Cour d'Appel de Paris

Arrêt du 29 juin 2022 n° 21/22327

29/06/2022

Non renvoi

REPUBLIQUE FRANCAISE

 

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 

COUR D'APPEL DE PARIS

 

Pôle 3 - Chambre 1

 

ARRET DU 29 JUIN 2022

 

(n° 2022/ , 9 pages)

 

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/22327 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CE373

 

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 14 Décembre 2021 - Cour d'Appel de PARIS - Pôle 3 chambre 1 - RG n° 21/5812

 

DEMANDEURS AU DEFERE

 

Madame [N] [LZ] veuve [G]

 

née le 21 Juin 1928 à [Localité 16] (NOUVELLE-CALEDONIE)

 

[Adresse 9]

 

Madame [F], [OI] [G] épouse [R]

 

née le 03 Octobre 1954 à [Localité 15] (92)

 

[Adresse 10]

 

Monsieur [U] [G]

 

né le 22 Octobre 1956 à [Localité 15] (92)

 

[Adresse 2]

 

Monsieur [L] [G]

 

né le 08 Mai 1984 à [Localité 15] (92)

 

[Adresse 6]

 

Monsieur [S] [G]

 

né le 11 Décembre 1985 à [Localité 15] (92)

 

[Adresse 2]

 

Madame [E] [R]

 

née le 25 Septembre 1986 à [Localité 17])

 

[Adresse 3]

 

Monsieur [O] [R]

 

né le 09 Septembre 1988 à [Localité 17]

 

[Adresse 4]

 

Madame [J] [G] épouse [X]

 

née le 17 Janvier 1989 à [Localité 15] (92)

 

[Adresse 8]

 

représentés et plaidant par Me Hervé LEHMAN de la SCP AVENS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0286

 

DEFENDEURS AU DEFERE

 

Monsieur [A] [D]

 

né le 25 Novembre 1949 à [Localité 12] (13)

 

[Adresse 5]

 

Monsieur [M], [B], [C] [D]

 

né le 20 Août 1981 à [Localité 13] (92)

 

[Adresse 1] (ROYAUME-UNI)

 

Madame [P], [T], [Y] [D]

 

née le 15 Mars 1977 à [Localité 13] (92)

 

[Adresse 7]

 

représentés par Me Matthieu BOCCON GIBOD, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

 

ayant pour avocat plaidant Me Fadela HOUARI, avocat au barreau de PARIS, toque : G642

 

Société SMA VIE BTP, RCS PARIS n°775 684 772, ayant son siège social

 

[Adresse 11]

 

représentée par Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS - AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055

 

COMPOSITION DE LA COUR :

 

L'affaire a été débattue le 01 Juin 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

 

Mme Patricia GRASSO, Président

 

Mme Sophie RODRIGUES, Conseiller

 

Mme Isabelle PAULMIER-CAYOL, Conseiller

 

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme Patricia GRASSO dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

 

Greffier lors des débats : Mme Emilie POMPON

 

ARRET :

 

- contradictoire

 

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

 

- signé par Mme Patricia GRASSO, Président, et par Mme Emilie POMPON, Greffier.

 

EXPOSE DU LITIGE :

 

[V] [G] a souscrit deux contrats d'assurance-vie auprès de la société Sma Vie Btp, le premier le 18 décembre 1984 et le second le 22 septembre 1988.

 

Le 22 juin 2010, il a modifié la clause bénéficiaire de ses deux contrats pour y désigner M. [A] [D].

 

Par testament authentique du 6 juillet 2010, il a notamment, révoquant toute disposition testamentaire antérieure, privé de tout droit dans sa succession, Mme [N] [LZ], son épouse, et Mme [F] [R], M. [U] [G] et ses enfants, et institué pour légataire universel M. [A] [D] moyennant charge.

 

[V] [G] est décédé le 11 novembre 2016.

 

Par acte d'huissier du 1er juin 2017 et du 15 janvier 2018, Mme [N] [LZ], Mme [F] [R] et M. [U] [G] ont assigné M. [A] [D] et la société Sma Vie Btp devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins principalement de voir annuler le testament du 6 juillet 2010, annuler le changement de clause bénéficiaire des contrats d'assurance-vie du 22 juin 2010, et ordonner l'ouverture des opérations de compte liquidation et partage de la succession de [V] [G].

