Cour d'Appel de Grenoble

Arrêt du 21 juin 2022 n° 22/00349

21/06/2022

Non renvoi

COUR D'APPEL

 

DE GRENOBLE

 

place Firmin Gautier B.P. 110

 

38019 GRENOBLE CEDEX

 

Chambre sociale - Protection Sociale

 

Ch.secu-fiva-cdas

 

ARRÊT DU 21 JUIN 2022

 

REFUS DE TRANSMISSION

 

DE LA QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITÉ

 

DOSSIER : N° RG 22/00349 - N° Portalis DBVM-V-B7G-LGPI

 

N° Minute :

 

Demandeurs à la question prioritaire :

 

Monsieur [T] [E] 'venant aux droits de Madame [Z] [E], décédée'

 

10 rue des Vignes

 

38320 EYBENS

 

Représenté par Me Kris MOUTOUSSAMY, avocat au barreau de LYON

 

Madame [F] [E] épouse [G] donnant pouvoir à M. [T] [E] pour la représenter dans la procédure de recours en appel de la décision du tribunal judiciaire de Valence référence RG 19/00916 et pour toute démarche administrative et contentieuse.

 

Quartier Buffevent

 

378 Route de Chatillon

 

26750 GENISSIEUX

 

Représentée par Me Kris MOUTOUSSAMY, avocat au barreau de LYON

 

Madame [P] [E] épouse [X] donnant pouvoir à M. [T] [E] pour la représenter dans la procédure de recours en appel de la décision du tribunal judiciaire de Valence référence RG 19/00916 et pour toute démarche administrative et contentieuse.

 

1 Rue des Clercs

 

38000 GRENOBLE

 

Représentée par Me Kris MOUTOUSSAMY, avocat au barreau de LYON

 

Monsieur [M] [E] donnant pouvoir à M. [T] [E] pour le représenter dans la procédure de recours en appel de la décision du tribunal judiciaire de Valence référence RG 19/00916 et pour toute démarche administrative et contentieuse.

 

4 Allée des Manades

 

13200 ARLES

 

Représenté par Me Kris MOUTOUSSAMY, avocat au barreau de LYON

 

Défendeur :

 

Organisme CAF DE LA DROME prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

 

10, rue Marcel Barbu

 

26023 VALENCE CEDEX 09

 

Représentée par Me Virginie FOURNIER de la SELARL FDA AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE

 

COMPOSITION DE LA COUR :

 

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

 

Mme Magali DURAND-MULIN, Conseiller faisant fonction de Président,

 

Mme Isabelle DEFARGE, Conseiller,

 

Mme Gaëlle BARDOSSE, Conseiller,

 

DÉBATS :

 

A l'audience publique du 03 Mai 2022

 

Mme Magali DURAND-MULIN, chargée du rapport, et Mme Isabelle DEFARGE, ont entendu les représetnants des parties en leurs conclusions et plaidoiries, assistées de Mme Kristina YANCHEVA, Greffier et de Mme Chrystel ROHRER, Greffier, conformément aux dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;

 

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 21 Juin 2022, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

 

L'arrêt a été rendu le 21 Juin 2022.

 

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Vu l'article 23-1 de l'ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel et suivants ;

 

Vu les articles 126-1 et suivants du Code de Procédure Civile ;

 

Vu la demande d'examen de la question prioritaire de constitutionnalité déposée par un écrit distinct et motivé le 25 Janvier 2022,

 

par Me Kris MOUTOUSSAMY

 

Vu les observations formulées le 28 avril 2022

 

par Organisme CAF DE LA DROME prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

 

partie au procès

 

Vu l'avis du ministère public transmis le 28 avril 2022 ;

 

Depuis 1983, la Commission des Droits et de l'Autonomie des Personnes Handicapées (CDAPH) de la Drôme a attribué à [Z] [E] épouse [S] un droit à l'Allocation Adultes Handicapées (AAH) régulièrement renouvelé, du fait de son taux d'incapacité supérieur ou égal à 80 %.

 

[Z] [E], retraitée à compter de 2002, a perçu l'AAH jusqu'en décembre 2016 (à hauteur de 119,25 € mensuel de janvier à mars 2016, puis de 120,06 € jusqu'en décembre 2016 correspondant à une AAH différentielle).

 

Le 17 avril 2019, la CAF de la Drôme lui a notifié un refus d'attribution de l'AAH au motif que le montant total de ses pensions est supérieur à l'AAH taux plein.

 

Le 3 décembre 2019, [Z] [E] a saisi le pôle social du tribunal de grande instance de Valence d'un recours à l'encontre du rejet implicite par la commission de recours amiable de la CAF de la Drôme saisie le 23 septembre 2019 de sa contestation du refus de versement de l'AAH.

 

[Z] [E] étant décédée le 26 septembre 2020, l'instance a été reprise par Mmes [F] et [P] [E], MM. [M] et [T] [E] en leur qualité d'héritiers.

 

Par jugement du 11 mars 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Valence a :

 

- déclaré irrecevables les demandes de versement d'AAH pour les années 2017, 2018 et 2020 au bénéfice de [Z] [E],

 

- débouté de leurs demandes MM. [M] et [T] [E] et Mmes [F] et [P] [E], en qualité d'héritiers de [Z] [E] née [S],

 

- condamné in solidum aux dépens MM. [M] et [T] [E] et Mmes [F] et [P] [E], en qualité d'héritiers de [Z] [E] née [S].

 

Le 19 avril 2021, Mmes [F] et [P] [E], MM. [M] et [T] [E] ont interjeté appel de cette décision.

