Tribunal administratif de Lyon

Jugement du 11 juillet 2022 n° 2107389

11/07/2022

Irrecevabilité

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 20 septembre 2021, M. B, représenté par Me Rajot, demande au Tribunal :

1°) d'annuler la décision du 15 juillet 2021 par laquelle l'université Lumière Lyon 2 a rejeté sa candidature en master 2 Sciences des religions pour l'année 2021-2022 ;

2°) d'enjoindre à l'université Lumière Lyon 2 de réexaminer sa candidature.

Il soutient que :

- la décision est entachée d'une erreur de droit au regard de l'article 13 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, de la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République et contraire au principe de non-discrimination et à l'objectif de promotion de la laïcité ;

- l'université a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de son cursus antérieur et de son projet professionnel.

Par un mémoire en défense enregistré le 14 avril 2022, l'université Lumière Lyon 2 conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que :

- l'université était fondée à opérer une sélection dès lors que l'intéressé ne disposait pas d'un droit à accès direct au master 2 concerné ;

- les prérequis de l'intéressé n'étaient pas suffisants pour lui permettre d'accéder directement au master 2 sollicité.

M. B a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle par une décision du 1er octobre 2021.

Un mémoire présenté par le requérant et enregistré le 14 juin 2022 n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution et notamment le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ;

- le code de l'éducation ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique, tenue avec l'assistance de Mme Hosni, greffière :

- le rapport de M. Bertolo, rapporteur,

- les conclusions de M. Reymond-Kellal, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B, titulaire du diplôme de fin d'études de l'Institut d'études politiques d'Aix-en-Provence au titre de l'année universitaire 2017/2018, a sollicité son admission directe en master 2 sciences des religions et des sociétés parcours histoire des religions de l'université Lumière Lyon 2. Par une décision du 22 juin 2021, le doyen de l'UFR Temps et territoire de l'université a rejeté sa candidature. Par une seconde décision du 15 juillet 2021 prise sur recours gracieux, la candidature de M. B a à nouveau été rejetée. L'intéressé demande l'annulation de cette dernière décision.

Sur l'étendue du litige :

2. Il est toujours loisible à la personne intéressée, sauf à ce que des dispositions spéciales en disposent autrement, de former à l'encontre d'une décision administrative un recours gracieux devant l'auteur de cet acte et de ne former un recours contentieux que lorsque son recours gracieux a été rejeté. L'exercice du recours gracieux n'ayant d'autre objet que d'inviter l'auteur de la décision à reconsidérer sa position, un recours contentieux consécutif au rejet d'un recours gracieux doit nécessairement être regardé comme étant dirigé, non pas tant contre le rejet du recours gracieux dont les vices propres ne peuvent être utilement contestés, que contre la décision initialement prise par l'autorité administrative. Il appartient, en conséquence, au juge administratif, s'il est saisi dans le délai de recours contentieux qui a recommencé de courir à compter de la notification du rejet du recours gracieux, de conclusions dirigées formellement contre le seul rejet du recours gracieux, d'interpréter les conclusions qui lui sont soumises comme étant aussi dirigées contre la décision administrative initiale.

3. Il ressort des pièces du dossier que la candidature de M. B a été rejetée par une décision du 22 juin 2021 du doyen de l'UFR Temps et territoire de l'université. Par un recours administratif exercé le 12 juillet 2021, l'intéressé a contesté cette décision. Par suite, il y a lieu de regarder les conclusions à fin d'annulation présentées par M. B comme dirigées également contre la décision du 22 juin 2021 lui refusant l'admission au Master 2 sollicité.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

4. Aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'éducation : " Le déroulement des études supérieures est organisé en cycles ". Aux termes de l'article D. 612-36-1 du même code " L'intitulé de chaque diplôme de master est défini par un nom de mention ". Aux termes de l'article L. 612-6 du même code : " Les formations du deuxième cycle sont ouvertes aux titulaires des diplômes sanctionnant les études du premier cycle ainsi qu'à ceux qui peuvent bénéficier de l'article L. 613-5 ou des dérogations prévues par les textes réglementaires. Les établissements peuvent fixer des capacités d'accueil pour l'accès à la première année du deuxième cycle. L'admission est alors subordonnée au succès à un concours ou à l'examen du dossier du candidat. () ". Aux termes de l'article L. 612-6-1 du même code : " L'accès en deuxième année d'une formation du deuxième cycle conduisant au diplôme national de master est de droit pour les étudiants qui ont validé la première année de cette formation. Un décret pris après avis du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche peut fixer la liste des formations du deuxième cycle conduisant au diplôme national de master pour lesquelles l'accès à la première année est ouvert à tout titulaire d'un diplôme du premier cycle et pour lesquelles l'admission à poursuivre cette formation en deuxième année peut dépendre des capacités d'accueil des établissements et, éventuellement, être subordonnée au succès à un concours ou à l'examen du dossier du candidat ". Aux termes de l'article L. 712-1 de ce code : " Le président de l'université par ses décisions, le conseil d'administration par ses délibérations et le conseil académique, par ses délibérations et avis, assurent l'administration de l'université. ". Les dispositions de l'article D. 612-36-4 du même code prévoient que : " L'inscription d'un étudiant désirant poursuivre sa formation de master à l'issue d'une année universitaire dans un établissement d'enseignement supérieur autre que celui dans lequel il était inscrit est subordonnée à la vérification, par le responsable de la formation de l'établissement d'accueil, que les unités d'enseignement déjà acquises dans son établissement d'origine sont de nature à lui permettre de poursuivre sa formation en vue de l'obtention du diplôme de master. "

