Tribunal administratif de Paris

Jugement du 15 juillet 2022 n° 2113512

15/07/2022

Non renvoi

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 24 juin 2021, la société Sovinpar, représentée par Me Zapf, demande :

1°) à titre principal, de surseoir à statuer jusqu'à ce que le Tribunal et, le cas échéant, le Conseil d'Etat ou le Conseil constitutionnel, se soient prononcés sur la question prioritaire de constitutionnalité relative au I bis de l'article 1586 quater du code général des impôts ;

2°) à titre subsidiaire, de prononcer la réduction de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et de la taxe pour frais de chambres de commerce et d'industrie auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2018 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle va déposer par un mémoire distinct une question prioritaire de constitutionnalité portant sur les dispositions du 1° du I de l'article 15 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre, dont sont issues les dispositions de l'article 1586 quater I, bis du code général des impôts ;

- ces dispositions méconnaissent les stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 1er du premier protocole à cette convention prévoyant le droit à la protection des biens. Elles instituent en effet, pour déterminer le taux de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, une discrimination prohibée fondée sur le seul mode de détention du capital des sociétés, selon qu'elles remplissent, ou non, les conditions pour relever d'un groupe fiscalement intégré ; ces dispositions ont pour effet de soumettre à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises des sociétés qui réalisent un chiffre d'affaire individuel inférieur au seuil d'assujettissement.

Par un mémoire en défense enregistré le 29 octobre 2021, le directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable dès lors qu'elle ne comporte pas d'autre moyen que celui tiré de l'inconstitutionnalité des dispositions de l'article 1586 quater I, bis du code général des impôts et que ce dernier moyen n'a pas été soumis au tribunal par un mémoire distinct et motivé ;

- le moyen tiré de l'inconventionnalité des dispositions en litige manque en fait dès lors que la différence de traitement instaurée par les dispositions en litige poursuit un but d'intérêt général et repose sur un critère objectif et rationnel ;

Par un mémoire distinct enregistré le 22 juin 2022, la société Sovinpar demande au tribunal, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'État une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du I bis de l'article 1586 quater du code général des impôts dans leur version issue de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.

Elle soutient que :

- les conditions de la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité sont en l'espèce remplies dès lors que la disposition contestée est applicable au litige, qu'elle n'a pas été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel et que cette question prioritaire de constitutionnalité présente un caractère sérieux ;

- en effet, la mise en œuvre des dispositions de l'article 1586 quater I bis du code général des impôts, dans leur rédaction issue de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018, génère une rupture d'égalité devant la loi et devant les charges publiques ;

- le dispositif institué génère d'abord une rupture d'égalité selon le mode de détention du capital social ; les sociétés qui ont opté pour l'impôt sur les sociétés et qui sont détenues à plus de 95 % par une autre société ont un taux d'imposition réel supérieur aux autres sociétés ayant opté pour l'impôt sur les sociétés détenues par des personnes physiques ou par d'autres sociétés ;

- le dispositif génère également une rupture d'égalité face à l'exonération de la CVAE dont bénéficient, en application de l'article 1586 quater I a) du code général des impôts, les entreprises dont le chiffre d'affaires n'excède pas 500 000 euros ; en effet, le dispositif de consolidation du chiffre d'affaires conduit à assujettir à la CVAE des entreprises qui, réalisant un chiffre d'affaires individuel compris entre 152 500 euros et 500 000 euros, n'auraient pas été imposées à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises en l'absence d'un tel dispositif ;

- le dispositif génère encore une rupture d'égalité compte tenu de l'absence de neutralisation des facturations intragroupes aboutissant, dans certains cas, à une double imposition ;

- le dispositif génère enfin une rupture d'égalité en ce que, contrairement aux autres sociétés de personnes qui font l'objet d'une consolidation sans même appartenir à un groupe d'intégration fiscale dans les conditions précédemment décrites, le chiffre d'affaires d'une société en participation ne peut faire l'objet de cette consolidation avec celui des associés qui la détiennent ;

- ces différences de traitement ne sont pas justifiées par des critères objectifs et rationnels ; le législateur a poursuivi un objectif de rendement budgétaire et de lutte contre l'optimisation fiscale ;

- le Conseil constitutionnel a déjà jugé que la lutte contre l'optimisation fiscale ne permettait pas de justifier la méconnaissance des principes d'égalité devant la loi et d'égalité devant les charges publiques.

