Tribunal administratif de Paris

Jugement du 5 juillet 2022 n° 2010759

05/07/2022

Irrecevabilité

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 21 juillet 2020 et le 5 janvier 2021, Mme A E et M. C B, représentés par Me Canis, demandent au tribunal :

1°) de leur accorder un crédit d'impôt modernisation du recouvrement pour l'intégralité des bénéfices non commerciaux réalisés en 2018 par M. B et de prononcer la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de cette année à hauteur de 791 369 euros ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

Ils soutiennent que :

-ils pouvaient bénéficier du crédit d'impôt pour l'intégralité de leurs revenus dès lors que les sommes perçues en 2018 par M. B ne constituaient pas un revenu exceptionnel ;

-le législateur et l'administration ont méconnu le principe d'égalité devant les charges publiques et le principe d'égalité devant l'impôt en prévoyant un traitement différent pour les contribuables ayant déclaré les droits d'auteur dans la catégorie des traitement et salaires et ceux qui les ont déclarés sur option dans la catégorie des bénéfices non commerciaux.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 21 décembre 2020 et le 7 mai 2021, le directeur régional des finances publiques d'Ile de France et de Paris conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

-le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

-la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 ;

-le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

-le rapport de Mme D,

-les conclusions de M. Charzat, rapporteur public,

-et les observations de Me Canis, représentant Mme E et M. B.

Considérant ce qui suit :

1. Mme E et M. B ont notamment mentionné dans leur déclaration de revenus pour l'année 2018 un bénéfice non commercial de 4 473 008 euros et ont bénéficié d'un crédit d'impôt pour la modernisation du recouvrement d'un montant de 1 379 505 euros. Par une réclamation du 21 août 2019, Mme E et M. B ont contesté le montant de ce crédit, estimant qu'il était insuffisant. Cette réclamation a été rejetée le 18 mars 2020. Dans le cadre de la présente instance, Mme E et M. B sollicitent le bénéfice du crédit d'impôt supplémentaire litigieux et la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2018 à hauteur de 791 369 euros.

2. Aux termes de l'article 60 de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017 dans sa version applicable : " II.-A.- Les contribuables bénéficient, à raison des revenus non exceptionnels entrant dans le champ du prélèvement mentionné à l'article 204 A du code général des impôts, tel qu'il résulte de la présente loi, perçus ou réalisés en 2018, d'un crédit d'impôt modernisation du recouvrement destiné à assurer, pour ces revenus, l'absence de double contribution aux charges publiques en 2019 au titre de l'impôt sur le revenu. () B.-Le crédit d'impôt prévu au A du présent II est égal au montant de l'impôt sur le revenu dû au titre de l'année 2018 () multiplié par le rapport entre les montants nets imposables des revenus non exceptionnels mentionnés au 1 de l'article 204 A dudit code, les déficits étant retenus pour une valeur nulle, et le revenu net imposable au barème progressif de l'impôt sur le revenu, hors déficits, charges et abattements déductibles du revenu global () E.-1. Le montant net imposable des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices agricoles et des bénéfices non commerciaux à retenir au numérateur du rapport prévu au B du présent II pour le calcul du crédit d'impôt prévu au A est déterminé, pour chaque membre du foyer fiscal et pour chacune de ces catégories de revenus, dans les conditions prévues à l'article 204 G du code général des impôts, à l'exception du 6° du 2 et du 4 du même article 204 G. / 2. Le montant défini au 1 du présent E, le cas échéant après application des abattements (), est retenu dans la limite du plus faible des deux montants suivants : / 1° Le bénéfice imposable au titre de l'année 2018, déterminé selon les règles prévues au 1 du présent E, avant application des éventuels abattements () ; / 2° Le plus élevé des bénéfices imposables au titre des années 2015, 2016 ou 2017, déterminé selon les règles prévues au 1 du présent E, avant application des éventuels abattements (). () 3. En cas d'application du 2° du 2 du présent E, le contribuable peut obtenir un crédit d'impôt complémentaire dans les conditions suivantes : / 1° Lorsque le bénéfice imposable au titre de l'année 2019, déterminé selon les règles prévues au 1, est supérieur ou égal au bénéfice imposable au titre de l'année 2018, déterminé selon les mêmes règles, le contribuable bénéficie d'un crédit d'impôt complémentaire, lors de la liquidation du solde de l'impôt sur le revenu dû au titre de 2019, égal à la fraction du crédit d'impôt dont il n'a pas pu bénéficier en application du 2 ; / 2° Lorsque le bénéfice imposable au titre de l'année 2019, déterminé selon les règles prévues au 1, est inférieur au bénéfice imposable au titre de l'année 2018, déterminé selon les mêmes règles, mais supérieur au plus élevé des bénéfices imposables au titre des années 2015, 2016 ou 2017 retenus en application du 2° du 2, le contribuable bénéficie, lors de la liquidation du solde de l'impôt sur le revenu au titre de 2019, d'un crédit d'impôt complémentaire égal à la différence entre : / a) Le crédit d'impôt calculé en retenant au numérateur du rapport prévu au B du présent II le bénéfice imposable au titre de l'année 2019, déterminé selon les règles prévues au 1 du présent E ; / b) Et le crédit d'impôt déjà obtenu en application du 2 du présent E ; / 3° Lorsque le bénéfice imposable au titre de l'année 2019, déterminé selon les règles prévues au 1, est inférieur au bénéfice imposable au titre de l'année 2018, déterminé selon les mêmes règles, le contribuable peut bénéficier, par voie de réclamation, d'un crédit d'impôt complémentaire égal à la fraction du crédit d'impôt dont il n'a pas pu bénéficier en application du 2 ou du 2° du présent 3, s'il justifie que la hausse de son bénéfice déclaré en 2018 par rapport aux trois années précédentes et à l'année 2019 résulte uniquement d'un surcroît d'activité en 2018 ".

