Cour d'Appel de Paris

Ordonnance du 13 juillet 2022 n° 22/00310

13/07/2022

Non renvoi

REPUBLIQUE FRANCAISE

 

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 

COUR D'APPEL DE PARIS

 

Pôle 1 - Chambre 12

 

ORDONNANCE DE NON TRANSMISSION DE LA QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITE

 

ORDONNANCE DU 13 JUILLET 2022

 

(n°302, 1 pages)

 

N° du répertoire général : N° RG 22/0310 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGBGF

 

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 10 juillet 2022 -Tribunal judiciaire de BOBIGNY (Juge des Libertés et de la Détention) - RG n°22/05023

 

L'audience a été prise au siège de la juridiction, en audience publique, le 13 juillet 2022

 

Décision Contradictoire

 

COMPOSITION

 

Valérie BLANCHET, conseillère à la cour d'appel, agissant sur délégation du Premier Président de la cour d'appel de Paris,

 

assisté de Céline DESPLANCHES, greffier lors des débats et du prononcé de la décision

 

DEMANDEUR A LA QUESTION PRIORITAIRE DE CONSITUTIONNALITE

 

M. [V] [H] (Personne faisant l'objet de soins)

 

demeurant 14 avenue Louise Bordier - 93240 STAINS

 

actuellement hospitalisée à l'EPS de VILLE EVRARD

 

non comparant et représenté par Maître Rachid HASSAÏNE, avocat au barreau de Seine-Saint-Denis, avocat au barreau de Seine-Saint-Denis,

 

DEFENDEUR A LA QUESTION PRI ORITAIRE DE CONSITUTIONNALITE

 

M. LE DIRECTEUR DE l'EPS DE VILLE EVRARD

 

demeurant 202 avenue Jean Jaurès - 93330 NEUILLY-SUR-MARNE

 

non-comparant, non représenté,

 

LE MINISTERE PUBLIC

 

représenté à l'audience par Madame M.-D. PERRIN, avocate générale ayant transmis ses observations par courriel le 12/07/2022 à 19h31

 

DÉCISION

 

EXPOSE :

 

M. [V] [H] a été admis en hospitalisation complète sous contrainte au sein de l'établissement Ville Evrard le 24 juin 2022 pour péril imminent.

 

Le 2 juillet 2022, il a été placé en isolement, cette mesure ayant fait l'objet de décisions de renouvellement.

 

Par requête du 9 juillet 2022, le juge des libertés et de la détention a été saisi aux fins de statuer sur la pouruiste de la mesure d'isolement dans les 168 heures sur le fondement de l'article L.3222-5 du code de la santé publique.

 

Par ordonnance du 10 juillet 2022, le juge des libertés et de la détention de Bobigny a constaté que le patient n'avait pas sollicité l'assistance d'un avocat, déclaré irrecevable les conclusions de l'avocat de permanence et autorisé le renouvellement de la mesure d'isolement.

 

Par déclaration du 11 juillet 2022, le conseil de M. [H] a interjeté appel de cette décision.

 

Par mémoire du 11 juillet 2022, il a saisi le premier président d'une demande de transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité.

 

En application de l'article 61-1 de la Constitution, lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé.

 

En application de l'article 23-1 de l'ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, devant les juridictions relevant du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation, le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d'irrecevabilité présenté dans un écrit distinct et motivé.

 

Devant une juridiction relevant de la Cour de cassation, lorsque le ministère public n'est pas partie à l'instance, l'affaire lui est communiquée dès que le moyen est soulevé afin qu'il puisse faire connaître son avis.

 

Dans son mémoire, M. [H] prétend que l'article L.3222-5-1 du code de la santé publique issu de l'article 17 de la loi n°2022-46 du 22 janvier 2022 porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, en ce qu'il ne prévoit pas l'assistance obligatoire d'un avocat pendant les audiences de contrôle du juge des libertés et de la détention en matière de mesures d'isolement et de contention.

 

La présente affaire a été communiquée au ministère public le 12 juillet 2022 qui a fait connaître son avis écrit le 12 juillet 2022.

 

Le ministère public soutient que la question soulevée ne présente pas de caractère sérieux et qu'elle est irrecevable.

 

Les parties ont été avisées le 12 juillet 2022 de l'audience du 13 juillet 2022 afin qu'elles présentent leurs éventuelles observations et avisées de la date à laquelle la décision sera rendue.

 

Le conseil de M.[H] a été entendu en ses observations.

 

Le ministère public a soutenu son mémoire à l'audience et a eu la parole en dernier.