 

Au terme d'un mémoire distinct déposé le 9 décembre 2021 et soutenu oralement à l'audience, les consorts [E] demandent à la cour de :

 

- transmettre à la Cour de cassation leur mémoire aux fins que la haute juridiction le renvoie au Conseil constitutionnel, qui répondra à la question suivante :

 

- Les dispositions des articles L.821-1 du code de la sécurité sociale et l'article L.821-3 du code de la sécurité sociale sont contraires à l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 en ce qu'elles instituent une discrimination non fondée sur un objectif d'intérêt général entre les candidats à l'AAH, en défavorisant les usagers ne disposant que de ressources issues de prestations de retraite et en favorisant les usagers disposant de ressources autres dont des revenus mobiliers et immobiliers '

 

- Afin de déterminer si un usager bénéficiant de prestations de retraite est également éligible pour percevoir l'AAH, faut-il tenir compte du montant brut des retraites seul ou faut-il tenir compte des « revenus nets catégoriels retenus pour l'établissement de l'impôt » au sens de l'article R.821-4 du code de la sécurité sociale et abattement mentionné au même article (abattement de 20 % aux pensions et rentes viagères à titre gratuit perçues par l'allocataire) ainsi que celui prévu à l'article 157 bis du code général des impôts et visé par l'article R.532-4 du code de la sécurité sociale auquel renvoie l'article R.821-4 du code de la sécurité sociale '

 

La CAF fait valoir qu'il n'existe pas de différence de traitement pour la détermination du droit à l'AAH selon les sources de revenu.

 

Par conclusions transmises le 28 avril 2022, le ministère public demande à la cour de dire n'y avoir lieu à transmettre à la Cour de cassation la question prioritaire de constitutionnalité faute de caractère sérieux.

 

Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient au visa de l'article 455 du code de procédure civile de se reporter à leurs écritures susvisées.

 

MOTIFS DE LA DÉCISION

 

L'article 61-1 de la Constitution prévoit que lorsqu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil Constitutionnel peut être saisi de cette question.

 

La question portant sur les articles R. 532-4 et R. 821-4 du code de la sécurité sociale lesquels ne sont pas de nature législative ne peut être transmise.

 

En application des articles 23-1 et 23-2 de l'ordonnance 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, il n'est procédé à la transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité que si elle est présentée dans un écrit distinct et séparé et si les conditions suivantes sont remplies :

 

1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ;

 

2° Elle n'a pas été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ;

 

3° La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux.

 

La question prioritaire de constitutionnalité a été présentée par les consorts [E] dans un écrit distinct.

 

Les dispositions contestées sont les articles L. 821-1 et L. 821-3 du code de la sécurité sociale qui sont applicables au litige et qui n'ont pas été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.

 

L'article L.821-1 du code de la sécurité sociale prévoit que le droit à l'allocation aux adultes handicapés est ouvert lorsque la personne ne peut prétendre, au titre d'un régime de sécurité sociale, d'un régime de pension de retraite ou d'une législation particulière, à un avantage de vieillesse, à l'exclusion de l'allocation de solidarité aux personnes âgées, ou d'invalidité, à l'exclusion de la prestation complémentaire pour recours à constante d'une tierce personne, ou à une rente d'accident du travail, à l'exclusion de la prestation complémentaire pour recours à tierce personne, d'un montant au moins égal à cette allocation.

 

Lorsque cet avantage ou le montant mensuel perçu au titre de l'allocation de solidarité aux personnes âgées est d'un montant inférieur à celui de l'allocation aux adultes handicapés, celle-ci s'ajoute à la prestation sans que le total des deux avantages puisse excéder le montant de l'allocation aux adultes handicapés.

 

L'article L.821-3 dispose que l'allocation aux adultes handicapés peut se cumuler avec les ressources personnelles de l'intéressé et, s'il y a lieu, de son conjoint dans la limite d'un plafond fixé par décret, qui varie suivant qu'il est marié et a une ou plusieurs personnes à sa charge.

 

L'appréciation du plafond des ressources annuelles se fait par référence aux dispositions de l'article R 532-3 du code de la sécurité sociale.

 

Il résulte du premier de ces textes que la prestation d'AAH a un caractère subsidiaire et que le droit n'est ouvert que si le montant des avantages perçus au titre d'un régime de sécurité sociale, d'un régime de pension de retraite ou d'une législation particulière n'excède pas le montant de l'AAH.

 

Ce n'est que si le droit à AAH est ouvert qu'interviendra l'évaluation des revenus avec l'application d'abattements.

 

Dans ces conditions, la prise en compte au stade de l'appréciation de l'ouverture du droit à AAH des prestations relevant de la solidarité nationale est justifiée par le caractère subsidiaire de l'AAH et ne créée aucune différence de traitement entre les éventuels bénéficiaires de l'AAH puisqu'il sera tenu compte pour chacun d'entre eux desdites prestations dans les mêmes conditions.

 

Cette question est donc dépourvue de caractère sérieux.

 

En conséquence, il n'y a pas lieu de transmettre à la Cour de cassation cette question prioritaire de constitutionnalité.

 

PAR CES MOTIFS

 

La Cour, statuant publiquement, par décision contradictoire, susceptible du recours prévu par l'article 126-7 du code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,

 

Dit n'y avoir lieu à transmettre à la Cour de cassation la question prioritaire de constitutionnalité déposée par Mmes [F] et [P] [E], MM. [M] et [T] [E].

 

Dit que les parties et le ministère public seront avisés par tout moyen de la présente décision ;

 

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

 

Signé par Mme Magali DURAND-MULIN, Conseiller faisant fonction de président et par Mme Chrystel ROHRER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

Le GreffierLe Conseiller