Cour administrative d'appel de Versailles

Arrêt du 12 avril 2022 n° 22VE00391

12/04/2022

Non renvoi

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet des Hauts-de-Seine a, par une demande enregistrée le 17 janvier 2022, sollicité auprès du tribunal administratif de Cergy-Pontoise, statuant en référé en application de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales, repris à l'article L. 554-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de l'arrêté du 11 octobre 2021 par lequel la maire de la commune de Bagneux a accordé à l'association de Bienfaisance de la Mosquée Omar du Sud des Hauts-de-Seine un permis de construire modificatif référence n° PC09200718A0013M01 concernant le centre culturel et cultuel musulman situé 1-3, avenue Louis Pasteur, et la décision du 15 décembre 2021 par laquelle elle a refusé de le retirer.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 février 2022, la commune de Bagneux, représentée par Me Julienne et Me Samandjeu, a conclu au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire en intervention présenté au soutien de la commune de Bagneux, enregistré le 2 février 2022, l'association de Bienfaisance de la Mosquée Omar du Sud des Hauts-de-Seine, représentée par Me Guez Guez, a sollicité le rejet de cette demande du préfet des Hauts-de-Seine.

Par une ordonnance n° 2200539 du 8 février 2022, prise sur le fondement des dispositions de l'article L. 554-1 du code de justice administrative, la juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a admis la recevabilité de l'intervention volontaire en défense de l'association de Bienfaisance de la Mosquée Omar du Sud des Hauts-de-Seine et a rejeté la demande du préfet des Hauts-de-Seine tendant à la suspension de l'exécution de l'arrêté de la maire de la commune de Bagneux du 11 octobre 2021 et de la décision du 15 décembre 2021 par laquelle cette dernière a refusé de le retirer

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 22 février 2022, le préfet des Hauts-de-Seine demande à la Cour :

1° d'annuler l'ordonnance par laquelle la juge de référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande ;

2° de suspendre l'exécution de la décision de la maire de la commune de Bagneux du 11 octobre 2021 octroyant le permis de construire modificatif litigieux, ainsi que le refus de le retirer ;

Il soutient que :

- l'autorisation d'urbanisme en cause entre dans le champ d'application de l'article L. 422-5-1 du code de l'urbanisme issu de l'article 7 de la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021, qui était applicable à la date de la décision attaquée ;

- ce texte vise tout projet qui " porte sur des constructions ou installations destinées à l'exercice d'un culte ", quelle que soit l'ampleur et les caractéristiques de ces travaux dès lors qu'ils portent sur un établissement cultuel ;

- il ressort clairement de la notice descriptive de ce permis modificatif, qu'il concerne des espaces dédiés au culte et a pour objet la création ou modification de salles de prière au niveau du rez-de-jardin et du rez-de-chaussée, ce que l'autorisation litigieuse omet de mentionner ;

- les autres éléments créés ou modifiés vont influencer l'exercice du culte, leur répartition et les déplacements des pratiquants ;

- son accord ne peut être regardé comme ayant déjà été délivré à l'occasion de la délivrance du permis initial ;

- l'absence de recueil de son avis préalable sur le projet a vicié la procédure ;

- ce moyen est opérant, fondé et non " Danthonysable " ;

- cet avis peut être élargi à des considérations de sécurité publique et d'ordre public mentionnée à l'article R. 111- du code de l'urbanisme.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 mars 2022, la commune de Bagneux, représentée par Me Julienne et Me Samandjeu, avocats, conclut au rejet de la requête d'appel du préfet des Hauts-de-Seine et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens invoqués par le préfet ne sont pas fondés :

- l'article L. 422-5-1 du code de l'urbanisme n'est pas applicable au permis modificatif en cause qui ne concerne que l'aménagement intérieur du bâtiment existant, de créer un ascenseur en extérieur, une coursive au premier étage, une sortie de secours sur la façade est, de modifier les façades sur cours et de créer un espace commercial au rez-de-chaussée ;

- la nouvelle répartition des salles de prières est effectuée sans aucune surface nouvelle destinée au culte ;

- le préfet n'a pas été privé d'une garantie ;

- il n'y a pas eu d'influence sur la décision prise ;

- cette omission de consultation n'a pas d'effet sur la compétence de l'auteur de l'acte.

