Cour d'Appel de Paris

Arrêt du 24 juin 2022 n° 19/09525

24/06/2022

Non renvoi

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

 

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D'APPEL DE PARIS

 

Pôle 6 - Chambre 13

 

ARRÊT DU 24 Juin 2022

 

(n° , 8 pages)

 

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 19/09525 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAUN6

 

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 02 Septembre 2019 par le Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY RG n° 19/01468

 

APPELANTE

 

Association [5]

 

[Adresse 2]

 

[Localité 4]

 

représentée par Me Manuel DAMBRIN, avocat au barreau de PARIS, toque : C1894 substitué par Me Tristan AUBRY-INFERNOSO, avocat au barreau de PARIS

 

INTIMEE

 

POLE EMPLOI, établissement public national, pris en son établissement de Pôle emploi services

 

[Adresse 1]

 

[Adresse 1]

 

[Localité 3]

 

représentée par Me Christina GOURDAIN, avocat au barreau de MEAUX, toque : D1205

 

COMPOSITION DE LA COUR :

 

L'affaire a été débattue le 31 Mars 2022, en audience publique et double rapporteur, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Laurence LE QUELLEC, Présidente de chambre, et Monsieur Raoul CARBONARO, Président de chambre, chargés du rapport.

 

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

 

Madame Laurence LE QUELLEC, Présidente de chambre

 

Monsieur Raoul CARBONARO, Président de chambre

 

Monsieur Gilles REVELLES, Conseiller

 

Greffier : Madame Alice BLOYET, lors des débats

 

ARRET :

 

- CONTRADICTOIRE

 

- prononcé

 

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

 

-signé par Madame Laurence LE QUELLEC, Présidente de chambre et par Madame Alice BLOYET, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

 

L'association [5] ([5]) a procédé au licenciement économique de Mme [Z] [K].

 

Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 26 octobre 2018, Pôle emploi services a mis en demeure l'association [5] d'avoir à payer la somme de 15 952,30 euros correspondant à 15 021 euros au titre de la participation au financement du contrat de sécurisation professionnelle de Mme [K], montant de l'indemnité de préavis (3 mois de salaire) et 931,30 euros au titre des majorations de retard.

 

Le 18 janvier 2019, Pôle emploi services a émis une contrainte, signifiée le 24 janvier 2019 à l'association [5] d'un montant total de 15 952,30 euros. Le 1er février 2019, l'association [5] a formé opposition à ladite contrainte devant le tribunal de Grande Instance de Bobigny.

 

Par écrit distinct du 12 avril 2019, l'association a posé une question prioritaire de constitutionnalité portant sur les dispositions de l'article L.1233-66 du code du travail.

 

Par jugement du 02 septembre 2019 rendu sous le numéro de RG 19/01468, le tribunal a :

 

'déclaré recevable la question prioritaire de constitutionnalité formée par l'association [5] sur le fondement de l'article 126-2 du code de procédure civile ;

 

'dit que la question posée est dénuée de caractère sérieux ;

 

'débouté en conséquence l'association [5] de sa demande de transmission à la Cour de cassation de la question prioritaire de constitutionnalité qu'elle soumet ;

 

'dit n'y avoir lieu à surseoir à statuer ;

 

'dit que le service du contentieux social du tribunal de grande instance de Bobigny est dessaisi du moyen tiré de la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par l'association [5] dans le cadre de l'instance n°19/00507.

 

Le jugement a été notifié par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception remise le 06 septembre 2019 à l'Association [5] et précisant que la décision de refus de transmission ne pouvait être contestée qu'à l'occasion d'un recours formé contre une décision tranchant tout ou partie du litige.

 

Par jugement du 02 septembre 2019 rendu en premier ressort portant le n° RG 19/00507, le pôle social du tribunal de grande instance a :

 

'déclaré recevable l'opposition formée par l'association [5] à l'encontre de la contrainte délivrée à la requête de l'Etablissement public national Pôle emploi, pris en son établissement de Pôle emploi services datée du 18 janvier 2019 et signifiée le 24 janvier 2019, à hauteur de la somme de 15 952,30 euros au titre du contrat de sécurisation professionnelle de Mme [Z] [K] ;

 

'rejeté la fin de non recevoir soulevée par l'association [5] au motif du défaut d'intérêt à agir de l'Etablissement public national Pôle emploi pris en son établissement de Pôle emploi services;

 

'débouté l'association [5] de sa demande d'annulation de la contrainte délivrée à la requête de l'Etablissement public national Pôle emploi pris en son établissement de Pôle emploi services datée du 18 janvier 2019 et signifiée le 24 janvier 2019 ;