Le directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris a produit un mémoire le 30 juin 2022. Il fait valoir que la question prioritaire de constitutionnalité posée par la société Sovinpar ne présente pas de caractère sérieux et qu'il n'y a pas lieu de la transmettre au Conseil d'Etat.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le premier protocole additionnel à cette convention ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée, portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

- le code général des impôts ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Dalle, président-rapporteur,

- et les conclusions de Mme Mauclair, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La société Sovinpar, qui est membre d'un groupe fiscal intégré, demande la réduction de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et de la taxe pour frais de chambres de commerce et d'industrie auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2018.

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

2. Aux termes des dispositions de l'article 61-1 de la Constitution : " Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. / Une loi organique détermine les conditions d'application du présent article ".

3. Il résulte des dispositions combinées de l'article LO. 771-1 du code de justice administrative et des articles 23-1 et 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que le tribunal administratif, saisi d'un moyen tiré de ce qu'une ou plusieurs dispositions législatives portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution présenté dans un écrit distinct et motivé, statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'État et procède à cette transmission si est remplie la triple condition que les dispositions contestées soient applicables au litige ou à la procédure, qu'elles n'aient pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question ne soit pas dépourvue de caractère sérieux. Le second alinéa de l'article 23-2 de la même ordonnance précise que : " En tout état de cause, la juridiction doit, lorsqu'elle est saisie de moyens contestant la conformité d'une disposition législative, d'une part, aux droits et libertés garantis par la Constitution et, d'autre part, aux engagements internationaux de la France, se prononcer par priorité sur la transmission de la question de constitutionnalité au Conseil d'État () ".

4. En vertu du I de l'article 1586 quater du code général des impôts, les entreprises redevables de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises bénéficient d'un dégrèvement dont le montant est égal à une fraction de cette cotisation. Cette fraction décroît en fonction de leur chiffre d'affaires, de sorte que, symétriquement, le taux effectif d'imposition à cette cotisation croît en fonction du chiffre d'affaires. Aux termes du I bis de cet article dans sa rédaction issue de la loi du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 : " () I bis.- Lorsqu'une entreprise, quels que soient son régime d'imposition des bénéfices, le lieu d'établissement, la composition du capital et le régime d'imposition des bénéfices des entreprises qui la détiennent, remplit les conditions de détention fixées au I de l'article 223 A pour être membre d'un groupe, le chiffre d'affaires à retenir pour l'application du I du présent article s'entend de la somme de son chiffre d'affaires et des chiffres d'affaires des entreprises qui remplissent les mêmes conditions pour être membres du même groupe. / Le premier alinéa du présent I bis s'applique, y compris lorsque les entreprises mentionnées à ce même premier alinéa ne sont pas membres d'un groupe mentionné aux articles 223 A ou 223 A bis. / Ledit premier alinéa n'est pas applicable lorsque la somme des chiffres d'affaires mentionnée au même premier alinéa est inférieure à 7 630 000 € () ". Le I. de l'article 223 A du même code, auquel renvoie l'article 1586 quater I bis. cité précédemment, dispose quant à lui : " I. - Une société, ci-après désignée par les mots : " société mère ", peut se constituer seule redevable de l'impôt sur les sociétés dû sur l'ensemble des résultats du groupe formé par elle-même et les sociétés dont elle détient 95 % au moins du capital de manière continue au cours de l'exercice, directement ou indirectement par l'intermédiaire de sociétés ou d'établissements stables membres du groupe, ci-après désignés par les mots : " sociétés du groupe ", ou de sociétés ou d'établissements stables, ci-après désignés par les mots : " sociétés intermédiaires ", détenus à 95 % au moins par la société mère de manière continue au cours de l'exercice, directement ou indirectement par l'intermédiaire de sociétés du groupe ou de sociétés intermédiaires () ".