Par un mémoire, enregistré le 4 avril 2022 à 14h08, la commune de Bagneux, représentée par Me Julienne et Me Samandjeu, demande à la Cour en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de sa requête de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article L. 422-5-1 du code de l'urbanisme issu de l'article 7 de la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021.

Elle soutient que :

- les trois conditions requises pour cette transmission sont remplies ;

- cette disposition est applicable au litige ;

- le conseil constitutionnel ne s'est pas prononcé sur cette disposition à l'occasion de sa saisine n° 2021-823 DC ;

- cette question présente un caractère sérieux ;

- l'imprécision de ce texte quant au contenu de l'avis du préfet l'entache d'une incompétence négative ;

- ce manque de précision, qui permettrait selon l'interprétation donnée par le préfet de rendre des avis dans le cadre de l'instruction des permis de construire, pour des motifs distincts des considérations de sécurité publique mentionnées par l'article R 111-2 du code de l'urbanisme, et ne portant pas sur la conformité du projet à la règle d'urbanisme lui confère un pouvoir d'appréciation confinant à l'arbitraire ;

- ceci porte atteinte à l'exercice du droit de propriété.

Par un mémoire en intervention au soutien de la commune de Bagneux, enregistré le 4 avril 2022 à 10h20, l'association de Bienfaisance de la Mosquée Omar du Sud des Hauts-de-Seine, représentée par Me Guez Guez, avocat, demande au juge des référés de la Cour, à titre principal, de rejeter la requête du préfet des Hauts-de-Seine et, à titre subsidiaire, de sursoir à statuer afin de permettre à la mairie de solliciter l'avis prévu par l'article L. 422-5-1 du code de l'urbanisme.

Elle soutient que :

- à titre principal, l'article L. 422-5-1 du code de l'urbanisme est inapplicable ;

- le vice de procédure allégué, à le supposer constitué, ne présente pas un caractère substantiel ;

- subsidiairement, le vice allégué peut être régularisé, en application des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

- le déféré n° 2201015, enregistré par le greffe du tribunal administratif de Cergy-Pontoise le 17 janvier 2022, par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a demandé l'annulation de l'arrêté contesté.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la Cour a désigné M. Even, premier vice-président, en application des dispositions de l'article L. 511-2 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique du 4 avril 2022 à 14 heures.

Ont été entendus, au cours de l'audience publique, tenue en présence de Mme Gauthier, greffière d'audience :

- le rapport de M. Even, juge des référés,

- les observations orales de Mme B, directrice des libertés publiques et des affaires juridiques du ministère de l'intérieur, représentant le préfet des Hauts-de-Seine, qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens. Elle a précisé lors de l'audience que l'article 7 de la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 a été codifié au sein du code de l'urbanisme car cet avis doit être rendu lors de l'instruction d'un permis de construire sollicité pour un édifice destiné à l'exercice d'un culte. Cette procédure a pour objet de permettre à l'autorité administrative locale compétente pour délivrer ce permis ou le refuser d'être éclairée par un avis du préfet fondé le cas échéant sur le contenu d'une note blanche émanant des services de renseignement.

- les observations orales de Me Samandjeu pour la commune de Bagneux.

- les observations orales de Me Guez Guez pour l'association de Bienfaisance de la Mosquée Omar du Sud des Hauts-de-Seine.

La clôture de l'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience publique.

