Pornon-Weidknnet, ont saisi la cour d'un appel dirigé contre le jugement statuant sur leur requête n°2101859 du tribunal administratif de Bordeaux du 21 septembre 2021 en tant qu'il a rejeté leur demande tendant, d'une part, à annuler l'arrêté du 18 mars 2021 par lequel la préfète de la Gironde a refusé à M. D la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par mémoire distinct, enregistré au greffe le 15 juillet 2022 à 11h41, déposé au titre des articles 23-1 de l'ordonnance n°58-1067 modifiée du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel et R. 771-3 du code de justice administrative, M. D et Mme C, demandent à la cour qu'une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité de " la jurisprudence relative à l'article 6-5 de l'accord franco-algérien et à l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile " soit transmise.

Ils soutiennent que cette jurisprudence doit être déclarée " inconstitutionnelle pour violation du principe d'égalité, de vie privée et familiale normale et de droit au mariage, en ce qu'elle exige des couples mixtes constitués d'un(e) Français(e) et d'un étranger, mariés en France et vivant maritalement depuis six mois en France mais dont l'époux étranger n'était pas entré régulièrement en France avant de connaître son épouse, une vie commune d'au moins quatre années ou un projet d'enfant ".

Vu le jugement attaqué dans l'instance 21BX04587 susvisée ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son préambule et son article 61-1 ;

- la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment ses articles 23-1 à 23-3 ;

- la loi n°2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures ;

- le décret n° 2010-148 du 16 février 2010 portant application de la loi organique du 10 décembre 2009 relative à l'application de l'article 61-1 de la Constitution ;

- le code de justice administrative, notamment ses articles R. 771-3 et suivants.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article 61-1 de la Constitution : " Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. Une loi organique détermine les conditions d'application du présent article ".

2. Les dispositions combinées des premiers alinéas des articles 23-1 et 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel prévoient que la cour administrative d'appel, saisie d'un moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution présenté dans un écrit distinct et motivé, statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de cette question et procède à cette transmission, si est remplie la triple condition que la disposition soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement de circonstances, et que la question ne soit pas dépourvue de caractère sérieux. Aux termes du second alinéa de l'article 23-2 de la même ordonnance : " En tout état de cause, la juridiction doit, lorsqu'elle est saisie de moyens contestant la conformité d'une disposition législative, d'une part, aux droits et libertés garantis par la Constitution et, d'autre part, aux engagements internationaux de la France, se prononcer par priorité sur la transmission de la question de constitutionnalité au Conseil d'Etat [] " ;

3. Aux termes de l'article R. 771-7 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d'appel, le vice-président du tribunal administratif de Paris, les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours ou les magistrats désignés à cet effet par le chef de juridiction peuvent, par ordonnance, statuer sur la transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité ".

4. Les requérants invoquent l'inconstitutionnalité d'une jurisprudence qu'ils allèguent relative à l'article 6-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié et à l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour violation du principe d'égalité, du droit au respect de la vie privée et familiale et du droit au mariage. Ils n'invoquent ainsi aucune disposition législative qui porterait atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, alors qu'ils n'établissent par ailleurs aucunement l'existence même d'une telle jurisprudence en se bornant à citer des décisions rendues dans le cadre d'examens de situations individuelles.

5. A supposer que les requérants aient toutefois entendu contester les dispositions du 7° de l'article L. 313-11, désormais reprises à l'article L. 423-23, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans la portée que lui donne cette prétendue jurisprudence au regard de droits et libertés garantis par la Constitution, ces dispositions, alors que M. D est de nationalité algérienne et que les conditions de délivrance d'un certificat de résidence algérien à l'intéressé sont entièrement régies par les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, ne lui sont pas applicables dans le présent litige qui l'oppose à l'autorité préfectorale.

6. A supposer enfin que les requérants aient entendu contester les stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien dans la portée que lui donne la prétendue jurisprudence qu'ils allèguent, il résulte des dispositions constitutionnelles et législatives rappelées aux points 2 et 3 ci-dessus qu'une telle demande ne peut faire l'objet d'une question prioritaire de constitutionnalité.

7. Il résulte de ce qui précède que la question soulevée par M. D et Mme C ne peut être regardée comme répondant à la condition de n'être pas dépourvue de caractère sérieux et, dès lors, n'est pas au nombre de celles qui doivent être transmises au Conseil d'Etat en application de l'article L. 61-1 de la Constitution.

ORDONNE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'État la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. D et Mme C.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. D, à Mme C et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète de la Gironde.

Fait à Bordeaux, le 11 août 2022.

Le président de la 3ème chambre,

Didier ARTUS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

Code publication

C