Cour administrative d'appel de Paris

Jugement du 14 avril 2022

14/04/2022

Non renvoi

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Fédération française de naturisme et l'Association pour la promotion du naturisme en liberté ont demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté n° 2019/00743 du 7 septembre 2019 par lequel le préfet de police a interdit le parcours, à Paris, d'une manifestation déclarée pour le 8 septembre 2019.

Par un jugement n° 1923585 du 19 juin 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 14 août 2020, un mémoire enregistré le 10 janvier 2021, la Fédération française de naturisme et l'Association pour la promotion du naturisme en liberté, représentées par Me Delescluse, demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1923585 du 19 juin 2020 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté n° 2019/00743 du 7 septembre 2019 par lequel le préfet de police a interdit le parcours d'une manifestation déclarée pour le 8 septembre 2019 ;

3°) de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- le jugement attaqué est irrégulier en tant, d'une part, qu'il n'a pas suffisamment répondu au moyen tiré de l'erreur d'appréciation commise par l'administration dans son interprétation des dispositions de l'article 232-22 du code pénal et, d'autre part, que la réponse apportée au moyen tiré de la méconnaissance de diverses stipulations d'engagements internationaux ne pouvait, eu égard à la différence de nature entre le contrôle de constitutionnalité et le contrôle de conventionnalité, se limiter à un simple renvoi aux motifs écartant les moyens présentés dans le cadre de la question prioritaire de constitutionnalité ;

- l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur d'appréciation dans l'application de l'article 232-22 du code pénal, lequel ne peut être regardé comme sanctionnant la simple nudité, qui n'est pas assimilable au délit d'exhibition sexuelle ;

- il a été pris en méconnaissance des dispositions de l'article L. 211-4 du code de la sécurité intérieure, dès lors qu'il n'a été notifié que la veille de la date prévue pour la manifestation, alors que la décision de l'administration était déjà arrêtée bien antérieurement ;

- il méconnait également les libertés d'opinion et de conscience, d'expression et de manifestation pacifique, lesquelles sont garanties par les articles 10 et 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen par les articles 9 et 10 et 11 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ainsi que par les articles 10 et 11 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ainsi que la liberté vestimentaire ;

Par un mémoire distinct, enregistré le 17 août 2020, la Fédération française de naturisme et l'Association pour la promotion du naturisme en liberté demandent à la Cour de transmettre au Conseil d'État la question prioritaire de constitutionnalité suivante :

- à titre principal, l'article 222-32 du code pénal est-il conforme au principe de nécessité des infractions, dès lors qu'il permet de réprimer le seul fait d'être publiquement nu, sans que cette nudité soit accompagnée d'un comportement de nature sexuelle ou obscène '

- à titre subsidiaire, s'il faut considérer que la répression pénale du seul fait de se présenter publiquement en état de nudité respecte le principe de nécessité des peines :

• l'article 222-32 du code pénal est-il conforme aux libertés d'opinion et de conscience, ainsi qu'à la liberté d'expression individuelle et collective, en tant qu'il ne permet pas aux adeptes de la philosophie naturiste de pratiquer, en dehors des lieux spécialement dédiés, le cas échéant sous conditions, le nudisme, qui constitue une composante essentielle de leur philosophie de vie, mais aussi, plus largement, en tant qu'il prive de son moyen d'expression, individuelle ou collective, toute personne souhaitant utiliser la nudité comme moyen d'expression de ses revendications '

• l'article 222-32 du code pénal est-il conforme à la liberté vestimentaire, composante de la liberté personnelle, dès lors qu'il permet de réprimer le seul fait d'être publiquement nu et ne permet pas de pratiquer, en dehors des lieux spécifiquement dédiés, même de manière conditionnée, le nudisme '

• l'article 222-32 du code pénal est-il conforme au principe de proportionnalité des peines, en tant qu'il ne distingue pas, du point de vue de la peine encourue, entre le seul fait d'être publiquement nu et celui de se montrer nu, en adoptant un comportement de nature sexuelle ou obscène '