5. La société requérante soutient que le I bis de l'article 1586 quater, en réservant un traitement différent, au regard de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, entre les sociétés qui remplissent les conditions de détention fixées par le I de l'article 223 A du code général des impôts pour être membres d'un groupe fiscalement intégré et les sociétés qui ne remplissent pas ces conditions, méconnaît les principes d'égalité devant la loi et d'égalité devant les charges publiques garantis respectivement par les articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

6. D'une part, le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit. D'autre part, en vertu de l'article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés contributives. En particulier, pour assurer le respect du principe d'égalité, il doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se propose. Cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques garantie par l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

7. En premier lieu, la société requérante fait valoir que la différence de traitement entre les sociétés qui remplissent les conditions de détention fixées par le I de l'article 223 A du code général des impôts et celles qui ne les remplissent pas, les premières étant imposées à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises selon un taux effectif d'imposition tenant compte du chiffre d'affaires consolidé du groupe économique auquel elles appartiennent, alors que les secondes sont imposées selon un taux effectif tenant compte de leur seul chiffre d'affaires propre et de ce fait moins élevé, n'est pas justifiée par une différence de situation entre ces sociétés au regard de l'objet de cette imposition, ni par un motif d'intérêt général.

8. Il résulte toutefois des travaux préparatoires à la loi du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 de laquelle sont issues les dispositions contestées, qu'en les adoptant le législateur a entendu faire obstacle à la réalisation d'opérations de restructuration aux fins de réduire le montant de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises dû par l'ensemble des sociétés du groupe grâce à une répartition différente du chiffre d'affaires en son sein. La condition de détention de 95 % permet à ce titre de circonscrire le dispositif au groupe au sein desquels des liens capitalistiques étroits facilitent le pilotage des restructurations. Le législateur a ainsi poursuivi un objectif d'intérêt général. La différence de traitement ainsi instituée par ces dispositions repose sur des critères objectifs et rationnels en lien avec l'objet du dégrèvement de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises prévu au I de l'article 1586 quater précité, dès lors que toutes les entreprises remplissant les conditions de détention requises pour être membres d'un groupe fiscalement intégré, susceptible d'être structuré en vue de réduire le montant total de la cotisation due par les sociétés du groupe, sont soumises aux mêmes règles de calcul de ce dégrèvement, qu'elles soient membres ou non d'un tel groupe au regard de l'impôt sur les sociétés. A cet égard, la circonstance que le législateur aurait, ainsi que le soutient la société, également poursuivi des objectifs de rendement budgétaire et de lutte contre l'optimisation fiscale, n'est pas de nature à caractériser par elle-même une atteinte au principe d'égalité devant la loi.

9. En deuxième lieu, la société requérante fait valoir que le dispositif de consolidation du chiffre d'affaires institué par les dispositions attaquées conduit à soumettre à la CVAE des entreprises qui, réalisant un chiffre d'affaires individuel compris entre 152 500 euros et 500 000 euros, n'auraient pas été imposées à la CVAE en l'absence d'un tel dispositif. Toutefois, et alors d'ailleurs que le législateur a pris soin de circonscrire le dispositif critiqué aux sociétés membres des groupes économiques dont le chiffre d'affaires consolidé excède 7,63 millions d'euros, les effets de seuils induits par ce dispositif qui peuvent conduire à ne pas appliquer un dégrèvement aux entreprises consolidées qui réalisent un chiffre d'affaires individuel compris entre 152 500 euros et 500 000 euros ne sont pas manifestement disproportionnés et n'imposent pas au contribuable une charge excessive au regard de ses capacités contributives. Au demeurant, si les dispositions du I bis de l'article 1586 quater du code général des impôts ont pour objet de prévoir, pour les sociétés remplissant les conditions de détention pour être membres d'un groupe fiscalement intégré, des règles particulières de calcul du dégrèvement de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises prévu au I. du même article, elles n'ont cependant aucune incidence sur l'appréciation du seuil d'assujettissement à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, fixé à l'article 1586 ter du code général des impôts, qui s'apprécie toujours au regard du seul chiffre d'affaires réalisé par le contribuable, indépendamment de savoir s'il remplit ou non les conditions de détention fixées au I. de l'article 223 A code général des impôts. La différence de traitement invoquée repose donc sur des critères objectifs et rationnels.