 

MM. [L], [S] et [O] [G] et Mmes [E] et [J] [G] sont intervenus volontairement à la procédure.

 

Par jugement du 4 mars 2021, le tribunal judiciaire de Paris a débouté les consorts [G] de leurs demandes.

 

Les consorts [G] ont interjeté appel de cette décision par déclaration du 25 mars 2021.

 

Par des conclusions du 7 septembre 2021, les consorts [D] ont saisi d'un incident le conseiller de la mise en état aux fins de voir prononcer la caducité de l'appel au motif que ces conclusions des appelants ne solliciteraient ni l'infirmation ni l'annulation du jugement entrepris.

 

Par une ordonnance sur incident rendue le 14 décembre 2021, le conseiller en charge de la mise en état a statué dans les termes suivants :

 

-prononçons la caducité de la déclaration d'appel de Mme [N] [LZ] veuve [G], Mme [F] [G] épouse [R], M. [U] [G], M. [L] [G], M. [S] [G], Mme [E] [R], M. [O] [R], Mme [J] [G] épouse [X] en date du 25 mars 2021,

 

-condamnons Mme [N] [LZ] veuve [G], Mme [F] [G] épouse [R], M. [U] [G], M. [L] [G], M. [S] [G], Mme [E] [R], M. [O] [R], Mme [J] [G] épouse [X] in solidum aux dépens,

 

-rejetons la demande de M. [A] [D], M. [M] [D] et Mme [P] [D] au titre l'article 700 du code de procédure civile.

 

Les consorts [G] ont déféré cette ordonnance à la cour le 23 décembre 2021.

 

Par conclusions récapitulatives du 30 mai 2022 les consorts [G] font les demandes suivantes :

 

-infirmer l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 14 décembre 2021,

 

-débouter Messieurs [A] [D] et [M] [D], et Mme [P] [D] de leurs demandes,

 

subsidiairement,

 

-saisir avant dire droit le Conseil d'Etat de la question préjudicielle suivante : Les articles 542, 809 et 954 du code de procédure civile, dans leur rédaction issue du décret du 6 mai 2017, sont-ils illégaux parce que contraires à l'article 16 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 en ce qu'ils frappent de caducité l'appel lorsque les conclusions prises par l'appelant dans le délai de trois mois de l'appel ne contiennent pas dans leur dispositif le mot réformation '

 

-surseoir à statuer dans l'attente de l'arrêt du Conseil d'Etat,

 

-condamner Messieurs [A] [D] et [M] [D], et Mme [P] [D] aux dépens de l'incident.

 

Par conclusions du 31 mai 2022 les consorts [D], intimés, demandent à la cour de :

 

Vus les articles 542, 908, 910-1, 910-4, 914, 954 du code de procédure civile,

 

Vue la jurisprudence,

 

Vu le jugement du 4 mars 2021,

 

Vue la déclaration d'appel du 25 mars 2021,

 

Vues les conclusions d'appelants du 23 juin 2021,

 

Vues les pièces,

 

-Déclarer Monsieur [A] [D], Monsieur [M] [D], Madame [P] [D], recevables et bien fondées en leurs fins, demandes et prétentions,

 

-Confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 14 décembre 2021 par Madame la Conseillère de la mise en état près la Cour d'appel de Paris,

 

Y ajouter,

 

-Condamner Madame [N] [Z] [DG] [LZ] veuve [G], Madame [F] [OI] [G] épouse [R], Monsieur [U] [H] [V] [G], Monsieur [L] [G], Monsieur [S] [G], Madame [E] [R], Monsieur [O] [R], Madame [J] [G] épouse [X], à régler la somme de 5.000 Euros à Monsieur [A] [D], Monsieur [M] [D], Madame [P] [D] en application de l'article 700 du Code de Procédure civile,

 

-Débouter Madame [N] [Z] [DG] [LZ] veuve [G], Madame [F] [OI] [G] épouse [R], Monsieur [U] [H] [V] [G], Monsieur [L] [G], Monsieur [S] [G], Madame [E] [R], Monsieur [O] [R], Madame [J] [G] épouse [X] de leurs demandes,

 

-Condamner Madame [N] [Z] [DG] [LZ] veuve [G], Madame [F] [OI] [G] épouse [R], Monsieur [U] [H] [V] [G], Monsieur [L] [G], Monsieur [S] [G], Madame [E] [R], Monsieur [O] [R], Madame [J] [G] épouse [X], aux entiers dépens.

