Tribunal administratif de Nancy

Jugement du 7 juillet 2022 n° 2001143

07/07/2022

Irrecevabilité

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 4 mai 2020 et 29 septembre 2021, M. A C, doit être regardé comme demandant au tribunal :

1°) de prononcer la décharge de cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de l'année 2018 ainsi que des pénalités y afférentes ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Le requérant soutient que :

- il a des difficultés financières et ne peut faire face au paiement des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti ;

- le crédit d'impôt pour la modernisation du recouvrement est un dispositif nouveau et il doit bénéficier d'un droit à l'erreur ;

- le refus d'octroi du crédit d'impôt pour la modernisation du recouvrement porte atteinte au principe d'égalité devant l'impôt dès lors qu'il a rempli ses obligations déclaratives et que sa situation est différente d'un contribuable n'ayant pas respecté cette obligation ;

- cette sanction est disproportionnée au regard du principe de proportionnalité des peines.

Par des mémoires en défense enregistrés les 26 octobre 2020 et 30 septembre 2021, le directeur départemental des finances publiques de Meurthe-et-Moselle conclu au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par une ordonnance en date du 1er avril 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 2 mai 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le livre des procédures fiscales ;

- le code général des impôts ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B,

- et les conclusions de Mme Milin-Rance, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C s'est abstenu de souscrire une déclaration de revenus au titre de l'année 2018 dans les délais légaux. Le 27 septembre 2019, le service lui a adressé une lettre de relance suivie de l'envoi d'une mise en demeure le 7 novembre 2019. Le 27 novembre 2019, M. C a fait parvenir au service une déclaration de revenus au titre de l'année 2018. Le 16 mars 2020, M. C a adressé une demande d'octroi du crédit d'impôt pour la modernisation du recouvrement. Le service a rejeté sa demande le 17 avril 2020. Par la présente requête, M. C demande au tribunal la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les revenus mises à sa charge au titre de l'année 2018 ainsi que des pénalités y afférentes.

Sur les conclusions à fin de décharge :

En ce qui concerne le bien fondé des impositions :

2. Aux termes des dispositions du A du II de l'article 60 de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017 modifié : " Les contribuables bénéficient, à raison des revenus non exceptionnels entrant dans le champ du prélèvement mentionné à l'article 204 A du code général des impôts, tel qu'il résulte de la présente loi, perçus ou réalisés en 2018, d'un crédit d'impôt modernisation du recouvrement destiné à assurer, pour ces revenus, l'absence de double contribution aux charges publiques en 2019 au titre de l'impôt sur le revenu ". En vertu du 3 du E du II du même article, les contribuables peuvent, sous certaines conditions, bénéficier d'un crédit d'impôt complémentaire. Aux termes du 3 du L du II du même article : " Seuls les revenus déclarés spontanément par le contribuable sont pris en compte dans le calcul du montant du crédit d'impôt prévu au A et du crédit d'impôt complémentaire prévu au 3 du E ".

3. Pour l'application de ces dispositions, les revenus déclarés spontanément s'entendent des revenus qui figurent sur la déclaration souscrite par le contribuable en application des dispositions de l'article 170 du code général des impôts et, le cas échéant, de l'article 172 du même code. Il en résulte que des revenus qui n'ont pas été déclarés spontanément ne peuvent ouvrir droit au crédit d'impôt modernisation du recouvrement ou au crédit d'impôt complémentaire. M. C ne conteste pas avoir adressé au service une déclaration de revenus en dehors des délais légaux.