5. Il résulte de ces dispositions ainsi que des travaux parlementaires préalables à leur adoption que, pour les admissions en première année de master, les universités peuvent fixer des capacités d'accueil pour chaque mention de master et soumettre les candidats à sélection, quelles que soient la mention de licence dont ils sont titulaires et leur université d'origine. Dans une telle hypothèse, l'admission en seconde année de master est alors de droit pour les étudiants qui, ayant été sélectionnés à leur entrée en première année et après l'avoir validée, souhaitent poursuivre leur formation en seconde année dans les mêmes mention et université. Ces dispositions impliquent nécessairement que, dans le cadre des pouvoirs qui lui sont dévolus, l'université auprès de laquelle un étudiant qui a précédemment validé sa première année de master dans une autre université, ou un autre master, se porte candidat pour y poursuivre une seconde année de master, puisse, après vérification des pré-requis, le soumettre à une sélection qui tient compte des capacités d'accueil définies pour le master choisi, en fonction des places demeurées disponibles après inscription en seconde année des étudiants ayant accompli avec succès la première année de ce master.

6. En premier lieu, aux termes du treizième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, auquel se réfère celui de la Constitution du 4 octobre 1958 : " La Nation garantit l'égal accès de l'enfant et de l'adulte à l'instruction, à la formation professionnelle et à la culture. L'organisation de l'enseignement public gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l'Etat ".

7. Les règles édictées par le législateur pour permettre la sélection en master n'imposent aucune restriction de nature à constituer une violation des règles du principe d'égal accès à l'instruction et à la formation. Par suite la décision n'est pas entachée d'une erreur de droit au regard des dispositions du treizième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946. Au demeurant, le requérant ne pourrait valablement contester la conformité de ces dispositions législatives aux droits et libertés que la Constitution garantit, sans se conformer aux règles de procédure applicables aux questions prioritaires de constitutionnalité.

8. En deuxième lieu, les moyens tirés de ce que la décision méconnaîtrait la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, le principe de non discrimination et l'objectif de promotion de la laïcité ne sont pas assortis des précisions suffisantes pour les apprécier, et doivent être écartés.

9. En dernier lieu, pour refuser l'admission en master 2 de M. B, le doyen de l'UFR Temps et territoire de l'université a considéré que le projet de l'intéressé n'était pas cohérent avec la formation sollicitée, et qu'il ne disposait pas des prérequis permettant d'accéder au master 2 sollicité. Il ressort des pièces du dossier que les enseignements suivis par M. B dans le cadre de son diplôme de l'IEP d'Aix-en-Provence étaient essentiellement orientées vers les questions juridiques, économiques et politiques, mais que l'histoire en tant que discipline ne figurait qu'à l'occasion d'une conférence de méthode, alors que la discipline historique occupe une place centrale en master 1 Sciences des religions et des sociétés de l'université Lumière Lyon 2. En outre, l'université fait également valoir que la première année du master prévoit la rédaction d'un pré-mémoire, ce qui n'a pas été réalisé par M. B. Par suite, l'université pouvait, sans entacher sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation, rejeter la candidature de M. B au seul motif que celui-ci n'avait pas acquis, au titre des pré-requis, les unités d'enseignement lui permettant de poursuivre ses études dans le master 2 sollicité.

10. Il résulte de ce qui précède que la requête de M. B doit être rejetée, ainsi que par voie de conséquence ses conclusions à fin d'injonction.

D E C I D E

Article 1er : La requête de M. B est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. A B et à l'université Lumière Lyon 2.

Copie en sera adressée à Me Rajot.

Délibéré après l'audience du 27 juin 2022, à laquelle siégeaient :

M. Stillmunkes, président,

M. Bertolo, premier conseiller,

Mme Monteiro, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 juillet 2022.

Le rapporteur,Le président,

C. BertoloH. Stillmunkes

La greffière,

S. Hosni

La République mande et ordonne à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

Un greffier,

Code publication

C