Elles soutiennent que l'article 222-32 du code pénal n'est pas conforme :

- au principe de nécessité des infractions, dès lors qu'il permet de réprimer le seul fait de se présenter publiquement en état de nudité sans que cette nudité soit accompagnée d'un comportement de nature sexuelle ou obscène ;

- aux libertés d'opinion et de conscience, ainsi qu'à la liberté d'expression individuelle et collective en tant qu'il ne permet pas aux adeptes de la philosophie naturiste de pratiquer, en dehors des lieux spécialement dédiés, le nudisme mais aussi en tant qu'il prive de son moyen d'expression, individuelle ou collective, toute personne souhaitant utiliser la nudité comme moyen d'expression ;

- à la liberté vestimentaire, dès lors qu'il permet de réprimer le seul fait de se présenter publiquement en état de nudité et ne permet pas de pratiquer en dehors des lieux spécifiquement dédiés, même de manière conditionnée, le nudisme ;

- au principe de proportionnalité des peines, en tant qu'il ne distingue pas la peine encourue entre le fait de se présenter publiquement en état de nudité et celui de se montrer nu en adoptant un comportement de nature sexuelle ou obscène.

Par un mémoire enregistré le 15 octobre 2021, le garde des sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la question prioritaire de constitutionnalité.

Il fait valoir qu'aucun des moyens n'est fondé.

Par un mémoire en défense enregistré le 14 décembre 2020, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, et notamment son préambule et la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen du 26 août 1789 ;

- la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;

- le Traité sur l'Union européenne, ensemble la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

- le code pénal ;

- le code des relations entre le public et les administrations ;

- le code de la sécurité intérieure ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B,

- les conclusions de Mme Guilloteau, rapporteure publique,

- et les observations de Me Delescluse, avocat des associations requérantes.

Considérant ce qui suit :

1. La Fédération française de naturisme et l'Association pour la promotion du naturisme en liberté ont, par courrier du 7 juillet 2019, déclaré à la préfecture de police de Paris la manifestation dite " World Naked Bike Ride " qu'elles souhaitaient organiser le 8 septembre 2019 à Paris sur un parcours de 16,2 kilomètres devant se dérouler entre le Bois de Vincennes, le parc de Bercy, la place de la Bastille et la place de la Nation, de 14 heures à 18 heures. Par un arrêté

n° 2019/00743 du 7 septembre 2019, le préfet de police a interdit la manifestation sur le parcours déclaré en application de l'article L. 214-1 du code de la sécurité intérieure, en se fondant sur la circonstance que le fait d'être nu dans l'espace public caractérisait l'infraction prévue par l'article 222-32 du code pénal. Les associations requérantes ayant sollicité du tribunal administratif de Paris l'annulation dudit arrêté, cette juridiction a rejeté leur demande par un jugement du 19 juin 2020 dont elles relèvent appel devant la Cour.

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

2. Les associations requérantes demandent à la Cour de transmettre au Conseil d'État la question prioritaire de constitutionnalité, portant sur le point de savoir, à titre principal, si l'article 222-32 du code pénal est conforme au principe de nécessité des infractions, dès lors qu'il permet de réprimer le seul fait d'être publiquement nu, sans que cette nudité soit accompagnée d'un comportement de nature sexuelle ou obscène et, à titre subsidiaire, s'il faut considérer que la répression pénale du seul fait de se présenter publiquement en état de nudité respecte le principe de nécessité des peines, les libertés d'opinion et de conscience, la liberté d'expression individuelle et collective, la liberté vestimentaire, composante de la liberté personnelle, le principe de proportionnalité des peines.