Deux notes en délibéré ont été produites par la commune de Bagneux et par l'association de Bienfaisance de la Mosquée Omar du Sud des Hauts-de-Seine, respectivement le 5 et le 6 avril 2022, après la clôture de l'instruction.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés statue par des mesures qui présentent un caractère provisoire. Il n'est pas saisi du principal et se prononce dans les meilleurs délais ". Aux termes de l'article L. 554-1 du code de justice administrative : " Les demandes de suspension assortissant les requêtes du représentant de l'Etat dirigées contre les actes des communes sont régies par le 3e alinéa de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales ci-après reproduit : / "Art. L. 2131-6, alinéa 3.- Le représentant de l'Etat peut assortir son recours d'une demande de suspension. Il est fait droit à cette demande si l'un des moyens invoqués paraît, en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'acte attaqué. Il est statué dans un délai d'un mois." / () ".

2. La maire de la commune de Bagneux a, par une décision du 3 août 2018, accordé à l'association de Bienfaisance de la Mosquée Omar du Sud des Hauts-de-Seine un permis de construire pour la construction, sur un terrain situé 1-3, avenue Louis Pasteur, d'un centre culturel et cultuel musulman. Par un arrêté du 11 octobre 2021, reçu en préfecture le 18 octobre suivant, la maire de la commune de Bagneux a accordé à cette même association et pour ce même édifice un permis de construire modificatif référencé n° PC09200718A0013M01. Par un courrier du 7 décembre 2021, le préfet des Hauts-de-Seine a vainement demandé à la maire de la commune de Bagneux de retirer ce permis de construire modificatif pour illégalité. La juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a, par une ordonnance n° 2200539 du 8 février 2022, sur le fondement des dispositions de l'article L. 554-1 du code de justice administrative, admis la recevabilité de l'intervention volontaire en défense de l'association de Bienfaisance de la Mosquée Omar du Sud des Hauts-de-Seine et rejeté la demande du préfet des Hauts-de-Seine tendant à la suspension de l'exécution de l'arrêté de la maire de la commune de Bagneux du 11 octobre 2021 et de la décision du 15 décembre 2021 par laquelle cette dernière a refusé de le retirer. Le préfet des Hauts-de-Seine fait appel de cette ordonnance.

Sur l'intervention volontaire de l'association de Bienfaisance de la Mosquée Omar du Sud des Hauts-de-Seine :

3. Eu égard à l'objet de la décision dont la suspension est demandée, l'association de Bienfaisance de la Mosquée Omar du Sud des Hauts-de-Seine a intérêt à agir dans la présente instance. Par suite, son intervention au soutien de la commune de Bagneux est recevable.

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

4. Aux termes de l'article 61-1 de la Constitution : " Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. Une loi organique détermine les conditions d'application du présent article ". Aux termes de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, modifiée par la loi organique du 10 décembre 2009 relative à l'application de l'article 61-1 de la Constitution : " Devant les juridictions relevant du Conseil d'État (), le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d'irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé. Un tel moyen peut être soulevé pour la première fois en cause d'appel. Il ne peut être relevé d'office ". Aux termes de l'article 23-2 de la même ordonnance : " La juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'État ou à la Cour de cassation. Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies : / 1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ; / 2° Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ; / 3° La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux ". Aux termes de l'article R. 771-7 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d'appel, le vice-président du tribunal administratif de Paris, les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours ou les magistrats désignés à cet effet par le chef de juridiction peuvent, par ordonnance, statuer sur la transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité ". L'article 23-3 de la même ordonnance prévoit qu'une juridiction saisie d'une question prioritaire de constitutionnalité " peut prendre les mesures provisoires ou conservatoires nécessaires " et qu'elle peut statuer " sans attendre la décision relative à la question prioritaire de constitutionnalité si la loi ou le règlement prévoit qu'elle statue dans un délai déterminé ou en urgence ".

5. Aux termes de l'article 7 de la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, codifié par cette même loi au sein du code de l'urbanisme, au livre IV " Régime applicable aux constructions, aménagements et démolitions ", titre II " Dispositions communes aux diverses autorisations et aux déclarations préalables ", chapitre II " Compétence ", à l'article L. 422-5-1 : " Lorsque le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale est compétent, il recueille l'avis du représentant de l'Etat dans le département si le projet porte sur des constructions et installations destinées à l'exercice d'un culte. ".