10. En troisième lieu, les sociétés en participation ont la possibilité d'opter pour leur assujettissement à l'impôt sur les sociétés en application du 3 de l'article 206 du code général des impôts et leur chiffre d'affaires peut être consolidé avec celui des entreprises dont elles détiennent le capital. Dès lors, ces sociétés ne sont pas exclues du dispositif contesté du I bis de l'article 1586 quater précité. S'il est vrai qu'en l'absence de capital des sociétés en participation, leur chiffre d'affaires ne peut pas être consolidé avec celui des associés qui la constituent dans les conditions posées au I de l'article 223 A du code général des impôts, cette seule circonstance ne saurait remettre en cause la pertinence des critères retenus par le législateur et dont le caractère objectif et rationnel a été relevé au point 8 ci-dessus.

11. En dernier lieu, les dispositions du I bis de l'article 1586 quater qui concernent le seul dégrèvement prévu au I du même article n'ont pas pour objet de définir l'assiette de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. Dès lors, à supposer même qu'elles ne comporteraient pas de dispositif de neutralisation des refacturations intragroupes, une telle circonstance est en tout état de cause insusceptible de conduire à une situation de double imposition. La différence de traitement invoquée n'est donc pas établie.

12. Il résulte de ce qui précède que la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la société requérante est dépourvue de caractère sérieux. Elle ne peut, dès lors, faire l'objet d'une transmission au Conseil d'Etat.

Sur les conclusions aux fins de décharge :

13. Aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les États de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes ". Aux termes de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ". Une distinction entre des personnes placées dans une situation analogue est discriminatoire, au sens de ces stipulations, si elle affecte la jouissance d'un droit ou d'une liberté sans être assortie de justifications objectives et raisonnables, c'est-à-dire si elle ne poursuit pas un objectif d'utilité publique ou si elle n'est pas fondée sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec les buts de la loi.

14. En premier lieu, la société requérante fait valoir que le I bis de l'article 1586 quater du code général des impôts institue une distinction fondée sur le seul mode de détention du capital social qui conditionne le taux d'imposition effectif à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. Toutefois, cette distinction instaurée entre les sociétés remplissant les conditions de détention pour être membres d'un groupe fiscalement intégré, d'une part, et les sociétés ne remplissant pas ces conditions, d'autre part, repose sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec le but poursuivi par le législateur, ainsi qu'il a été dit précédemment. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations conventionnelles citées au point précédent doit, par suite, être écarté.

15. En second lieu, les dispositions du I bis de l'article 1586 quater du code général des impôts n'ont aucune incidence sur l'appréciation du seuil d'assujettissement à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, fixé à l'article 1586 ter du code général des impôts, et n'ont nullement pour effet de soumettre à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises qui, sans ces dispositions, en seraient exclues faute d'atteindre le seuil d'assujettissement. La différence de traitement invoquée n'est donc pas établie. Il s'ensuit que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que les dispositions du I bis de l'article 1586 quater du code général des impôts méconnaîtraient les stipulations des articles 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 1er du premier protocole additionnel à cette convention.

16. Il résulte de ce qui précède que les conclusions à fin de décharge des impositions litigieuses doivent être rejetées.

Sur les frais de l'instance :

17. Il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, une quelconque somme au titre des frais exposés par la société requérante et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Sovinpar est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à la société Sovinpar et au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris.

Délibéré après l'audience du 7 juillet 2022 à laquelle siégeaient :

M. Dalle, président,

Mme Belkacem, première conseillère,

M. A, conseilller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 juillet 2022.

L'assesseur le plus ancienLe président-rapporteur,

N. BELKACEMD. DALLE

Le greffier,

M-C. POCHOT

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne et à tous commissaire de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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Code publication

C