3. Aux termes de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " La juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'État (). Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies : / 1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ; / 2° Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ; / 3° La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux. / En tout état de cause, la juridiction doit, lorsqu'elle est saisie de moyens contestant la conformité d'une disposition législative, d'une part, aux droits et libertés garantis par la Constitution et, d'autre part, aux engagements internationaux de la France, se prononcer par priorité sur la transmission de la question de constitutionnalité au Conseil d'État (). / ()."

4. Aux termes de l'article 222-32 du code pénal, qui doit être regardé comme applicable au litige au sens et pour l'application des dispositions précitées de l'article 23-2 (1°) de l'ordonnance du 7 novembre 1958 : " L'exhibition sexuelle imposée à la vue d'autrui dans un lieu accessible aux regards du public est punie d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende ". Conformément à la jurisprudence constante de la Chambre criminelle de la Cour de cassation, d'une part, l'exhibition sexuelle, qui consiste à montrer tout ou partie de ses organes sexuels à la vue d'autrui dans un lieu accessible aux regards du public, est susceptible d'entraîner des troubles à l'ordre public, alors même que l'intention exprimée par son auteur est dénuée de toute connotation sexuelle et, d'autre part, lorsqu'il est saisi des faits incriminés, le juge pénal, qui est tenu de prendre en compte les circonstances de l'infraction, sa gravité et le caractère indispensable de la peine, peut, dans l'hypothèse où un tel comportement relève de la manifestation d'une opinion politique compte tenu de la nature et du contexte de l'agissement en cause, prononcer la relaxe lorsqu'une condamnation serait de nature à constituer une ingérence disproportionnée dans l'exercice de la liberté d'expression. Dès lors, les dispositions de l'article 222-32 du code pénal, qui n'ont pas pour effet de porter atteinte à la liberté de conscience ou d'opinion, ne peuvent être regardées comme portant atteinte aux principes constitutionnels de nécessité des délits et des peines et de proportionnalité des peines ni comme portant à la liberté d'expression une atteinte qui ne serait pas nécessaire, adaptée et proportionnée. Enfin, le principe de la liberté vestimentaire, laquelle est une composante de la liberté personnelle, doit se concilier avec les exigences inhérentes à la sauvegarde de l'ordre public, lesquelles peuvent légalement fonder une interdiction de circuler en état de nudité sur la voie publique.

5. Eu égard à l'interprétation qu'il convient de donner aux dispositions précitées du code pénal, la question de leur contrariété avec les principes constitutionnels et les droits et libertés invoqués à l'appui de la question prioritaire de constitutionnalité est dépourvue de caractère sérieux. Il n'y a donc pas lieu de transmettre cette question au Conseil d'État.

Sur la régularité du jugement attaqué :

6. Les associations requérantes soutiennent que le jugement attaqué est irrégulier en tant, notamment, que la réponse apportée au moyen tiré de la méconnaissance de diverses stipulations d'engagements internationaux ne pouvait, eu égard à la différence de nature entre le contrôle de constitutionnalité et le contrôle de conventionnalité, se limiter à un simple renvoi aux motifs écartant les moyens présentés dans le cadre de la question prioritaire de constitutionnalité.

7. En l'espèce, le tribunal administratif a, au point 27 du jugement attaqué, écarté le moyen tiré de la méconnaissance de stipulations de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne " pour les mêmes raisons que celles énumérées aux points 9 à 14 du présent jugement ", dans lesquels ils ont écarté les moyens d' inconstitutionnalité articulés à l'encontre de la disposition législative faisant l'objet de la question prioritaire de constitutionnalité présentée par les requérantes. Ces dernières sont donc fondées, en raison de la différence de nature des contrôles exercés par le juge administratif, s'agissant de la conformité d'une disposition législative aux droits et libertés garantis par la Constitution et, d'autre part, sa compatibilité avec les engagements internationaux de la France, à soutenir que, les premiers juges ont méconnu leur office. Le jugement attaqué est irrégulier et doit donc être annulé, sans qu'il soit besoin de statuer sur l'autre moyen soulevé aux mêmes fins.

