Conseil d'Etat

Ordonnance du 16 mars 2022 n° 462146

16/03/2022

Non renvoi

Conseil d'État

N° 462146
ECLI:FR:CEORD:2022:462146.20220316
Inédit au recueil Lebon



Lecture du mercredi 16 mars 2022

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 8 mars 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, l'Union défense active des forains et l'association France liberté voyage demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) d'ordonner la suspension de l'exécution du refus d'abroger l'article 2 du décret n° 2021-1093 du 18 août 2021 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que les gens du voyage pourront faire l'objet d'amendes forfaitaires délictuelles lorsqu'ils se déplaceront sur le territoire durant le printemps, et que la notification par lettre simple des amendes forfaitaires délictuelles méconnaît les droits de la défense des gens du voyage, qui constituent une population vulnérable au sens de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée dès lors que la notification des amendes forfaitaires délictuelles par lettre simple méconnaît les droits de la défense, et est manifestement inadaptée en ce qu'elles peuvent donner lieu à une inscription sur le casier judiciaire du destinataire et au prononcé de peines privatives de liberté.

Par un mémoire distinct, enregistré le 13 mars 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, ils concluent à ce que soit transmise au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité tirée de ce que les articles L. 322-4-1 et L. 495-24-1 du code de procédure pénale méconnaissent les droits et libertés que la Constitution garantit.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de procédure pénale ;

- le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.

2. L'Union défense active des forains et l'association France liberté voyage demandent au juge des référés du Conseil d'État, statuant sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, d'ordonner la suspension de l'exécution du refus d'abroger l'article 2 du décret du 18 août 2021 relatif à la procédure de l'amende forfaitaire délictuelle, en ce qu'il prévoit que sa notification s'effectue dorénavant par lettre simple.

3. L'urgence justifie la suspension de l'exécution d'un acte administratif lorsque celui-ci porte atteinte de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte contesté sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. L'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire.

4. Pour justifier de l'urgence à ordonner la suspension demandée, les requérantes se bornent à soutenir que les gens du voyage amenés à se déplacer sur le territoire durant le printemps risquent de faire l'objet d'amendes forfaitaires délictuelles et que la notification par lettre simple des amendes forfaitaires délictuelles méconnaît les droits de la défense des gens du voyage qui constituent une population vulnérable. De telles considérations générales ne caractérisent pas une atteinte suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation des requérantes ou aux intérêts qu'elles entendent défendre.

5. La condition d'urgence prévue à l'article L. 521-1 du code de justice administrative n'étant pas remplie, il y a lieu, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur le sérieux des moyens invoqués ni de renvoyer la question prioritaire de constitutionnalité soulevée, de rejeter la requête de l'Union défense active des forains et de l'association France liberté voyage, y compris leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du même code, selon la procédure prévue à l'article L. 522-3 de ce code.

O R D O N N E :

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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par l'Union défense active des forains et l'association France liberté voyage.

Article 2 : La requête de l'Union défense active des forains et de l'association France liberté voyage est rejetée.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à l'Union défense active des forains et à l'association France liberté voyage.

Fait à Paris, le 16 mars 202Signé : Damien Botteghi

 

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