Cour administrative d'appel de Bordeaux

Ordonnance du 7 juillet 2022 n° 20BX03937

07/07/2022

Non renvoi

Vu la procédure suivante :

M. A B C, représenté par AARPI SPHERE Avocats, a saisi la cour d'un appel dirigé contre le jugement statuant sur les requêtes jointes n°1801241 et n°1801357 du tribunal administratif de Pau du 29 septembre 2020 en tant qu'il n'a pas intégralement fait droit à sa demande tendant, d'une part, à annuler l'arrêté du 25 mai 2018 par lequel le maire de Bayonne a instauré un périmètre sécurisé et clôturé soumis à acquittement d'un droit d'accès pendant la période des fêtes de Bayonne du 25 au 30 juillet 2018 et, d'autre part, à annuler la délibération du 7 juin 2018 par laquelle le conseil municipal de Bayonne a fixé le droit d'accès à huit euros et a autorisé le maire de Bayonne à signer les conventions de mandat concernant la vente de bracelets d'accès.

Par mémoire distinct, enregistré au greffe le 5 avril 2022, déposé au titre des articles 23-1 de l'ordonnance n°58-1067 modifiée du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel et R. 771-3 du code de justice administrative, M. A B C, représenté par la société AARPI TEJAS avocats, demande à la cour qu'une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité de l'article L. 2213-6-1 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction issue de l'article 101 de la loi n°2009-526 du 12 mai 2009, soit transmise au Conseil d'Etat en vue de son examen par le Conseil Constitutionnel.

Il soutient que :

- l'article L. 2213-6-1 du code général des collectivités territoriales est applicable au litige dès lors qu'il constitue le fondement juridique de l'arrêté municipal du 25 mai 2018 et de la délibération du 7 juin 2018 qui le visent, d'une part, et, d'autre part, cette disposition constitue l'essentiel de la discussion menée dans le cadre de la requête en annulation des deux décisions précitées ;

- cet article n'a pas déjà été déclaré conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel ;

- la question de la constitutionnalité de cet article présente un caractère sérieux dès lors que :

- l'article L. 2213-6-1 du code général des collectivités territoriales porte atteinte à la liberté d'aller et venir, consacrée par le Conseil constitutionnel comme une liberté fondamentale de valeur constitutionnelle sur le fondement des articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen dans sa décision n°79 DC du 12 juillet 1979

- il méconnait la liberté du commerce et de l'industrie dont la valeur constitutionnelle ressort d'une décision du Conseil constitutionnel n°2000-439 DC du 16 janvier 2001 ;

- il porte atteinte à la liberté d'entreprendre dont la valeur constitutionnelle a été reconnue par la décision du Conseil constitutionnel n°81-132 DC du 16 janvier 1982 ;

- il porte atteinte au droit au respect de la vie privée, lequel a une valeur constitutionnelle sur le fondement de l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme de 1789 depuis la décision du 23 juillet 1999 ;

- il porte atteinte à la liberté de culte, en méconnaissance des articles 1er de la Constitution du 4 octobre 1958 et 10 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789;

- il porte atteinte à la liberté de conscience fondée sur l'article 10 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et le 5ème alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 ;

Vu le jugement attaqué dans l'instance 20BX03937 susvisée ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son préambule et son article 61-1 ;

- la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment ses articles 23-1 à 23-3 ;

- la loi n°2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures ;

- le décret n° 2010-148 du 16 février 2010 portant application de la loi organique du 10 décembre 2009 relative à l'application de l'article 61-1 de la Constitution ;