8. Il y a lieu pour la Cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par les associations requérantes devant le tribunal administratif de Paris.

Sur la légalité de l'arrêté préfectoral litigieux :

- En ce qui concerne la légalité externe :

9. Les associations requérantes soutiennent que l'arrêté litigieux méconnait les dispositions de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et les administrations, dès lors que l'arrêté ne mentionne pas la qualité de son signataire.

10. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et les administrations : " Toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci. "

11. En l'espèce, il est constant que l'arrêté litigieux, qui se présente sous la forme habituelle à ces arrêtés, mentionne dès sa première ligne la désignation précise de l'autorité légalement habilitée à le prendre - en l'espèce " le préfet de police " - et comporte, après ses visas, ses motifs et son dispositif, la mention lisible du prénom et du nom de son signataire, soit

M. A C, actuel titulaire du poste. L'arrêté répond ainsi aux exigences formelles posées par les dispositions législatives précitées. Le moyen manque en fait et doit être écarté.

- En ce qui concerne la légalité interne :

12. En premier lieu, d'une part, aux termes du premier alinéa de l'article L. 211-1 du code de la sécurité intérieure : " Sont soumis à l'obligation d'une déclaration préalable tous cortèges, défilés et rassemblements de personnes, et, d'une façon générale, toutes manifestations sur la voie publique ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 211-4 du même code : " Si l'autorité investie des pouvoirs de police estime que la manifestation projetée est de nature à troubler l'ordre public, elle l'interdit par un arrêté qu'elle notifie immédiatement aux signataires de la déclaration au domicile élu ".

13. Ainsi qu'il a été dit au point 4, l'exhibition sexuelle, qui consiste à montrer tout ou partie de ses organes sexuels à la vue d'autrui dans un lieu accessible aux regards du public, est susceptible d'entraîner des troubles à l'ordre public, alors même que l'intention exprimée par son auteur est dénuée de toute connotation sexuelle, et est pénalement répréhensible, sauf lorsqu'un tel comportement relève de la manifestation d'une opinion politique, et que son incrimination, compte tenu de la nature et du contexte de l'agissement en cause, constituerait une ingérence disproportionnée dans l'exercice de la liberté d'expression.

14. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que les participants avaient l'intention de se montrer nus aux yeux des autres, la manifestation ayant notamment pour objectif de " défendre notre humaNUté ", c'est-à-dire, selon la déclaration des organisateurs de la manifestation, de " faire vivre la liberté d'être nu comme expression de la fragilité humaine, de la nécessité de se reconnecter avec la nature et avec sa propre nature et sans honte du corps. Faire vivre la nudité comme symbole de l'abandon du superflu, du pacifisme, des valeurs républicaines de liberté, d'égalité de fraternité et de laïcité ". Compte tenu de ce qui précède, et au regard des objectifs poursuivis par les organisateurs de la manifestation, le préfet de police ne pouvait en principe, au seul motif que les éléments matériels de l'infraction prévue par l'article 222-32 du code pénal auraient été réunis, refuser d'autoriser cette manifestation sans prendre en considération, dans l'appréciation qu'il lui appartient de porter pour l'exercice des pouvoirs à lui dévolus par l'article L. 211-4 du code de la sécurité intérieure, d'une part, l'atteinte à la liberté d'expression qu'emporte nécessairement une interdiction de manifestation et, d'autre part, l'importance des troubles, notamment matériels, à l'ordre public susceptibles de résulter de l'autorisation de la manifestation. En l'espèce, en se bornant à prononcer l'interdiction de la manifestation sur le parcours déposé par les associations organisatrices, sans interdire expressément la manifestation au lieu de rassemblement, dans le bois de Vincennes, et après avoir pris en considération, ainsi que l'arrêté litigieux en fait état, la nécessaire conciliation entre les impératifs de l'ordre public et l'exercice des libertés publiques, en particulier celle de manifester, le préfet de police n'a pas entaché son arrêté d'une erreur de droit, non plus que d'une erreur d'appréciation.

