Tribunal administratif de Toulon

Ordonnance du 7 juillet 2022

07/07/2022

Non renvoi

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 1er septembre 2021, 17 février 2022 et le 31 mai 2022, la commune de Seillons Source d'Argens, représentée par Me MONEL, demande au tribunal :

1°) d'annuler la délibération n°2021/098 par laquelle le bureau de la communauté de communes Provence Verdon a approuvé le règlement de collecte des déchets ménagers et assimilés sur le territoire communautaire ;

2°) de mettre à la charge de la communauté de communes Provence Verdon une somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire de question prioritaire de constitutionnalité, la commune de Seillons Source d'Argens demande que la question de la constitutionnalité des dispositions du I de l'article

L. 5214-16 du code général des collectivités territoriales soit transmise au Conseil d'Etat en vue de son renvoi au Conseil constitutionnel.

La commune de Seillons Source d'Argens soutient que :

- les dispositions critiquées des alinéas 5 et 7 du I de l'article L. 5214-16 du code général des collectivités territoriales, dans leur version modifiée par la loi n°2022-217 du 21 février 2022, sont applicables au litige ;

- elles n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution ;

- la question n'est pas dénuée de sérieux ;

- elles méconnaissent le principe de libre administration des collectivités territoriales et celui de l'autonomie financière des collectivités territoriales posés par les articles 72 et 72-2 de la Constitution.

Vu les autres pièces du dossier. Vu :

- la Constitution du 4 octobre 1958, notamment son article 61-1 ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée ;

-

- la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 ;

- le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. D'une part, aux termes de l'article R. 771-7 du code de justice administrative : " () les présidents de formation de jugement des tribunaux () peuvent, par ordonnance, statuer sur la transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité ".

2. D'autre part, aux termes de l'article 61-1 de la Constitution : " Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé () ". Aux termes de l'article 23-1 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Devant les juridictions relevant du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation, le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d'irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé () ". Aux termes de l'article 23-2 de la même ordonnance : " La juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat ou à la Cour de cassation. Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies : / 1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ; / 2° Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ; / 3° La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux. () ".

3. Il résulte des dispositions citées au point 2 que le juge administratif, saisi d'un moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution présenté dans un écrit distinct et motivé, statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat et procède à cette transmission si est remplie la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question ne soit pas dépourvue de caractère sérieux.

4. La commune de Seillons Source d'Argens demande au tribunal d'annuler la délibération n°2021/098 par laquelle le bureau de la communauté de communes Provence Verdon a approuvé le règlement de collecte des déchets ménagers et assimilés sur le territoire communautaire.

5. A l'appui de sa requête, la commune de Seillons Source d'Argens soutient, par un mémoire en question prioritaire de constitutionnalité, que les dispositions critiquées des alinéas 5 et 7 du I de l'article L. 5214-16 du code général des collectivités territoriales, dans leur version modifiée par la loi n°2022-217 du 21 février 2022, méconnaissent le principe de libre administration des collectivités territoriales et celui de l'autonomie financière des collectivités territoriales posés par les articles 72 et 72-2 de la Constitution, dès lors que ces dispositions ne prévoient aucune contrepartie au transfert des deux budgets annexes, eau et collecte des déchets ménagers et assimilés, que la commune ne dispose plus de la capacité de fixation du prix de l'eau et de l'orientation budgétaire afférente, et que le transfert de compétences " opère une différenciation dans les modalités d'exercice des compétences pour des collectivités territoriales (de droit commun) d'une même catégorie et placée dans une situation semblable. "

1.

6. D'une part, aux termes de l'article L. 5214-16 du code général des collectivités territoriales, dans sa version en vigueur à la date de la délibération attaquée : " I. ' La communauté de communes exerce de plein droit au lieu et place des communes membres les compétences relevant de chacun des groupes suivants : () 5° Collecte et traitement des déchets des ménages et déchets assimilés; () 7° Eau, sans préjudice de l'article 1er de la loi n° 2018-702 du 3 août 2018 relative à la mise en œuvre du transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes. () ".

7. D'autre part, l'article 34 de la Constitution réserve au législateur la détermination des principes fondamentaux de la libre administration des collectivités territoriales, de leurs compétences et de leurs ressources. En vertu de l'article 72 de la Constitution, les collectivités territoriales " s'administrent librement par des conseils élus (). Aucune collectivité territoriale ne peut exercer une tutelle sur une autre. Cependant, lorsque l'exercice d'une compétence nécessite le concours de plusieurs collectivités territoriales, la loi peut autoriser l'une d'entre elles ou un de leurs groupements à organiser les modalités de leur action commune. () ". Aux termes de l'article 72-2 de la Constitution : " Les collectivités territoriales bénéficient de ressources dont elles peuvent disposer librement dans les conditions fixées par la loi. () ".

8. Si les règles relatives à la création et au transfert de compétences à des établissements publics de coopération intercommunale affectent la libre administration des communes en faisant partie, le principe de la libre administration des collectivités territoriales ne fait pas obstacle, en lui- même, à ce que le législateur organise les conditions dans lesquelles les communes peuvent ou doivent exercer en commun certaines de leurs compétences dans le cadre de groupements, dans des buts d'intérêt général.

9. Les règles relatives à l'intégration des communes dans un établissement public de coopération intercommunale et au transfert de compétences à celui-ci affectent la libre administration de celles-ci. En imposant à des communes de faire partie d'un établissement public de coopération intercommunale et de lui transférer certaines compétences, le législateur a entendu favoriser " l'achèvement et la rationalisation de la carte de l'intercommunalité ". Le législateur a pu, dans les buts d'intérêt général " d'achèvement et de rationalisation de la carte de l'intercommunalité ", apporter ces limitations à la libre administration des communes. Dans ces conditions, le grief tiré de la méconnaissance de la libre administration des collectivités territoriales doit être écarté. Ces dispositions législatives n'ont pas davantage pour effet de méconnaître l'article 72-2 de la Constitution relatif à l'autonomie financière des collectivités territoriales.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la commune de Seillons Source d'Argens est dépourvue de caractère sérieux. Par suite, il n'y a pas lieu de la transmettre au Conseil d'Etat.

O R D O N N E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité posée par la commune de Seillons Source d'Argens.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la commune de Seillons Source d'Argens et à la communauté de communes Provence Verdon.

Fait à Toulon, le 7 juillet 2022.

Le président, signé

JF. SAUTON

La République mande et ordonne au préfet du Var en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.