 

L'affaire a été appelée à l'audience du 1er juin 2022.

 

MOTIFS DE LA DECISION

 

Sur la caducité de la déclaration d'appel

 

Les demandeurs à l'incident font valoir que les textes du code de procédure civile sont non équivoques mais que la jurisprudence récente de la 2° chambre de la Cour de Cassation que le conseiller de la mise en état a appliquée est inadéquate, et probablement provisoire.

 

Ils l'estiment contraire aux textes, inutile, contraire aux principes fondamentaux de la procédure civile et enfin injuste et s'appuient sur des articles de doctrine.

 

En comparant les article 542 et 954 du code de procédure civile dans leur rédaction initiale et dans leur nouvelles rédaction, ils estiment qu'il n'appartient pas à la Cour de cassation de réécrire la loi, même pour l'avenir, mais de l'interpréter lorsqu'il existe un doute sur son sens.

 

Invitant la cour à ne pas suivre la jurisprudence qu'ils critiquent, ils invoquent l'article L431-6 du code de l'organisation judiciaire qui dispose que l'assemblée plénière de la Cour de cassation peut être saisie lorsque l'affaire pose une question de principe, notamment s'il existe des solutions divergentes entre les juges du fond ou entre les juges du fond et la Cour de cassation.

 

Les défendeurs au déféré répondent que cette jurisprudence est aujourd'hui fixée et suivie par les juridictions du fond nonobstant les quelques jurisprudences visées par les consorts [G] qui ne correspondent pas aux circonstances de l'affaire en cause ; qu'elle répond à la hiérarchie des normes ; que son inutilité alléguée ne constitue nullement un critère prévu par l'article L. 431-6 du code de l'organisation judiciaire ; que la caducité ne saurait constituer une atteinte au droit à un procès équitable déjà conventionnellement contrôlé, ni une atteinte disproportionnée au droit d'accès au juge.

 

L'article 542 du code de procédure civile énonce que « L'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent. »

 

Selon l'article 901 4° du même code, la déclaration d'appel est faite par acte contenant, à peine de nullité, notamment les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité.

 

L'article 908 du code de procédure civile énonce que « A peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office, l'appelant dispose d'un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel pour remettre ses conclusions au greffe. »

 

Aux termes de l'article 954 du même code, les conclusions d'appel comprennent notamment l'énoncé des chefs de jugement critiqués et les prétentions qui doivent être récapitulées dans un dispositif, la cour ne statuant que sur les prétentions énoncées au dispositif.

 

Par arrêt du 17 septembre 2017, la Cour de Cassation a déduit des article 542 et 954 du code de procédure civile que si l'appelant n'a pas mentionné dans le dispositif de ses conclusions l'infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l'anéantissement, ou l'annulation du jugement, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement.

 

Elle a cependant prévu, pour respecter les dispositions de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qu'il ne pouvait y avoir application immédiate de ces sanctions dans les instances introduites par une déclaration d' appel antérieure à son arrêt du 17 septembre 2020.

 

La modulation dans temps de la solution nouvelle a été précisée par deux arrêts rendus le 20 mai 2021.

 

Par arrêt du 31 janvier 2019, la Cour de Cassation, se fondant sur les articles 908 et 954 du code de procédure civile, a rejeté le pourvoi formé contre un arrêt de la cour d'appel de Montpellier qui avait confirmé l'ordonnance du conseiller de la mise en état ayant prononcé la caducité de la déclaration d'appel, au motif que les seules conclusions d'appelant prises dans le délai prévu par l'article 908 comportaient un dispositif qui ne concluait pas à l'infirmation, totale ou partielle, du jugement déféré et ne déterminaient donc pas l'objet du litige porté devant la cour d'appel.

 

Par arrêt du 9 septembre 2021, la Cour de Cassation a une nouvelle fois déduit des articles 908 et 954 du code de procédure civile que si les conclusions d'appelant prises dans le délai prévu par l'article 908 comportaient un dispositif qui ne concluait pas à l'infirmation, totale ou partielle, du jugement déféré, elles ne déterminaient pas l'objet du litige porté devant la cour d'appel, la caducité de la déclaration d'appel étant alors encourue, au motif que cette sanction, qui permet d'éviter de mener à son terme un appel irrémédiablement dénué de toute portée pour son auteur, poursuit un but légitime de célérité de la procédure et de bonne administration de la justice.