15. En deuxième lieu, si les associations requérantes invoquent la méconnaissance des articles 10 et 11 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, le 1 de l'article 51 de cette Charte stipule toutefois que : " Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions et organes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux États membres uniquement lorsqu'ils mettent en œuvre le droit de l'Union. " Dès lors que l'arrêté litigieux ne met pas en œuvre le droit de l'Union européenne, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de ladite Charte est inopérant et doit être écarté.

16. En troisième lieu, les associations requérantes invoquent la méconnaissance, d'une part, des articles 10 et 11 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et, d'autre part, de la liberté vestimentaire.

17. Aux termes de l'article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontière. Le présent article n'empêche pas les États de soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime d'autorisations. / 2. L'exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l'intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection () de la morale, () " Aux termes de l'article 11 de même convention : " Toute personne a droit à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d'association, y compris le droit de fonder avec d'autres des syndicats et de s'affilier à des syndicats pour la défense de ses intérêts. / 2. L'exercice de ces droits ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection () de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. (). "

18. D'une part, et ainsi qu'il a été dit au point 8, le principe de la liberté vestimentaire, composante de la liberté personnelle garantie par les articles 4 et 5 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen, doit se concilier avec les exigences constitutionnelles inhérentes à la sauvegarde de l'ordre public, lesquelles peuvent légalement fonder une interdiction de circuler en état de nudité sur la voie publique.

19. D'autre part, tant la liberté d'expression que la liberté de réunion pacifique et la liberté d'association, garanties par les stipulation des articles 10 et 11 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales citées au point 17, dont il ne s'infère pas qu'elles auraient pour objet ou pour effet de garantir la liberté de circuler en état de nudité sur la voie publique, ne s'exercent pas de manière absolue et peuvent, comme lesdites stipulations le prévoient elles-mêmes, faire l'objet des restrictions notamment nécessaires à " la défense de l'ordre ", à " la prévention du crime " et à " la protection de la morale ", qui se rattachent ainsi aux exigences inhérentes à la sauvegarde de l'ordre public mentionnées au point précédent.

20. En prenant l'arrêté litigieux, fondé tant sur les dispositions des articles L. 211-1 et

L. 211-4 du code de la sécurité intérieure que de l'article 222-32 du code pénal, qui ne sont pas, par elles-mêmes, incompatibles avec les stipulations précitées, motifs pris de considérations de protection de l'ordre public et dans les limites rappelés au point 15, le préfet de police n'a pas, dans les circonstances propres à l'espèce, porté une atteinte disproportionnée aux libertés mentionnées aux points 17 à 18. Le moyen doit donc être écarté.

21. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions des associations requérantes tendant à l'annulation de l'arrêté n° 2019/00743 du 7 septembre 2019 par lequel le préfet de police a interdit le parcours d'une manifestation déclarée pour le 8 septembre 2019 doivent être rejetées.

Sur les frais du litige :

22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que les associations requérantes, qui succombent dans la présente instance, en puissent invoquer le bénéfice. Leurs conclusions tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'État sur ce fondement doivent donc être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'État la question prioritaire de constitutionnalité présentée par la Fédération française de naturisme et l'Association pour la promotion du naturisme en liberté.

Article 2 : Le jugement n° 1923585 du 19 juin 2020 du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête présentée par la Fédération française de naturisme et l'Association pour la promotion du naturisme en liberté est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la Fédération française de naturisme, à l'Association pour la promotion du naturisme en liberté, au ministre de l'intérieur et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Copie pour information en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 3 février 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- M. Diémert, président-assesseur,

- M. Doré, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 14 avril 2022.

Le rapporteur,

S. BLe président,

J. LAPOUZADE La greffière,

C. POVSE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Code publication

C+