3. Il résulte de l'instruction que Mme E et M. B ont déclaré un bénéfice non commercial au titre de l'année 2018 de 4 473 008 euros correspondant aux droits d'auteurs perçus par M. B. Dès lors qu'au titre des années 2015, 2016 et 2017, ils avaient déclaré des bénéfices non commerciaux respectivement de 3 008 088 euros, 2 895 355 euros et 2 362 044 euros, inférieurs à celui déclaré en 2018, l'administration a estimé qu'ils avaient bénéficié en 2018 d'un revenu exceptionnel de 1 464 920 euros n'ouvrant pas droit au crédit d'impôt modernisation du recouvrement (CIMR).

4. Mme E et M. B soutiennent que les bénéfices litigieux, qui constituent des droits d'auteur perçus de la part de la société de droit américain, Universal Animation Studios, en fonction d'avenants signés le 6 décembre 2016, soit avant l'entrée en vigueur de l'article 60 de la loi du 29 décembre 2016, à des contrats conclus en 2013, 2014 et 2015, dont le montant varie chaque année en fonction du succès commercial des films d'animation, les revenus en cause constituent dans leur ensemble des revenus courants et non des revenus exceptionnels. Toutefois, au regard de la loi, doit être regardé comme exceptionnel tout bénéfice non commercial supérieur aux bénéfices perçus pendant les années précédentes, sans qu'ait une incidence sur cette qualification le fait que ledit bénéfice n'ait pas été qualifié d'exceptionnel lors de son versement.

5. Mme E et M. B soutiennent, en outre, que le législateur et l'administration ont méconnu le principe d'égalité devant les charges publiques et le principe d'égalité devant l'impôt garantis par les articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen en créant une différence de traitement entre les contribuables ayant déclaré leurs droits d'auteur dans la catégorie des traitements et salaires et ceux, comme eux, qui les ont déclarés, sur option, dans la catégorie des bénéfices non commerciaux. Toutefois, à l'exception des cas où, en application de l'article 61-1 de la Constitution, une question prioritaire de constitutionnalité est présentée par mémoire distinct, il n'appartient pas au juge administratif de connaître de la question de la conformité d'une loi à la Constitution ou à des principes à valeur constitutionnelle. Par suite le moyen tiré de l'atteinte portée aux principes d'égalité devant les charges publiques et d'égalité devant l'impôt par l'article 60 de la loi du 29 décembre 2016 doit être écarté. En tout état de cause, le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que soient réglées de façon différente des situations différentes. Or, ainsi que le fait valoir l'administration, les contribuables ayant opté pour l'imposition des droits d'auteur dans la catégorie des bénéfices non commerciaux sont placés dans une situation différente de ceux ayant choisi de déclarer les droits d'auteur dans la catégorie des traitements et salaires. Par suite, Mme E et M. B ne sont pas fondés à soutenir que les principes d'égalité devant l'impôt et d'égalité devant les charges publiques auraient été méconnus.

6. Il résulte de ce qui précède que les conclusions à fin de décharge de Mme E et M. B doivent être rejetées, ainsi que, par voie de conséquence, leurs conclusions présentées sur le fondement des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E

Article 1er : La requête de Mme E et M. B est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à Mme A E, à M. C B et au directeur régional des finances publiques d'Ile de France et de Paris.

Délibéré après l'audience du 21 juin 2022, à laquelle siégeaient :

M. Bachoffer, président,

Mme Dousset, première conseillère,

M. Seguin, conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juillet 2022.

La rapporteure,

A. D

Le président,

B.R. BACHOFFER

La greffière,

L. REGNIER

La République mande et ordonne au ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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Code publication

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