 

La Cour de Cassation a précisé dans sa réponse que cette seconde sanction ne résultait pas de son analyse nouvelle contenue à l'arrêt du 17 septembre 2020, de sorte que cette règle n'entrait pas dans le champ du différé d'application que cet arrêt a retenu en vue de respecter le droit à un procès équitable.

 

Enfin, par arrêt du 4 novembre 2021, rendu au visa des articles 542 et 954 du code de procédure civile et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en rappelant la coexistence des deux sanctions, la Cour de cassation a précisé que la portée donnée aux articles 542 et 954 du code de procédure civile qui, conforme à l'état du droit applicable depuis le 17 septembre 2020 résultant de l'interprétation nouvelle de dispositions au regard de la réforme de la procédure d'appel avec représentation obligatoire issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, devait être prévisible pour les parties à la date à laquelle elles ont relevé appel pour leur garantir le droit d'un procès équitable au sens de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

 

Coexistent ainsi deux sanctions lorsque l'appelant n'a pas mentionné dans le dispositif de ses conclusions l'infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l'anéantissement, ou l'annulation du jugement puisque la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement, sauf la faculté qui lui est reconnue à l'article 914 du code de procédure civile de relever d'office la caducité de l'appel. Lorsque l'incident est soulevé par une partie, ou relevé d'office par le conseiller de la mise en état, ce dernier, ou le cas échéant, la cour d'appel statuant sur déféré, prononce la caducité de la déclaration d'appel si les conditions sont réunies.

 

Si la sanction de la caducité de la déclaration d'appel coexiste avec celle de la confirmation du jugement, dans les deux cas, elles ne sont applicables que lorsque la déclaration d'appel aura été formée postérieurement au 17 septembre 2020.

 

La Cour de Cassation dans sa construction jurisprudentielle ci-dessus décrite, pour contrôler la conformité de la sanction de la caducité à l'article 6, § 1 de la Convention européenne des règles de procédure limitant l'accès au juge, a mis en 'uvre un contrôle in abstracto de proportionnalité qui s'inscrit dans le principe de sécurité juridique et dans l'égalité des justiciables devant des règles procédurales prévisibles, accessibles et lisibles, l'interprétation de la règle procédurale à l'aune de l'article 6, § 1 de la Convention européenne devant avant tout être uniforme pour chaque type de procédure.

 

Il résulte de la combinaison des articles 542, 901- 4°, 908 et 954 du code de procédure civile que :

 

- la partie qui entend voir infirmer des chefs du jugement critiqué doit formuler des prétentions en ce sens dans le dispositif de ses conclusions d'appel,

 

- les conclusions d'appelant doivent comporter, en vue de l'infirmation du jugement frappé d'appel, des prétentions sur le litige,

 

-dans le cas où l'appelant n'a pas pris, dans le délai de l'article 908, de conclusions comportant, en leur dispositif, de telles prétentions, la caducité de la déclaration d'appel est encourue.

 

Dès lors que dans l'hypothèse où l'appelant n'a pas mentionné dans le dispositif de ses conclusions l'infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l'anéantissement, ou l'annulation du jugement, la cour, au fond, ne pourrait que confirmer la décision dont appel, ne pas prononcer la caducité de la déclaration d'appel reviendrait à laisser inutilement se poursuivre un recours devenu sans portée pour l'appelant et serait contraire à la juste recherche de célérité de la procédure et à une bonne administration de la justice.

 

La cour entend donc suivre cette jurisprudence très largement respectée par les juges du fond, les arrêts cités par les consorts [G] comme dissidents n'étant transposables ni en fait ni en droit.

Aucune question de principe ne se pose en l'état et les conditions d'une saisine de l'assemblée plénière prévues par l'article 431-6 du code de l'organisation judiciaire, qui ne sont pas remplies, ne sont en tout état de cause pas applicables dans la présente procédure.

 

En l'espèce, les consorts [G] ont interjeté appel par déclaration du 25 mars 2021.