4. En premier lieu, si le requérant entend invoquer les dispositions de l'article L. 123-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Une personne ayant méconnu pour la première fois une règle applicable à sa situation ou ayant commis une erreur matérielle lors du renseignement de sa situation ne peut faire l'objet, de la part de l'administration, d'une sanction, pécuniaire ou consistant en la privation de tout ou partie d'une prestation due, si elle a régularisé sa situation de sa propre initiative ou après avoir été invitée à le faire par l'administration dans le délai que celle-ci lui a indiqué. / La sanction peut toutefois être prononcée, sans que la personne en cause ne soit invitée à régulariser sa situation, en cas de mauvaise foi ou de fraude () " et faire valoir son " droit à l'erreur ", le moyen qu'il soulève n'est pas assorti des précisions suffisantes pour permettre au tribunal d'en apprécier le bien-fondé. En tout état de cause, M. C ne peut utilement se prévaloir du droit à l'erreur pour contester le refus d'octroi du crédit d'impôt modernisation du recouvrement qui ne constitue pas une sanction. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 123-1 du code des relations entre le public et l'administration doit être écarté.

5. En deuxième lieu, dès lors qu'ainsi qu'il vient d'être dit, le refus d'octroi du crédit d'impôt modernisation du recouvrement ne constitue pas une sanction, le moyen tiré de l'atteinte au principe de proportionnalité des peines est inopérant.

6. En troisième lieu, M. C soutient qu'il a bien rempli ses obligations déclaratives, fut-ce en retard, et se trouve pénalisé par comparaison à un contribuable qui aurait déclaré ses revenus spontanément dans les délais légaux, en violation du principe d'égalité des contribuables devant l'impôt. Toutefois, alors au demeurant qu'il conteste ainsi la constitutionnalité des dispositions législatives précitées sans formuler de question prioritaire de constitutionnalité par mémoire distinct, le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des différences de situation susceptibles de la justifier. Dès lors que la situation d'un contribuable qui aurait déclaré spontanément ses revenus dans les délais légaux est objectivement différente de celle de M. C, et en supposant même que l'application des dispositions précitées leur aurait été plus favorable qu'à l'intéressé, ce dernier ne peut utilement alléguer une rupture du principe d'égalité à son détriment.

Sur les conclusions tendant au bénéfice d'une remise gracieuse :

7. Aux termes des dispositions de l'article L. 247 du livre des procédures fiscales : " L'administration peut accorder sur la demande du contribuable : 1° Des remises totales ou partielles d'impôts directs régulièrement établis lorsque le contribuable est dans l'impossibilité de payer par suite de gêne ou d'indigence ; 2° Des remises totales ou partielles d'amendes fiscales ou de majorations d'impôts lorsque ces pénalités et, le cas échéant, les impositions auxquelles elles s'ajoutent sont définitives ".

8. L'octroi d'une remise gracieuse n'est qu'une simple faculté pour l'administration. Si la décision de l'administration fiscale refusant une remise gracieuse peut être déférée au juge administratif par la voie du recours pour excès de pouvoir, cette décision ne peut être annulée que si elle est entachée d'une erreur de droit, d'une erreur de fait, d'une erreur manifeste d'appréciation ou encore si elle est révélatrice d'un détournement de pouvoir.

9. Le courrier de pôle emploi du 29 janvier 2020 informant M. C de l'ouverture de son droit à l'allocation d'aide au retour à l'emploi et un certificat de travail en tant que manager restauration au grand casino de Lyon du 1er novembre 2018 au 31 décembre 2019 ne sont pas, à eux-seuls, susceptibles de démontrer que M. C devait bénéficier d'une remise gracieuse.

10. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner leur recevabilité, les conclusions tendant à l'obtention d'une remise gracieuse ne peuvent qu'être rejetées.

11. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de M. C à fin de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les revenus mises à sa charge au titre de l'année 2018 ainsi que des pénalités y afférentes doivent être rejetées.

Sur les frais du litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. C demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. C est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. A C et au directeur départemental des finances publiques de Meurthe-et-Moselle.

Délibéré après l'audience du 16 juin 2022, à laquelle siégeaient :

M. Marti, président,

M. Durand, premier conseiller,

Mme Marini, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 juillet 2022.

La rapporteure,

C. B

Le président,

D. Marti

Le greffier,

F. Richard

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Code publication

C