- le code de justice administrative, notamment ses articles R. 771-3 et suivants ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B C a présenté, le 5 décembre 2020, une requête d'appel dirigée contre le jugement, statuant sur les requêtes jointes n°1801241 et n°1801357, du 29 septembre 2020 du tribunal administratif de Pau en tant qu'il a partiellement rejeté sa demande d'annulation, d'une part, de l'arrêté relatif à l'instauration d'un périmètre sécurisé et clôturé soumis à acquittement d'un droit d'accès pour les fêtes de Bayonne 2018 en date du 25 mai 2018 et, d'autre part, de la délibération n°27 du 7 juin 2018 du conseil municipal, fixant le droit d'accès à huit euros et autorisant le maire de la commune à signer les conventions avec les sociétés ou organismes en charge de la vente de bracelets. M. B C invoque, en outre, l'inconstitutionnalité de l'article 101 de la loi n°2009-526 du 12 mai 2009 en tant qu'il méconnaitrait la liberté d'aller et venir consacrée par le Conseil constitutionnel comme une liberté fondamentale de valeur constitutionnelle sur le fondement des articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Il soutient par ailleurs que le texte précité méconnaitrait la liberté du commerce et de l'industrie dont la valeur constitutionnelle ressort d'une décision du Conseil constitutionnel n°2000-439 DC du 16 janvier 2001, la liberté d'entreprendre dont la valeur constitutionnelle a été reconnue par la décision du Conseil constitutionnel n°81-132 DC du 16 janvier 1982, le droit au respect de la vie privée, lequel a une valeur constitutionnelle sur le fondement de l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme de 1789 depuis la décision du 23 juillet 1999, la liberté de culte, dont la valeur constitutionnelle est rattachée aux articles 1er de la Constitution du 4 octobre 1958 et 10 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, la liberté de conscience fondée sur l'article 10 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et le 5ème alinéa du Préambule de la Constitution de 1946.

2. Aux termes de l'article 61-1 de la Constitution : " Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. Une loi organique détermine les conditions d'application du présent article ".

3. Les dispositions combinées des premiers alinéas des articles 23-1 et 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel prévoient que la cour administrative, saisie d'un moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution présenté dans un écrit distinct et motivé, statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de cette question et procède à cette transmission, si est remplie la triple condition que la disposition soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement de circonstances, et que la question ne soit pas dépourvue de caractère sérieux. Aux termes du second alinéa de l'article 23-2 de la même ordonnance : " En tout état de cause, la juridiction doit, lorsqu'elle est saisie de moyens contestant la conformité d'une disposition législative, d'une part, aux droits et libertés garantis par la Constitution et, d'autre part, aux engagements internationaux de la France, se prononcer par priorité sur la transmission de la question de constitutionnalité au Conseil d'Etat [] ;

4. Aux termes de l'article R. 771-7 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d'appel, le vice-président du tribunal administratif de Paris, les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours ou les magistrats désignés à cet effet par le chef de juridiction peuvent, par ordonnance, statuer sur la transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité ".

5. Le requérant invoque l'inconstitutionnalité des dispositions de l'article L. 2213-6-1 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction issue de l'article 101 de la loi du 12 mai 2009, aux termes desquelles : " Le maire peut, dans la limite de deux fois par an, soumettre au paiement d'un droit l'accès des personnes à certaines voies ou à certaines portions de voies ou à certains secteurs de la commune à l'occasion de manifestations culturelles organisées sur la voie publique, sous réserve de la desserte des immeubles riverains ".

6. Les dispositions précitées sont applicables au présent litige et n'ont, à ce jour, pas été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel. Cependant, si M. B C soutient qu'elles méconnaissent les principes constitutionnels des libertés d'aller et venir, d'entreprendre, du commerce et de l'industrie, de culte, de conscience ainsi que le droit au respect de la vie privée, il ressort de la rédaction des dispositions en litige que celles-ci subordonnent leur mise en œuvre à un contexte événementiel culturel spécifique, à une fréquence maximale biannuelle, à une portion du territoire communal circonscrite, sans préjudice de l'accès des propriétés riveraines. Par suite, le législateur, en prenant soin de mentionner les conditions et les modalités restrictives dans lesquelles le pouvoir règlementaire peut y recourir, notamment destinées à préserver la liberté d'aller et venir, a entendu concilier la restriction de l'usage des voies publiques avec l'impératif constitutionnel de respect de l'ensemble des droit et libertés invoquées par le requérant. Le moyen tiré de la méconnaissance par l'article L. 2213-6-1 du code général des collectivités territoriales des droit et libertés garantis par la Constitution invoqués par le requérant apparaît ainsi dépourvu de caractère sérieux.

7. Il résulte de ce qui précède que la question de la conformité de l'article L. 2213-6-1 ne peut être regardée comme répondant à la condition de n'être pas dépourvue de caractère sérieux et, dès lors, n'est pas au nombre de celles qui doivent être transmises au Conseil d'Etat en application de l'article L. 61-1 de la Constitution.

ORDONNE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'État la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. B C.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B C et à la commune de Bayonne.

Fait à Bordeaux, le 7 juillet 2022,

Le président de la 3ème chambre,

Didier ARTUS

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

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Code publication

C