 

Le dispositif de leurs premières conclusions d'appelants, remises au greffe et notifiées le 23 juin 2021, est rédigé comme suit :

 

« Vu les articles 901, 912 et 913, 1402, 1403 et 1422 du code civil, L312-13 du code des assurances,

 

Il est demandé au tribunal (sic) de :

 

- ordonner les opérations de liquidation-partage de la succession de Monsieur [V] [G], décédé le 11 novembre 2016 à [Localité 19] (92), et dont le dernier domicile était à [Adresse 18];

 

- commettre à cet effet Monsieur le Président de la chambre départementale des notaires de Paris;

 

- annuler le testament authentique dressé par devant Maître [I] [W], notaire à [Localité 14] le 6 juillet 2010 ;

 

- annuler la lettre de changement de clause bénéficiaire des contrats d'assurance-vie SMA BTP Batiretraite n°s 940365692 1000 et 1001 du 22 juin 2010 ;

 

a titre subsidiaire,

 

Sur la succession

 

- dire et juger que la succession de Monsieur [G] doit être répartie dans les proportions suivantes :

 

* un tiers pour Monsieur [U] [G],

 

* un tiers pour Madame [K] [G], épouse [R],

 

* les deux tiers du tiers à parts égales entre Mesdames et Messieurs [L] [G], [S] [G],

 

[E] [R], [O] [R], [J] [G],

 

* un neuvième (soit un tiers du tiers) à Monsieur [A] [D] ;

 

Sur les assurances-vie :

 

- dire et juger que la moitié des primes et les fruits des contrats d'assurance-vie doivent revenir à Madame [N] [LZ], veuve [G], au titre du partage de la communauté,

 

- dire et juger que le surplus constitue une donation indirecte au profit de Monsieur [A] [D] et sera soumis à réduction,

 

à titre infiniment subsidiaire, sur les assurances-vie :

 

- dire et juger que les primes versées par Monsieur [V] [G] sont manifestement excessives et sont sujettes à réduction,

 

- en conséquence ordonner à la SMA VIE de verser le montant des primes au notaire commis pour le règlement de la succession de Monsieur [V] [G], ou à tout le moins à Monsieur le Bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Paris en qualité de séquestre jusqu'à l'évaluation de la réduction.

 

- condamner Monsieur [A] [D] à payer aux demandeurs la somme de 15 000 € au titre de l'article 700 du CPC ;

 

- le condamner aux dépens dont distraction au profit de Maître Hervé Lehman. »

 

Par conclusions du 7 septembre 2021, les consorts [D] ont saisi le conseiller de la mise en état d'un incident aux fins de voir prononcer la caducité de la déclaration d'appel.

 

C'est par une exacte analyse de l'état du droit résultant des décisions de la Cour de Cassation que le conseiller de la mise en état a relevé que les conclusions des appelants remises au greffe dans le délai prévu à l'article 908 du code de procédure civile ne comportant pas, dans leur dispositif, une mention expresse tendant à l'infirmation ou à l'annulation du jugement frappé d'appel, la caducité était en courue nonobstant la faculté concurrente de la cour d'appel de sanctionner cette omission par la confirmation du jugement et que cette sanction permettait d'éviter de mener à son terme un appel irrémédiablement dénué de toute portée pour ses auteurs et qu'elle poursuivait un but légitime de célérité de la procédure et de bonne administration de la justice.

 

La déclaration d'appel étant datée du 25 mars 2021, c'est également à juste titre qu'a été écartée toute violation de l'article 6 de la convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et du droit d'accès au juge d'appel.

 

L'ordonnance entreprise sera donc confirmée.

 

Sur la demande de transmission d'une question préjudicielle au Conseil d'Etat

 

Les demandeurs au déféré font valoir que dans le cas présent, la caducité de l'appel prononcée parce que le dispositif des conclusions ne contient pas le mot « réformation » porte une atteinte disproportionnée au droit à un recours effectif au regard de l'objectif d'intérêt général poursuivi, qui est la célérité de la procédure d'appel, et ce d'autant que l'absence du mot réformation n'a aucune incidence sur cette célérité, ni d'ailleurs sur quoi que ce soit.

 

Ils font référence à des décisions du Conseil Constitutionnel et soutiennent qu'il appartient au juge administratif d'apprécier le respect des exigences constitutionnelles par le pouvoir réglementaire.

 

Les défendeurs au déféré répondent que les demandes formulées par les consorts [G] ne relèvent pas de la compétence du Conseil d'état, la juridiction de céans n'étant nullement confrontée à une difficulté la conduisant à apprécier l'existence ou la légalité d'une décision administrative ; que cette demande subsidiaire est donc irrecevable et mal fondée.

