Tribunal administratif de Versailles

Jugement du 26 juillet 2022 n° 2006976

26/07/2022

Irrecevabilité

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 23 octobre 2020 et le 11 juin 2022, M. D A représenté par Me Vacher, demande au tribunal :

1°) de faire droit à sa demande tendant à la modification du montant des pensions déclarées au titre des années 2017 et 2018 et de prononcer, par conséquent, la réduction des cotisations d'impôt sur le revenu mises à sa charge à hauteur d'un montant de, respectivement et pour chacune de ces deux années, 2 826 et 579 euros ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les pensions alimentaires qu'il a versées à son ex-épouse et à ses deux enfants majeurs en 2017 et 2018 sont déductibles de son revenu global en application du 2° du II de l'article 156 du code général des impôts ; la déduction ainsi prévue ne peut pas être plafonnée à un montant inférieur à celui qui a été fixé par les juge aux affaires familiales ; en effet, les dispositions du 2° du II de l'article 156 du code général des impôts ne prévoient pas de plafonnement pour la déduction des pensions alimentaires versées entre les mains de l'ex-conjoint pour l'entretien des enfants majeurs ; par conséquent, le service ne peut refuser de tenir compte des nouvelles modalités de versement de ces pensions, qui résultent de l'arrêt de la Cour d'appel de Versailles du 12 octobre 2017, sans méconnaître ces dispositions et les prévisions de la doctrine exprimée sous la référence BOI-IR-BASE-20-30-40-20140502 ; le montant des pensions à déduire doit être porté à 78 392 euros au titre de l'année 2017, et 73 153 euros au titre de l'année 2018 ;

- les sommes dont l'administration refuse la déduction ont été déclarées par son ex-épouse, et sont ainsi soumises à une double imposition, en violation du principe d'égalité devant l'impôt ;

- l'interprétation des dispositions de l'article 156 retenue par le service est contraire, en outre, au principe constitutionnel de séparation des pouvoirs, les droits et libertés garantis par la constitution, au principe d'égalité devant la loi prévu à l'article 6 de la déclaration des droits de l'Homme et du citoyen et aux dispositions de l'article 16 de cette déclaration selon lesquels " toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ".

Par un mémoire en défense enregistré le 5 décembre 2020, le directeur départemental des finances publiques des Yvelines conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 9 juin 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 23 juin 2022 à 10h00.

Un mémoire présenté par M. A a été enregistré le 22 juin 2022, n'a pas été communiqué.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. E,

- les conclusions de Mathilde Cerf, rapporteure publique,

- et les observations de Me Vacher, représentant M. A.

Considérant ce qui suit :

1.M. D A a sollicité, par une réclamation contentieuse du 18 mai 2020, la modification du montant et de la répartition des pensions qu'il déclare avoir versées au titre des années 2017 et 2018, à hauteur, en droits, de 2 826 euros en 2017 et 579 euros en 2018. Par une décision du 28 août 2020, contre laquelle est dirigée la requête de M. A, le service a rejeté ses prétentions.