 

'validé la contrainte délivrée à la requête de l'Etablissement public national Pôle emploi pris en son établissement de Pôle emploi services datée du 18 janvier 2019 et signifiée le 24 janvier 2019 à l'association pour son entier montant, soit la somme de 15 952,30 euros correspondant à 15 021 euros d'indemnité de préavis et 931,30 euros de majorations de retard au titre du contrat de sécurisation professionnelle de Mme [Z] [K] ;

 

' condamné l'association [5] prise en la personne de son représentant légal, à payer à l'Etablissement public national Pôle emploi pris en son établissement de Pôle emploi services la somme de 16 025,03 euros correspondant à la contrainte, pour un montant de 15 952,30 euros, ainsi qu'aux frais de signification de la contrainte, pour un montant de 72,73 euros ;

 

'condamné l'association [5], prise en la personne de son représentant légal, à payer à l'Etablissement public national Pôle emploi pris en son établissement de Pôle emploi services la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

 

'condamné l'association [5], prise en la personne de son représentant légal, à une amende civile de 1 000 euros ;

 

'condamné l'association [5], prise en la personne de son représentant légal, aux dépens ;

 

'débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

 

Le jugement a été notifié par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception remise le 04 septembre 2019 à l'association [5] qui en a interjeté appel ainsi que du jugement rendu sur la question prioritaire de constitutionnalité par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception adressée 19 septembre 2019.

 

Par mémoire écrit distinct parvenu à la cour le 11 février 2021 visé et développé oralement à l'audience par son avocat, l'association [5] demande à la cour de transmettre à la Cour de cassation la question prioritaire de constitutionnalité suivante :

 

« Les dispositions de l'article L.1233-66 du Code du travail, en ce qu'elles mettent à la charge des seules entreprises de moins de 1.000 salariés, et sans faire de distinction entre toutes les entreprises de moins de 1.000 salariés, le contrat de sécurisation professionnelle, méconnaissent-elles les droits et libertés garantis par la Constitution et, en particulier, par l'article 13 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 ' ».

 

L'association [5] invoque en substance que les dispositions de l'article L.1233-66 du code du travail sont applicables au litige ; qu'elles n'ont pas été déclarées conformes à la Constitution ; que la question présente un caractère sérieux ; que le groupe de mots " dans les entreprises non soumises à l'article L.1233-71" présent au début de l'article L.1233-66 du code du travail, a pour conséquence d'exclure les entreprises de plus de 1 000 salariés du dispositif " contrat de sécurisation professionnelle" ; que cela créé une rupture d'égalité entre les entreprises de plus de 1 000 et de moins de 1 000 salariés ; que l'application d'un dispositif distinct entre les entreprises de moins de 1 000 salariés et celles en ayant au moins 1 000, engendre des conséquences financières dont rien de justifie l'inégalité ; que le CSP est financé par une contribution forfaitaire correspondant au montant qui aurait dû être versé au salarié au titre de son préavis, dans la limite de trois mois de salaire, majoré du montant des charges sociales salariales afférentes ; qu'il s'agit donc d'une taxe, dans la mesure où le montant versé par l'employeur vise à financer pour partie les mesures proposées aux salariés, lesquelles sont prises en charge par Pôle emploi; qu'en tout état de cause le principe de valeur constitutionnelle d'égalité devant les charges publiques demeure applicable à tout concours financier demandé à une catégorie de personnes dans l'intérêt général ; qu'en cas d'acceptation du CSP, l'employé est dispensé de préavis ; que l'employeur se retrouve dans l'obligation de supporter le coût du préavis sans pouvoir en tirer le moindre bénéfice et doit également supporter les risques que fait courir le départ sans délai d'un de ses salariés, sur l'organisation de son entreprise ; que l'association est une micro-entreprise qui s'est retrouvée dans l'obligation de fermer plusieurs de ses centres pour des raisons qu'elle ne pouvait anticiper et sur laquelle on fait peser, en plus des difficultés économiques, les conséquences d'un dispositif au coût exorbitant, et auquel échappent les entreprises qui auraient, les moyens de l'assumer ; que l'article L.1233-71 applicable aux entreprises de plus de 1 000 salariés prévoit un congé de reclassement qui débute au cours du préavis, mais à la différence du CSP le contrat de travail est maintenu ; que le congé de reclassement permet à l'employeur d'investir dans le capital humain et de bénéficier, des sommes versées au titre de ce congé, qui ne constituent dès lors plus une simple taxe ; que les entreprises d'au moins 1 000 salariés disposent de moyens financiers et humains tels qu'une rupture contractuelle sans préavis ne serait pas de nature à créer une grave désorganisation et à mettre en péril l'avenir de l'entreprise ; que l'article L. 1233-66 du code du travail créé un profond déséquilibre entre les entreprises de moins de 1 000 salariés et d'au moins 1 000 salariés, qui rompt leur égalité devant les charges publiques.