6. La commune de Bagneux soutient que l'imprécision de ce texte quant au contenu de l'avis du préfet, qui permettrait selon l'interprétation donnée par l'Etat de rendre des avis dans le cadre de l'instruction des permis de construire, pour des motifs distincts des considérations de sécurité publique mentionnées par l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme et ne portant pas sur la conformité du projet à la règle d'urbanisme, l'entache d'une incompétence négative et confère au préfet un pouvoir d'appréciation confinant à l'arbitraire qui porte atteinte à l'exercice du droit de propriété.

7. En premier lieu, la méconnaissance de l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi ne peut, en elle-même, être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution. Par suite, le grief tiré de la méconnaissance de cet objectif n'est pas recevable.

8. En second lieu, la méconnaissance par le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où cette méconnaissance affecte par elle-même un droit ou une liberté que la Constitution garantit. Il est loisible au législateur d'apporter aux conditions d'exercice du droit de propriété des personnes privées, protégé par l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi. La disposition législative contestée qui se borne à imposer aux autorités administratives locales de solliciter un nouvel avis purement consultatif auprès du préfet, n'a ni pour objet ni pour effet de modifier la répartition des compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales en matière d'urbanisme. Elle ne porte pas atteinte à l'exercice du droit de propriété.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la question prioritaire de constitutionnalité invoquée ne présente pas un caractère sérieux. Par suite, il n'y a pas lieu de la transmettre au Conseil d'Etat.

Sur les conclusions à fin de suspension :

En ce qui concerne l'applicabilité de l'article L 422-5-1 du code de l'urbanisme en l'espèce :

10. En premier lieu, il ne ressort pas des dispositions précitées, qui sont claires à cet égard, sans qu'il y ait lieu de se référer aux débats parlementaires, qu'elles concerneraient exclusivement la procédure applicable à la délivrance du permis de construire initial. Par suite, la circonstance que l'arrêté attaqué du 11 octobre 2021 soit un permis de construire modificatif de celui délivré initialement, est sans incidence. Est également sans incidence le fait que le préfet des Hauts-de-Seine a validé le permis de construire initial, et n'a pas émis de réserves sur le projet en litige, dans le cadre notamment des sous-commissions départementales placées sous son autorité, pour la sécurité contre les risques d'incendie et de panique, ou pour l'accessibilité des personnes handicapées, qui ont émis des avis favorables les 6 et 26 août 2021, dans la mesure où l'objet de l'avis qui doit être sollicité en application de l'article L 422-5-1 du code de l'urbanisme n'est pas relatif à ces deux sujets.

11. En second lieu, il ressort de la notice descriptive de ce permis modificatif litigieux, que les travaux concernés réalisés dans centre cultuel et culturel musulman ne portent pas exclusivement sur l'aspect extérieur à travers la modification des façades ou la création d'une surface commerciale, mais concernent aussi l'aménagement intérieur de cet établissement recevant du public au sens de l'article L. 425-3 du code de l'urbanisme portant sur des espaces dédiés au culte, avec en particulier la création ou la modification de salles de prière au niveau du rez-de-jardin et du rez-de-chaussée, ce que l'autorisation litigieuse omet d'ailleurs de mentionner. En outre, la surface commerciale de ce centre cultuel et culturel musulman qui sera créée à l'occasion de la mise en œuvre de ce projet n'est pas sans lien avec l'exercice d'un culte. Le projet porte donc pour partie sur des constructions et installations destinées à l'exercice d'un culte au sens des dispositions précitées de l'article L. 422-5-1 du code de l'urbanisme. Et la circonstance que l'avis du préfet qui pas été sollicité ne soit pas encore connu et qu'il pourrait être fondé sur la prise en compte de considérations étrangères à la construction au regard du droit de l'urbanisme est sans incidence.