 

MOTIFS DE LA DECISION :

 

Sur le moyen tiré de l'atteinte portée aux droits et libertés garantis par la Constitution

 

par l'article L.322-5-1 du code de la santé publique

 

L'article L.3222-5-1 du code de la santé publique, dans sa version en vigueur depuis le 24 janvier 2022 modifié par loi n°2022-46 du 22 janvier 2022 dispose que :

 

I.-L'isolement et la contention sont des pratiques de dernier recours et ne peuvent concerner que des patients en hospitalisation complète sans consentement. Il ne peut y être procédé que pour prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui, sur décision motivée d'un psychiatre et uniquement de manière adaptée, nécessaire et proportionnée au risque après évaluation du patient. Leur mise en 'uvre doit faire l'objet d'une surveillance stricte, somatique et psychiatrique, confiée par l'établissement à des professionnels de santé désignés à cette fin et tracée dans le dossier médical.

 

La mesure d'isolement est prise pour une durée maximale de douze heures. Si l'état de santé du patient le nécessite, elle peut être renouvelée, dans les conditions et selon les modalités prévues au premier alinéa du présent I, dans la limite d'une durée totale de quarante-huit heures, et fait l'objet de deux évaluations par vingt-quatre heures.

 

La mesure de contention est prise dans le cadre d'une mesure d'isolement pour une durée maximale de six heures. Si l'état de santé du patient le nécessite, elle peut être renouvelée, dans les conditions et selon les modalités prévues au même premier alinéa, dans la limite d'une durée totale de vingt-quatre heures, et fait l'objet de deux évaluations par douze heures.

 

II. - A titre exceptionnel, le médecin peut renouveler, au-delà des durées totales prévues au I, les mesures d'isolement et de contention, dans le respect des conditions prévues au même I. Le directeur de l'établissement informe sans délai le juge des libertés et de la détention du renouvellement de ces mesures. Le juge des libertés et de la détention peut se saisir d'office pour y mettre fin. Le médecin informe du renouvellement de ces mesures au moins un membre de la famille du patient, en priorité son conjoint, le partenaire lié à lui par un pacte civil de solidarité ou son concubin, ou une personne susceptible d'agir dans son intérêt dès lors qu'une telle personne est identifiée, dans le respect de la volonté du patient et du secret médical.

 

Le directeur de l'établissement saisit le juge des libertés et de la détention avant l'expiration de la soixante-douzième heure d'isolement ou de la quarante-huitième heure de contention, si l'état de santé du patient rend nécessaire le renouvellement de la mesure au-delà de ces durées.

 

Le juge des libertés et de la détention statue dans un délai de vingt-quatre heures à compter du terme des durées prévues au deuxième alinéa du présent II.

 

Si les conditions prévues au I ne sont plus réunies, il ordonne la mainlevée de la mesure. Dans ce cas, aucune nouvelle mesure ne peut être prise avant l'expiration d'un délai de quarante-huit heures à compter de la mainlevée de la mesure, sauf survenance d'éléments nouveaux dans la situation du patient qui rendent impossibles d'autres modalités de prise en charge permettant d'assurer sa sécurité ou celle d'autrui. Le directeur de l'établissement informe sans délai le juge des libertés et de la détention, qui peut se saisir d'office pour mettre fin à la nouvelle mesure.

 

Si les conditions prévues au même I sont toujours réunies, le juge des libertés et de la détention autorise le maintien de la mesure d'isolement ou de contention. Dans ce cas, le médecin peut la renouveler dans les conditions prévues audit I et aux deux premiers alinéas du présent II. Toutefois, si le renouvellement d'une mesure d'isolement est encore nécessaire après deux décisions de maintien prises par le juge des libertés et de la détention, celui-ci est saisi au moins vingt-quatre heures avant l'expiration d'un délai de sept jours à compter de sa précédente décision et le médecin informe du renouvellement de ces mesures au moins un membre de la famille du patient, en priorité son conjoint, le partenaire lié à lui par un pacte civil de solidarité ou son concubin, ou une personne susceptible d'agir dans son intérêt dès lors qu'une telle personne est identifiée, dans le respect de la volonté du patient et du secret médical. Le juge des libertés et de la détention statue avant l'expiration de ce délai de sept jours. Le cas échéant, il est à nouveau saisi au moins vingt-quatre heures avant l'expiration de chaque nouveau délai de sept jours et statue dans les mêmes conditions. Le médecin réitère l'information susmentionnée lors de chaque saisine du juge des libertés et de la détention.

 

Pour l'application des deux premiers alinéas du présent II, lorsqu'une mesure d'isolement ou de contention est prise moins de quarante-huit heures après qu'une précédente mesure d'isolement ou de contention a pris fin, sa durée s'ajoute à celle des mesures d'isolement ou de contention qui la précèdent.

 

Les mêmes deux premiers alinéas s'appliquent lorsque le médecin prend plusieurs mesures dont la durée cumulée sur une période de quinze jours atteint les durées prévues auxdits deux premiers alinéas.

 

Les mesures d'isolement et de contention peuvent également faire l'objet d'un contrôle par le juge des libertés et de la détention en application du IV de l'article L. 3211-12-1.

 

Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions d'application du présent II.