 

Elle ajoute que cela créé également une rupture d'égalité devant les charges publiques entre les micros entreprises et les petites et moyennes entreprises ; que l'article 3 du décret n°2008- 1354 du 18 décembre 2008 relatif aux critères permettant de déterminer la catégorie d'appartenance d'une entreprise, prévoit que les micro entreprises ont un effectif inférieur à 10 personnes, que les petites et moyens entreprises ont entre 10 et 249 salariés et que les entreprises de taille intermédiaire occupent entre 250 et 4 999 salariés ; que l'article L.1233-66 du code du travail créé une seule distinction, entre les entreprises de moins de 1 000 salariés et celles d'au moins 1 000 salariés ; que cette disposition ne prend pas en compte les différences consacrées par le décret susmentionné, qui reconnaît quatre formes d'entreprises qui, par leur nature, connaissent des situations qui n'ont pas de rapport les unes entre les autres ; qu'il existe des différences entre les entreprises de 999 salariés et celles de 9 salariés, auxquelles on applique néanmoins un régime identique ; qu'il existe une rupture de l'égalité devant les charges publiques entre les entreprises les plus petites et celles beaucoup plus grandes, qui ont plus de moyens ; que la contribution versée au titre du CSP par l'entreprise dont l'effectif est proche de 1 000 salariés sans pouvoir bénéficier du maintien en poste de son salarié pendant la période de préavis a nécessairement un impact moindre que celui subi par une entreprise dont l'effectif se réduit à quelques salariés.

 

Elle conclut que l'article L.1233-66 du code du travail doit être considéré comme méconnaissant l'article 13 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 et l'alinéa 7 du préambule de la Constitution de 1946.

 

Par ses conclusions écrites soutenues oralement et déposées à l'audience par son conseil, Pôle emploi, pris en son établissement de Pôle emploi services demande à la cour de confirmer le jugement, dire n'y avoir lieu à transmission de la question à la Cour de cassation du fait de l'absence de caractère sérieux, condamner l'association [5] à payer la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

 

Pôle emploi, pris en son établissement de Pôle emploi services soutient en substance que le moyen selon lequel l'article L.1233-66 du code du travail crée une rupture d'égalité devant les charges sociales entre les entreprises de plus de 1 000 salariés et entreprises de moins de 1 000 salariés n'est pas sérieux puisque le dispositif applicable aux entreprises de plus de 1 000 salariés est également contraignant ; qu'en effet, ces employeurs doivent proposer à leurs salariés licenciés pour motif économique le dispositif du congé de reclassement ; que ce congé de reclassement doit être effectué pendant le préavis dont le salarié est dispensé et que l'employeur doit mettre en place des actions spécifiques de formations des salariés ; que les articles L.1233-72 et L.4123-2 du même code précisent que la rémunération du salarié pendant le congé de reclassement est prise en charge par l'employeur ; que ces actions ne se font donc pas au bénéfice de l'entreprise qui les finance ; que le dispositif en place ne génère aucune inégalité entre les entreprises de plus de 1 000 salariés et les entreprises de moins de 1 000 salariés.

 

Pôle emploi, ajoute que le moyen de la rupture d'égalité entre les micros entreprises et les petites et moyennes entreprises ne saurait tenir puisque ces différents types d'entreprises sont traitées de la même manière par la loi et que l'association ne peut sérieusement affirmer que la santé financière d'une petite entreprise serait automatiquement plus mauvaise que celle d'une entreprise plus importante procédant à des licenciements pour motifs économiques.

 

Par observations communiquées le 10 mars 2022, le ministère public est d'avis que la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par l'association [5] ne présente pas le caractère sérieux requis pour être transmise à la Cour de cassation.