12. Le projet qui est l'objet de l'arrêté litigieux ne se trouve donc pas hors du champ d'application des dispositions précitées de l'article 7 de la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 codifiées à l'article L 422-5-1 du code de l'urbanisme.

En ce qui concerne la réalité, la nature et la portée du vice de procédure allégué :

13. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de cette décision ou s'il a privé les intéressés d'une garantie. Il en résulte qu'une décision créatrice de droits, entachée d'un vice qui n'a pas été susceptible d'exercer une influence sur le sens de cette décision et qui n'a pas privé les intéressés d'une garantie, ne peut être tenue pour illégale et ne peut, en conséquence, être retirée ou abrogée par l'administration de sa propre initiative ou sur la demande d'un tiers, même dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision.

14. Il est constant que la consultation préalable du préfet qui s'imposait en application de l'article L 422-5-1 du code de l'urbanisme n'est pas intervenue avant l'édiction de la décision litigieuse. Bien que le contenu de cet avis qui n'a pas été sollicité soit évidemment inconnu, ce vice de procédure, qui n'entache pas le bien-fondé de l'autorisation d'urbanisme contestée et n'est donc pas régularisable en application de l'article L 600-5-1 du code de l'urbanisme, est, en l'état de l'instruction, susceptible d'avoir exercé une influence sur le sens de cette décision.

15. Ainsi, le moyen invoqué par le préfet tiré de ce que la maire de la commune de Bagneux a commis un vice de procédure en omettant de recueillir l'avis du préfet en application de l'article L. 422-5-1 du code de l'urbanisme avant de délivrer le permis de construire modificatif du 11 octobre 2021, bien qu'il ne soit pas conforme mais purement consultatif, apparaît de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de cet arrêté et du refus de procéder à son retrait. Le préfet des Hauts-de-Seine est donc fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande de suspension de l'exécution de l'arrêté de la maire de la commune de Bagneux du 11 octobre 2021 et du refus de procéder à son retrait du 15 décembre 2021 et il y a lieu d'y faire droit.

Sur les conclusions subsidiaires tendant à la mise en œuvre des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme :

16. Même dans l'hypothèse où le moyen de nature à créer un doute sérieux est relatif à une illégalité qui serait susceptible d'être régularisée en application des dispositions de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme, il n'appartient pas, eu égard à son office, au juge des référés, qui statue en urgence, de faire usage des pouvoirs conférés au juge du fond par l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme pour permettre au bénéficiaire de régulariser l'autorisation contestée. Les conclusions y afférentes présentées à titre subsidiaire par l'intervenante ne peuvent donc en tout état de cause qu'être rejetées.

Sur les frais de justice :

17. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ". Ces dispositions s'opposent à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune de Bagneux demande sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

ORDONNE :

Article 1er : L'intervention volontaire en défense de l'association de Bienfaisance de la Mosquée Omar du Sud des Hauts-de-Seine est admise.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la commune de Bagneux.

Article 3 : L'ordonnance du tribunal administratif de Cergy Pontoise n° 2200539 du 8 février 2022 est annulée.

Article 4 : Les conclusions subsidiaires tendant à la mise en œuvre des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme sont rejetées.

Article 5 : L'arrêté de la maire de Bagneux du 11 octobre 2021 et le refus de procéder à son retrait du 15 décembre 2021 sont suspendus jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur leur légalité.

Article 6 : Les conclusions de la commune de Bagneux présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 7 : La présente ordonnance sera notifiée au préfet des Hauts-de-Seine, au ministre de l'intérieur, à la commune de Bagneux et à l'association de bienfaisance de la mosquée d'Omar du Sud des Hauts-de-Seine.

Fait à Versailles, le 12 avril 2022.

Le premier vice-président de la Cour,

juge des référés

B. EVEN

 

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

N° 22VE0391

Code publication

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