Sur le bien-fondé des impositions

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale

2.Aux termes de l'article 156 du code général des impôts : " L'impôt sur le revenu est établi d'après le montant total du revenu net annuel dont dispose chaque foyer fiscal. Ce revenu net est déterminé eu égard aux propriétés et aux capitaux que possèdent les membres du foyer fiscal désignés aux 1 et 3 de l'article 6, aux professions qu'ils exercent, aux traitements, salaires, pensions et rentes viagères dont ils jouissent ainsi qu'aux bénéfices de toutes opérations lucratives auxquelles ils se livrent, sous déduction : / () II. Des charges ci-après lorsqu'elles n'entrent pas en compte pour l'évaluation des revenus des différentes catégories : / () 2° Arrérages de rentes payés par lui à titre obligatoire et gratuit constituées avant le 2 novembre 1959 ; pensions alimentaires répondant aux conditions fixées par les articles 205 à 211, 367 et 767 du code civil à l'exception de celles versées aux ascendants quand il est fait application des dispositions prévues aux 1 et 2 de l'article 199 sexdecies ; versements de sommes d'argent mentionnés à l'article 275 du code civil lorsqu'ils sont effectués sur une période supérieure à douze mois à compter de la date à laquelle le jugement de divorce, que celui-ci résulte ou non d'une demande conjointe, est passé en force de chose jugée et les rentes versées en application des articles 276, 278 ou 279-1 du même code en cas de séparation de corps ou de divorce, ou en cas d'instance en séparation de corps ou en divorce et lorsque le conjoint fait l'objet d'une imposition séparée, les pensions alimentaires versées en vertu d'une décision de justice et en cas de révision amiable de ces pensions, le montant effectivement versé dans les conditions fixées par les articles 208 et 371-2 du code civil ; contribution aux charges du mariage définie à l'article 214 du code civil, lorsque son versement résulte d'une décision de justice et à condition que les époux fassent l'objet d'une imposition séparée ; dans la limite de 2 700 € et, dans les conditions fixées par un décret en Conseil d'Etat, les versements destinés à constituer le capital de la rente prévue à l'article 373-2-3 du code civil. / Le contribuable ne peut opérer aucune déduction pour ses descendants mineurs lorsqu'ils sont pris en compte pour la détermination de son quotient familial. / La déduction est limitée, par enfant majeur, au montant fixé pour l'abattement prévu par l'article 196 B. Lorsque l'enfant est marié, cette limite est doublée au profit du parent qui justifie qu'il participe seul à l'entretien du ménage () ". Aux termes de l'article 196 B du même code dans sa version applicable jusqu'au 31 décembre 2017 : " Si la personne rattachée est mariée ou a des enfants à charge, l'avantage fiscal accordé au contribuable prend la forme d'un abattement de 5 738 € sur son revenu global net par personne ainsi prise en charge. Lorsque les enfants de la personne rattachée sont réputés être à la charge égale de l'un et l'autre de leurs parents, l'abattement auquel ils ouvrent droit pour le contribuable, est égal à la moitié de cette somme. ". L'abattement est porté à 5 795 euros au titre de l'année 2018.

3.Il résulte de l'instruction que M. A a engagé à la fin de l'année 2015 une procédure de divorce, qui a donné lieu, le 24 juin 2016, au prononcé d'une ordonnance de non-conciliation fixant, jusqu'à l'intervention d'un jugement à venir, les conditions de la séparation d'avec son ex-épouse, Mme C. Cette ordonnance a mis à sa charge le versement d'une pension alimentaire à hauteur de 2 500 euros par mois au titre du devoir de secours, ainsi que le versement d'une contribution mensuelle de 700 euros pour l'entretien et l'éducation de leur dernier enfant, alors mineur, ainsi que deux pensions d'un montant de 400 euros à verser, également à Mme C, pour l'entretien et l'éducation de deux de leurs enfants, alors majeurs, et résidant au domicile de celle-ci. Saisi d'un appel interjeté le 25 juillet 2016 par M. A contre l'ordonnance du 24 juin 2016, la cour d'appel de Versailles a, par un arrêt du 12 octobre 2017, modifié le montant et les modalités de versement des pensions dues par M. A pour l'entretien et l'éducation de leurs deux enfants majeurs, en fixant à 1 000 euros mensuels la somme due par M. A pour l'entretien de leur fille F, somme qui doit être versée à Mme C, et en fixant à 1 400 euros mensuels la pension due pour l'entretien et l'éducation de leur fils B, versée directement à celui-ci. Par le même arrêt, la cour a également prévu que lesdites pension font l'objet d'une réévaluation au 1er novembre de chaque année, et mis à la charge de M. A l'ensemble des frais de scolarité, de logement, d'habillement et de déplacement d'Arnaud et Anne-Laure, dont il s'acquitte par le biais de prélèvements sur son compte bancaire personnel, et qui ont été.