 

Il expose que l'article 13 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 dispose que : « pour l'entretien de la force publique et pour les dépenses d'administration une contribution commune est indispensable, elle doit être également répartie entre tous les citoyens en raison de leurs facultés » ; que le principe d'égalité devant les charges publiques posé par cet article n'interdit cependant pas au législateur de traiter de manière différenciée des situations juridiques différentes ; qu'il apprécie objectivement et rationnellement les facultés contributives pour chaque situation juridique distincte en fonction des buts qu'il se propose sans que cela puisse entraîner une rupture d'égalité devant les charges publiques ; que le Conseil Constitutionnel a confirmé cette faculté offerte au législateur ; que le financement du contrat de sécurisation professionnelle a été laissé à la charge des employeurs de moins de mille salariés et celui du congé de reclassement à la charge des employeurs de plus de mille salariés ; qu'il est constant que les entreprises de moins de 1 000 salariés et celles de plus de 1 000 salariés sont placées dans des situations différentes appelant un traitement différencié ; qu'il n'est pas démontré que cette différenciation entraînerait des conséquences financières plus lourdes pour les entreprises de moins de 1 000 salariés ; que de plus la contribution financière instituée par l'article L.1233-66 du code du travail s'applique à toute entreprise de moins de 1 000 salariés, créant pour l'employeur une charge financière dont le montant total reste proportionnel au nombre de salariés concernés et le dispensant en tout état de cause du versement de l'indemnité compensatrice de préavis ; qu'il n'en résulte donc aucune rupture d'égalité entre les entreprises de moins de 1 000 salariés.

 

SUR CE :

 

- Sur le recours à l'encontre du jugement ayant refusé de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité :

 

En application de l'article 126-7 du code de procédure civile, la décision de refus de transmission ne peut être contestée qu'à l'occasion d'un recours formé contre une décision tranchant tout ou partie le litige. Dès lors l'appel du jugement ayant refusé de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité est sans objet. Toutefois, une nouvelle QPC a été présentée à l'occasion de l'appel du jugement rendu au fond. Il y a donc lieu de l'étudier dans ce cadre.

 

- Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

 

La question n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel et la disposition contestée est applicable au litige.

 

Cependant, la question posée ne présente pas un caractère sérieux.

 

- Sur la rupture d'égalité devant les charges publiques entre les entreprises de moins de 1 000 salariés et celles de plus de 1 000 salariés :

 

Si l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 n'interdit pas de faire supporter, pour un motif d'intérêt général, à certaines catégories de personnes des charges particulières, il ne doit pas en résulter de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques.

 

Le principe constitutionnel d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations distinctes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des motifs d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit.

 

En l'espèce, l'article L.1233-66 du code du travail, dans sa version applicable au litige, dispose que :

 

"Dans les entreprises non soumises à l'article L.1233-71, l'employeur est tenu de proposer, lors de l'entretien préalable ou à l'issue de la dernière réunion des représentants du personnel, le bénéfice du contrat de sécurisation professionnelle à chaque salarié dont il envisage de prononcer le licenciement pour motif économique. Lorsque le licenciement pour motif économique donne lieu à un plan de sauvegarde de l'emploi dans les conditions prévues aux articles L.1233-24-2 et L.1233-24-4, cette proposition est faite après la notification par l'autorité administrative de sa décision de validation ou d'homologation prévue à l'article L.1233-57-4.

 

A défaut d'une telle proposition, l'institution mentionnée à l'article L.5312-1 propose le contrat de sécurisation professionnelle au salarié. Dans ce cas, l'employeur verse à l'organisme chargé de la gestion du régime d'assurance chômage mentionné à l'article L. 5427-1 une contribution égale à deux mois de salaire brut, portée à trois mois lorsque son ancien salarié adhère au contrat de sécurisation professionnelle sur proposition de l'institution mentionnée au même article L.5312-1.

 

La détermination du montant de cette contribution et son recouvrement, effectué selon les règles et sous les garanties et sanctions mentionnées au premier alinéa de l'article L.5422-16, sont assurés par l'institution mentionnée à l'article L.5312-1. Les conditions d'exigibilité de cette contribution sont précisées par décret en Conseil d'Etat.'

 

L'article L.1233-71 du code du travail, dans sa version applicable, dispose que :

 

"Dans les entreprises ou les établissements d'au moins mille salariés, ainsi que dans les entreprises mentionnées à l'article L. 2331-1 et celles répondant aux conditions mentionnées aux articles L. 2341-1 et L. 2341-2, dès lors qu'elles emploient au total au moins mille salariés, l'employeur propose à chaque salarié dont il envisage de prononcer le licenciement pour motif économique un congé de reclassement qui a pour objet de permettre au salarié de bénéficier d'actions de formation et des prestations d'une cellule d'accompagnement des démarches de recherche d'emploi.

 

La durée du congé de reclassement ne peut excéder douze mois.

 

Ce congé débute, si nécessaire, par un bilan de compétences qui a vocation à permettre au salarié de définir un projet professionnel et, le cas échéant, de déterminer les actions de formation nécessaires à son reclassement. Celles-ci sont mises en oeuvre pendant la période prévue au premier alinéa.

 

L'employeur finance l'ensemble de ces actions."