 

La question dont la transmission est demandée est ainsi rédigée : »Les articles 542, 809 et 954 du code de procédure civile, dans leur rédaction issue du décret du 6 mai 2017, sont-ils illégaux parce que contraires à l'article 16 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 en ce qu'ils frappent de caducité l'appel lorsque les conclusions prises par l'appelant dans le délai de trois mois de l'appel ne contiennent pas dans leur dispositif le mot réformation ' »

 

Aux termes de l'article 61-1 de la Constitution : " Lorsque à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. "

 

Il résulte de cet article que seul un texte de nature législative peut donner lieu à question prioritaire de constitutionnalité or la demande tend à voir poser la question de la constitutionnalité des articles 542, 809 et 954 du code de procédure civile, qui sont de nature réglementaire.

 

Il résulte de l'article 49 du code de procédure civile en vigueur depuis le 1er avril 2015 sur lequel se fondent les consorts [G], que 'Toute juridiction saisie d'une demande de sa compétence connaît, même s'ils exigent l'interprétation d'un contrat, de tous les moyens de défense à l'exception de ceux qui soulèvent une question relevant de la compétence exclusive d'une autre juridiction.

 

Lorsque la solution d'un litige dépend d'une question soulevant une difficulté sérieuse et relevant de la compétence de la juridiction administrative, la juridiction judiciaire initialement saisie la transmet à la juridiction administrative compétente en application du titre Ier du livre III du code de justice administrative. Elle sursoit à statuer jusqu'à la décision sur la question préjudicielle.'

 

L'article 16 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 qui dispose que : « Toute Société dans laquelle la garantie des Droits n'est pas assurée, ni la séparation des Pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » pose le principe de la séparation des pouvoirs ; ainsi, le juge judiciaire n'a pas le pouvoir d'apprécier la légalité des actes administratifs à moins qu'ils ne portent atteinte à la liberté individuelle.

 

Or, la question porte non pas sur la légalité des articles 542, 908 et 954 du code de procédure civile mais sur l'interprétation prétorienne qu'en a faite la Cour de Cassation et la portée qu'elle leur a donnée. La Cour de cassation n'étant pas une autorité administrative, la critique de cette interprétation ne peut donner lieu à une question préjudicielle devant le Conseil d'Etat par application de l'article 49 du code de procédure civile.

 

La Cour de Cassation a d'ores et déjà tranché la question de la conformité de son analyse à l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de sorte que la question n'est ni nouvelle, ni sérieuse.

 

L'accès au juge d'appel ne s'en trouve pas limité dès lors que la déclaration d'appel est postérieure au 17 septembre 2020 et que lorsque la représentation par un avocat est imposée comme en l'espèce, il est impossible de prétendre que l'entrave est disproportionnée, le « professionnel avisé » étant en mesure d'accomplir les actes de la procédure selon le formalisme prévu.

 

En outre, si l'avocat constitué a été dans l'impossibilité de respecter la règle procédurale, il peut échapper à la sanction en invoquant la force majeure dont le conseiller de la mise en état apprécie alors in concreto si les conditions en sont réunies.

 

En l'absence d'une difficulté sérieuse relevant de la compétence exclusive du juge administratif, il n'apparaît pas nécessaire à la solution du présent litige de surseoir à statuer dans l'attente d'une décision de ce juge.

 

Par suite la demande sera rejetée.

 

Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

 

Il convient, en application de cette disposition, de condamner les appelants aux dépens.

 

L'équité commande de faire droit à la demande des intimés présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; les appelants sont condamnés à leur verser à ce titre la somme visée au dispositif de la présente décision.

 

PAR CES MOTIFS

 

La cour,

 

Confirme l'ordonnance entreprise ;

 

Y ajoutant,

 

Condamne Mme [N] [LZ] veuve [G], Mme [F] [G] épouse [R], M. [U] [G], M. [L] [G], M. [S] [G], Mme [E] [R], M. [O] [R], Mme [J] [G] épouse [X] in solidum à payer à Monsieur [A] [D], Monsieur [M] [D], Madame [P] [D] une indemnité de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

 

Condamne Mme [N] [LZ] veuve [G], Mme [F] [G] épouse [R], M. [U] [G], M. [L] [G], M. [S] [G], Mme [E] [R], M. [O] [R], Mme [J] [G] épouse [X] in solidum aux dépens.

 

Le Greffier, Le Président,