Conseil d'Etat

Décision du 28 mars 2022 n° 451014

28/03/2022

Non renvoi

Conseil d'État

N° 451014
ECLI:FR:CECHS:2022:451014.20220328
Inédit au recueil Lebon
9ème chambre
M. Lionel Ferreira, rapporteur
Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public
SCP DE NERVO, POUPET, avocats


Lecture du lundi 28 mars 2022

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

Vu la procédure suivante :

La société Yutaka France-Japon Management a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 20 mars 2017 par laquelle le directeur départemental de la protection des populations de Paris lui a enjoint, en application de l'article L. 521-1 du code de la consommation, de cesser sous 30 jours diverses pratiques commerciales trompeuses ainsi que la décision du 26 juillet 2017 portant rejet de son recours gracieux. Par jugement n° 1714412 du 26 mars 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 19PA01664 du 28 janvier 2021, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par société Yutaka France-Japon Management contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 24 mars et 24 juin 2021 ainsi que le 10 mars 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Yutaka France-Japon Management demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code de la consommation ;

- l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 ;

- la décision n° 2014-690 DC du 13 mars 2014 du Conseil constitutionnel ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Lionel Ferreira, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP de Nervo, Poupet, avocat de la société Yutaka France-Japon Management ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 822-1 du code de justice administrative : " Le pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat fait l'objet d'une procédure préalable d'admission. L'admission est refusée par décision juridictionnelle si le pourvoi est irrecevable ou n'est fondé sur aucun moyen sérieux ".

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

2. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé () à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat () ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

3. D'une part, aux termes de l'article L. 521-1 du code de la consommation, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 14 mars 2016 relative à la partie législative du code de la consommation : " Lorsque les agents habilités constatent un manquement ou une infraction avec les pouvoirs prévus au présent livre, ils peuvent, après une procédure contradictoire, enjoindre à un professionnel, en lui impartissant un délai raisonnable qu'ils fixent, de se conformer à ses obligations ".

4. D'autre part, en vertu de l'article L. 511-5 du même code, les agents de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes sont habilités à rechercher et à constater les infractions ou les manquements aux dispositions, notamment, de la section 1 du chapitre Ier du titre II du livre Ier dont font partie celles de l'article L. 121-2 relatives aux pratiques commerciales trompeuses, et en vertu de l'article L. 532-1 de ce code, c'est l'autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation qui prononce l'amende administrative lorsqu'il n'a pas été déféré dans le délai imparti à une injonction relative aux infractions ou aux manquements constatés avec les pouvoirs mentionnés notamment aux dispositions précitées.

5. Le principe de la séparation des pouvoirs, non plus qu'aucun autre principe ou règle de valeur constitutionnelle, ne fait obstacle à ce qu'une autorité administrative, agissant dans le cadre de prérogatives de puissance publique, puisse exercer un pouvoir de sanction dans la mesure nécessaire à l'accomplissement de sa mission, dès lors que l'exercice de ce pouvoir est assorti par la loi de mesures destinées à assurer la protection des droits et libertés constitutionnellement garantis, ainsi que l'a, d'ailleurs, jugé le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2014-690 DC du 13 mars 2014, en déclarant conformes à la Constitution les dispositions du VII de l'article L. 141-1 du code de la consommation qui prévoyaient déjà, avant l'ordonnance du 14 mars 2016 relative à la partie législative du code de la consommation, que l'autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation était compétente, d'une part, pour constater les infractions et manquements aux obligations posées par diverses dispositions et enjoindre au professionnel de se conformer à celles-ci et, d'autre part, pour prononcer les amendes administratives sanctionnant l'inexécution des mesures d'injonction.

6. Par suite, il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité tirée de ce que l'article L. 521-1 du code de la consommation méconnait les exigences de l'article 16 de la Déclaration de 1789, qui n'est pas nouvelle et ne présente, en tout état de cause, pas un caractère sérieux.

Sur les autres moyens du pourvoi :

7. Pour demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque, la société Yutaka France-Japon Management soutient que la cour administrative d'appel de Paris :

- l'a rendu à la suite d'une procédure irrégulière dès lors que son représentant, présent à l'audience n'a été ni invité ni autorisé à présenter des observations orales ;

- l'a insuffisamment motivé en omettant de répondre au moyen tiré de ce qu'elle avait été privée de son droit d'accès au dossier, et en se bornant à énoncer que le caractère contradictoire de la procédure n'avait pas été méconnu ;

- l'a entaché d'une erreur de droit en jugeant qu'une sanction pouvait être infligée sans qu'elle ait eu accès aux pièces du dossier ;

- a dénaturé les faits en estimant que la décision du 20 mars 2017 était suffisamment motivée ;

- a commis une erreur de droit en jugeant que le délai de prescription court à compter de la date de réalisation des actes d'enquête et non de la date de commission des faits reprochés ;

- a commis une erreur de qualification juridique et une erreur de droit en jugeant qu'elle se serait rendue coupable de pratiques commerciales trompeuses en utilisant, sur différents supports, des présentations entretenant l'idée que l'établissement de formation qu'elle exploite bénéficiait d'une reconnaissance officielle de l'Etat.

8. Aucun de ces moyens n'est de nature à permettre l'admission du pourvoi.

D E C I D E :

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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la société Yutaka France-Japon Management.

Article 2 : Le pourvoi de la société Yutaka France-Japon Management n'est pas admis.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Yutaka France-Japon Management et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au Premier ministre.451014

Code publication

C