 

L'article L.1233-72 du code du travail, dans sa version en vigueur du 1er mai 2008 au 16 décembre 2020 dispose que :

 

"Le congé de reclassement est pris pendant le préavis, que le salarié est dispensé d'exécuter.

 

Lorsque la durée du congé de reclassement excède la durée du préavis, le terme de ce dernier est reporté jusqu'à la fin du congé de reclassement.

 

Le montant de la rémunération qui excède la durée du préavis est égal au montant de l'allocation de conversion mentionnée au 3° de l'article L.5123-2. Les dispositions des articles L.5123-4 et L.5123-5 sont applicables à cette rémunération."

 

Ainsi que le relève l'association [5], les entreprises de moins de 1 000 et de plus de 1 000 salariés sont placées dans des situations différentes ; cela justifie qu'elles fassent l'objet de règles différentes quant à l'application du contrat de sécurisation professionnelle pour les premières et du congé de reclassement pour les secondes.

 

L'association [5] ne saurait tirer de la circonstance que dans le cas où le salarié adhère au contrat de sécurisation professionnelle, le salarié est automatiquement dispensé de préavis, que l'employeur se retrouve dans l'obligation de supporter le coût du préavis sans pouvoir en tirer le moindre bénéfice, alors que dans le cadre du congé de reclassement qui débute au cours du préavis, le contrat de travail est maintenu, ce qui permettrait à l'employeur de bénéficier de façon plus ou moins directe des sommes versées au titre de ce congé, alors que la législation prévoit que dans le cadre du congé de reclassement qui est pris pendant le préavis, le salarié est dispensé d'exécuter ledit préavis, que l'employeur est tenu de régler outre de financer l'ensemble des actions.

 

En conséquence, et contrairement à ce qui est invoqué il n'existe pas de déséquilibre entre les entreprises de moins de 1 000 salariés et d'au moins 1 000 salariés au titre de la période du préavis, ni de rupture d'égalité devant les charges publiques au détriment des entreprises de moins de 1 000 salariés.

 

- Sur la rupture d'égalité devant les charges publiques entre les micros entreprises et les petites et moyennes entreprises :

 

L'association [5] ne saurait utilement se prévaloir de ce que selon l'article 13 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, des situations différentes doivent être traités différemment, à moins de rompre l'égalité devant les charges publiques et que contrairement à l'article 3 du décret n°2008-1354 du 18 décembre 2008 relatif aux critères permettant de déterminer la catégorie d'appartenance d'une entreprise, l'article L.122-66 du code du travail créé une seule distinction entre les entreprises de moins de 1 000 salariés et celles d'au moins 1 000 salariés.

 

En effet, la contribution au titre du contrat de sécurisation professionnelle instituée par l'article L.1233-66 du code du travail s'applique bien à toute entreprise de moins de 1 000 salariés et crée pour l'employeur, quel que soit son effectif dès lors qu'il ne dépasse pas 1 000 salariés, et quel que soit sa catégorie d'appartenance, une charge financière dont le montant reste proportionnel au nombre de salariés concernés, qui affecte indifféremment toutes les catégories d'entreprises.

 

Par suite, il ne saurait y avoir rupture d'égalité devant les charges publiques entre les entreprises les plus petites et les entreprises plus grandes contrairement à ce qu'invoque l'association.

 

Les moyens soulevés ne sont donc pas sérieux.

 

Il n'y a donc pas lieu de transmettre à la Cour de cassation la question prioritaire de constitutionnalité posée par l'association. Il n'est donc pas sursis à l'examen de l'appel de l'association à l'encontre du jugement au fond.

 

Aucune circonstance particulière ne justifie de condamner l'association au titre de l'article 700 du code de procédure civile dans le cadre de l'examen de la question prioritaire de constitutionnalité.

 

PAR CES MOTIFS :

 

LA COUR,

 

STATUANT contradictoirement, après avoir recueilli l'avis de M. le Procureur Général, par arrêt mis à disposition au greffe, susceptible de recours uniquement avec la décision tranchant tout ou partie du litige,

 

DÉCLARE sans objet l'appel du jugement rendu le 02 septembre 2019 par le tribunal de grande instance de Bobigny sous la référence de RG 19/01468;

 

DÉCLARE recevable la question prioritaire de constitutionnalité déposée par l'Association [5] ;

 

DIT n'y avoir lieu de transmettre à la Cour de cassation la question prioritaire de constitutionnalité posée le 11 février 2021 par l'Association [5] ;

 

DIT, en conséquence, n'y avoir lieu de surseoir à statuer sur le fond ;

 

DÉBOUTE Pôle emploi de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

 

La greffière,La présidente,