Conseil d'Etat

Décision du 14 juin 2022 n° 462398

14/06/2022

Renvoi

CONSEIL D'ETAT

statuant

au contentieux

MM

 

 

 

N° 462398

 

__________

 

SOCIÉTÉ IGDAL

__________

 

M. Alexandre Lapierre

Rapporteur

__________

 

Mme Karin Ciavaldini

Rapporteure publique

__________

 

Séance du 1er juin 2022

Décision du 14 juin 2022

__________

 

REPUBLIQUE FRANÇAISE

 

 

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

 

 

 

Le Conseil d'Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 8ème et 3ème chambres réunies)

 

 

Sur le rapport de la 8ème chambre

de la section du contentieux

 

 

 

 

 

 

Vu la procédure suivante :

 

Par une requête enregistrée le 17 mars 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la société Igdal demande au Conseil d’Etat :

 

1°) d’annuler, pour excès de pouvoir, la décision implicite du 17 mars 2022 par laquelle le ministre de l’économie, des finances et de la relance a rejeté sa demande tendant à l’abrogation du paragraphe n° 90 des commentaires administratifs publiés le 16 juin 2021 au bulletin officiel des finances publiques (BOFiP) – impôts sous la référence BOI-CF-INF-20-20, et d’enjoindre au ministre d’y procéder ;

 

2°) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer et de transmettre à la Cour européenne des droits de l’homme une demande d’avis portant sur la compatibilité des dispositions du 4 de l’article 1788 A du code général des impôts avec les stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

 

3°) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer et de transmettre à la Cour de justice de l’Union européenne une question préjudicielle relative à la compatibilité de ces mêmes dispositions avec les stipulations de la Charte de droits fondamentaux de l’Union européenne ;

 

4°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

 

 

…………………………………………………………………………

 

 

 

Vu les autres pièces du dossier ;

 

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

 

 

Après avoir entendu en séance publique :

 

- le rapport de M. Alexandre Lapierre, maître des requêtes en service extraordinaire,

 

- les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteure publique ;

 

 

 

 

Considérant ce qui suit :

 

1. La société Igdal a demandé au ministre de l’économie, des finances et de la relance, par un courrier du 14 janvier 2022, d’abroger le paragraphe n° 90 des commentaires administratifs publiés le 16 juin 2021 au bulletin officiel des finances publiques– impôts sous la référence BOI-CF-INF-20-20. Elle demande l’annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le ministre de l’économie, des finances et de la relance sur sa demande.

 

2. Aux termes du premier alinéa de l’article 23-5 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : « Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé, y compris pour la première fois en cassation, à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (…) ». Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu’elle n’ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et qu’elle soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

 

3. Aux termes du premier alinéa du 4 de l’article 1788 A du code général des impôts, dans sa version applicable au litige : « 4. Lorsqu'au titre d'une opération donnée le redevable de la taxe sur la valeur ajoutée est autorisé à la déduire, le défaut de mention de la taxe exigible sur la déclaration prévue au 1 de l'article 287, qui doit être déposée au titre de la période concernée, entraîne l'application d'une amende égale à 5 % de la somme déductible. » Le 1 de l’article 287 du même code dispose, dans sa version applicable au litige, que : « Tout redevable de la taxe sur la valeur ajoutée est tenu de remettre au service des impôts dont il dépend et dans le délai fixé par arrêté une déclaration conforme au modèle prescrit par l'administration ».

 

4. Les énonciations du paragraphe n° 90 des commentaires administratifs publiés le 16 juin 2021 au bulletin officiel des finances publiques – impôts sous la référence BOI-CF-INF-20-20 réitérant les dispositions du premier alinéa du 4 de l’article 1788 A du code général des impôts, celles-ci sont applicables au litige. Elles n’ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel. Le moyen tiré de ce que ces dispositions portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution et notamment, du fait de l’absence de plafonnement du montant de l’amende, au principe de proportionnalité des peines, soulève une question présentant un caractère sérieux. Il y a, dès lors, lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée.

 

 

 

D E C I D E :

--------------

 

 

Article 1er : La question de la conformité à la Constitution des dispositions du premier alinéa du 4 de l’article 1788 A du code général des impôts est renvoyée au Conseil constitutionnel.

 

Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête de la société Igdal jusqu’à ce que le Conseil constitutionnel ait tranché la question de constitutionnalité ainsi soulevée.

 

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Igdal et au ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée au Premier ministre.

 

Délibéré à l'issue de la séance du 1er juin 2022 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Pierre Collin, président de chambre ; M. Stéphane Verclytte, M. Mathieu Herondart, M. Hervé Cassagnabère, M. Christian Fournier, Mme Françoise Tomé, M. Jonathan Bosredon, conseillers d'Etat et M. Alexandre Lapierre, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.

 

Rendu le 14 juin 2022.

 

Le président :

Signé : M. Rémy Schwartz

 

Le rapporteur :

Signé : M. Alexandre Lapierre

 

La secrétaire :

Signé : Mme Magali Méaulle

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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