 

M. [H] soutient que les dispositions de cet article portent atteinte aux articles 7, 9 et 16 de la déclaration des droits de l'homme de 1789.

 

Sur la recevabilité du moyen tiré de l'atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution:

 

En l'espèce, le moyen tiré de l'atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution a été présenté le 11 juillet 2022 dans un écrit distinct des conclusions de M. [H] et motivé. Il est donc recevable.

 

Sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation:

 

L'article 23-2 de l'ordonnance précitée dispose que la juridiction transmet sans délai et dans la limite de deux mois la question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation si les conditions suivantes sont remplies:

 

1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ;

 

2° Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ;

 

3° La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux.

 

L'appelant fait état d'un doute sérieux sur la constitutionnalité de l'article L. 3222-5-1 du code de la santé publique en ce qu'en le patient n'aurait pas pu bénéficier de l'assistance d'un avocat devant le juge des libertés et de la détention lors de l'audience statuant sur le maintien de la mesure de contention, les conclusions de l' avocat du patient désigné par le Bâtonnier ayant été déclarées irrecevables par le juge qui a considéré que l'avocat n'était pas obligatoire.

 

Il soutient que cet article ne permet pas à la personne hospitalisée sous contrainte faisant l'objet d'une mesure de contention de bénéficier de l'assistance d'un avocat lors de l'audience devant le juge des libertés et de la détention.

 

La loi n° 2013-869 du 27 septembre 2013 prévoit la présence obligatoire de l'avocat pour toutes les audiences devant le juge des libertés et de la détention. Toutefois, l'article R.3211-33-1 du code de la santé issu du décret du 23 mars 2022 énonce que l'assistance ou la représentation par un avocat choisi, désigné au titre de l'aide juridictionnelle ou commis d'office, est facultative dans le cadre du régime spécifique du contrôle systématique de la mesure d'isolement et de contention et le juge peut statuer sans audience sauf demande expresse du patient a être entendu.

 

Seul le juge administratif contrôle les actes émanant des autorités réglementaires.

 

Il ressort de la fiche d'informations produite que le patient a été informé de l'audience devant le juge des libertés et de la détention et qu'il n'a pas coché la case relative à l'assistance ou non d'un avocat et celle relative à l'assistance par un avocat choisi ou commis d'office.

 

Le patient a été représenté lors de l'audience devant le juge des libertés et de la détention par un avocat désigné par le Bâtonnier du barreau de Seine Saint Denis qui a présenté sa défense de sorte que le patient a pu faire valoir ses droits.

 

En réalité, sous couvert de cette question, M. [H] reproche au juge des libertés et de la détention de Bobigny d'avoir dans son ordonnance du 10 juillet 2022, dont il a fait appel, méconnu les règles régissant l'assistance ou la représentation par un avocat de la personne hospitalisée sous contrainte, en déclarant irrecevables les conclusions de l'avocat de permanence lors de l'audience de contrôle de la régularité de la poursuite de la mesure d'isolement.

 

Il n'y a donc pas lieu de transmettre à la Cour de cassation une question prioritaire de constitutionnalité.

 

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

 

Les dépens seront réservés.

 

PAR CES MOTIFS:

 

Statuant publiquement par ordonnance mise à disposition au greffe de la juridiction, rendue

 

contradictoirement et susceptible de recours dans les conditions de l'article 126 du code de procédure civile à l'occasion du recours réglant tout ou partie du litige ;

 

REJETONS la demande de transmission à la Cour de cassation d'une question prioritaire de

 

constitutionnalité ;

 

RESERVONS les dépens et frais irrépétibles de l'incident ;

 

Ainsi fait, jugé et prononcé par le magistrat délégué soussigné, le 13 juillet 2022 à 10h32, où étaient présents : Valérie BLANCHET, président de chambre, M.-D. PERRIN,avocat général et Céline DESPLANCHES, greffier.

 

LE GREFFIER LE MAGISTRAT DÉLÉGATAIRE

 

REÇU NOTIFICATION DE L'ORDONNANCE ET DE L'EXERCICE DES VOIES DE RECOURS : Pour information :.

 

Le pourvoi en cassation est ouvert.

 

En application de l'article R 3211-23 du code de la santé publique, cette ordonnance n'est pas susceptible d'opposition. La seule voie de recours ouverte aux parties est le pourvoi en cassation. Il doit être introduit dans le délai de deux mois à compter de la notification de la présente ordonnance, par l'intermédiaire d'un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.

 

Ce délai est augmenté d'un mois pour les personnes qui demeurent dans un département ou territoire d'Outre-Mer et de deux mois pour celles qui demeurent à l'étranger.

 

Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation.

 

Article 581 du code de procédure civile : en cas de recours dilatoire ou abusif, son auteur peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 3.000 euros sans préjudice des dommages et intérêts qui seraient réclamés à la juridiction saisie du recours.

 

L'intéresséL'avocat de l'intéressé

 

Le directeur de l'établissement hospitalier