4.Par une réclamation adressée à l'administration fiscale le 18 mai 2020, M. A a demandé en vain que le montant et la ventilation des pensions déclarées au titre des années 2017 et 2018 soient modifiés. Il demande, précisément, que le montant des pensions versées à son épouse, déclaré en ligne 6GU, soit porté à 78 392 euros, au lieu des 67 770 euros initialement déclarés au titre de l'année 2017, et 73 153 euros, au titre des 61 117 euros initialement déclarés au titre de l'année 2018, et que le montant des pensions versées au bénéfice de ses enfants majeurs B et F, déclaré en ligne 6EL et 6EM, soit réduit en conséquence, à hauteur d'un montant global de 10 622 euros en 2017 et 12 036 euros en 2018. Il soutient que les pensions versées à son ex-épouse pour l'entretien et l'éducation de leurs enfants majeurs, en 2017 s'agissant de leur fils B, et en 2017 et 2018 s'agissant de leur fille F, doivent être incluses dans le montant des pensions déductibles en application du premier alinéa du de l'article 156-II-2° précité.

5.Toutefois, et d'une part, il résulte de la combinaison de ces dispositions que le troisième alinéa de l'article 156-II-2° du code général des impôts s'applique aux pensions alimentaires versées dans les conditions prévues au premier alinéa de l'article 156-II-2°. L'article 156-II-2° vise notamment les pensions alimentaires répondant aux conditions fixées par les articles 205 à 211 et 367 du code civil et celles versées en exécution d'une décision de justice en cas de séparation de corps ou de divorce. Ces dispositions n'introduisent aucune distinction entre les pensions versées entre les mains de l'ex-conjoint au foyer duquel sont rattachés les enfants majeurs et celles qui sont versées directement à ceux-ci. Ainsi, et nonobstant la circonstance que M. A a versé à ses enfants majeurs des pensions alimentaires d'un montant supérieur en exécution d'une décision de justice, c'est à bon droit que le service a limité aux montants prévus à l'article 196 B du code général des impôts la déduction sollicitée au titre des pensions versées à ses enfants majeurs.

6.D'autre part, si M. A soutient que, telles qu'elles sont interprétées par le service, les dispositions de l'article 156 seraient contraires au " principe constitutionnel de séparation des pouvoirs " ainsi qu'aux " droits et libertés garantis par la constitution " et au " principe d'égalité devant la loi prévu à l'article 6 de la déclaration des droits de l'Homme et du citoyen ", et enfin aux dispositions de l'article 16 de cette déclaration selon lesquels " toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ", il n'est toutefois pas recevable à contester directement, dans sa requête, la constitutionnalité de ces dispositions, un tel moyen ne pouvant être utilement invoqué que dans le cadre d'une question prioritaire de constitutionnalité présentée par mémoire distinct dans les conditions prévues par l'article R. 771-3 du code de justice administrative.

7.Enfin, la circonstance, à la supposer établie, que les sommes versées entre les mains de son ex-épouse, au bénéfice de leurs enfants majeurs, ont été intégralement déclarées par celle-ci au titre de l'impôt sur le revenu, et seraient ainsi également comprises dans les bases d'imposition d'un autre contribuable, est en tout état de cause sans influence sur le bien-fondé de l'impôt assigné au requérant.

En ce qui concerne le bénéfice de la doctrine administrative

8.Aux termes du second alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales ". Lorsque le contribuable invoque, sur le fondement de ces dispositions, l'interprétation d'un texte fiscal que l'administration a fait connaître par des instructions ou circulaires publiées aucune imposition, même primitive, qui serait contraire à cette interprétation, ne peut être établie.

9. Si M. A soutient, sans invoquer toutefois les dispositions du second alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, que les impositions litigieuses ont été établies en méconnaissance de la doctrine exprimée sous la référence BOI-IR-BASE-20-30-40-20140502, celle-ci, en tout état de cause, ne fait pas de la loi fiscale une interprétation différente de celle qui vient d'être retenue. Par suite, le moyen tiré de sa méconnaissance n'est pas fondé et doit être écarté.

10. résulte de tout ce qui précède que les conclusions de M. A tendant à la réduction des impositions en litige, ne peuvent qu'être rejetées, ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions relatives au frais d'instance.

D E C I D E:

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. D A et au directeur départemental des finances publiques des Yvelines.

Délibéré après l'audience du 5 juillet 2022, à laquelle siégeaient :

M. Delage, président,

Mme Florent, première conseillère,

M. Thivolle, conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 juillet 2022.

Le rapporteur,

Signé

G. E

Le président,

Signé

Ph. DelageLa greffière,

Signé

F. Sabot

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Code publication

D