Conseil d'Etat

Décision du 11 février 2022 n° 458613

11/02/2022

Non renvoi

Conseil d'État

N° 458613
ECLI:FR:CECHS:2022:458613.20220211
Inédit au recueil Lebon
4ème chambre
Mme Thalia Breton, rapporteur
M. Raphaël Chambon, rapporteur public
SCP RICHARD, avocats


Lecture du vendredi 11 février 2022

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

Vu la procédure suivante :

Mme C D a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Pau d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision du 1er octobre 2021 par laquelle le directeur général de l'agence régionale de santé Occitanie l'a mise en demeure de présenter, dans un délai de quarante-huit heures, les justificatifs relatifs à son statut vaccinal contre la covid-19. Par une ordonnance n° 2102904 du 8 novembre 2021, le juge des référés du tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 22 novembre et 3 décembre 2021 au secrétariat du Conseil d'Etat, Mme D demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire distinct, enregistré le 3 décembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme D demande au Conseil d'Etat, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des articles 12 et 14 de la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021, notamment ses articles 12 et 14 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Thalia Breton, auditrice,

- les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Richard, avocat de Mme D ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 9 février 2022, présentée par Mme D ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 822-1 du code de justice administrative : " Le pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat fait l'objet d'une procédure préalable d'admission. L'admission est refusée par décision juridictionnelle si le pourvoi est irrecevable ou n'est fondé sur aucun moyen sérieux ".

2. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Pau que, par une décision du 1er octobre 2021, le directeur général de l'agence régionale de santé Occitanie a mis en demeure Mme D, chirurgienne-dentiste, de présenter, dans un délai de quarante-huit heures, les justificatifs relatifs à son statut vaccinal contre la covid-19. Mme D se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 8 novembre 2021 par laquelle le juge des référés a rejeté sa demande, présentée sur le fondement de l'article L. 521-1 du même code, tendant à la suspension de l'exécution de cette décision, au motif que la condition d'urgence n'était pas remplie.

3. Par un mémoire distinct, présenté en application de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 et à l'appui de son pourvoi, Mme D demande au Conseil d'Etat de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions des articles 12 et 14 de la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire.

Sur la procédure applicable :

4. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé () à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat () ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et qu'elle soit nouvelle ou présente un caractère sérieux. L'article 23-3 de cette ordonnance prévoit qu'une juridiction saisie d'une question prioritaire de constitutionnalité " peut prendre les mesures provisoires ou conservatoires nécessaires " et qu'elle peut statuer " sans attendre la décision relative à la question prioritaire de constitutionnalité si la loi ou le règlement prévoit qu'elle statue dans un délai déterminé ou en urgence ".

5. Il résulte de la combinaison de ces dispositions avec celles du livre V du code de justice administrative qu'une question prioritaire de constitutionnalité peut être soulevée devant le juge administratif des référés statuant, en première instance, sur le fondement des articles L. 521-1, L. 521-2 ou L. 522-3 de ce code. Le juge des référés peut, lorsqu'une question prioritaire de constitutionnalité est ainsi soulevée devant lui, rejeter la demande qui lui est soumise pour incompétence de la juridiction administrative, irrecevabilité ou défaut d'urgence et décider, ainsi, de ne pas transmettre la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat.

6. Il en résulte également que, lorsque le Conseil d'Etat est saisi d'un pourvoi dirigé contre une ordonnance par laquelle le juge des référés du tribunal administratif a rejeté, sur le fondement des articles L. 521-1 ou L. 522-3 du code de justice administrative, la demande qui lui était soumise, pour incompétence de la juridiction administrative, irrecevabilité ou défaut d'urgence, le Conseil d'Etat, juge de cassation, peut, si une question prioritaire de constitutionnalité est alors soulevée pour la première fois devant lui, rejeter le pourvoi qui lui est soumis et décider de ne pas transmettre la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel, en jugeant, dans le délai de trois mois prévu par l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958, que l'ordonnance attaquée a pu, régulièrement et à bon droit, opposer, selon le cas, l'incompétence de la juridiction administrative, l'irrecevabilité de la demande ou le défaut d'urgence.

Sur le pourvoi et la question prioritaire de constitutionnalité :

7. Pour demander l'annulation de l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Pau qu'elle attaque, Mme D soutient qu'elle est entachée :

- d'irrégularité, en ce que pour retenir le défaut d'urgence, elle se fonde sur un moyen soulevé d'office sans en avoir au préalable informé les parties ni les avoir invitées à présenter leurs observations sur ce moyen ;

- d'insuffisance de motivation et d'erreur de droit en ce qu'elle juge qu'elle s'est placée elle-même dans la situation d'urgence qu'elle invoque ;

- d'erreur de droit en ce qu'elle juge que la condition d'urgence ne peut être regardée comme remplie.

8. Aucun de ces moyens n'est sérieux et de nature à permettre l'admission du pourvoi. Par suite, il n'y a pas lieu, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur son caractère nouveau ou sérieux, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions des articles 12 et 14 de la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire.

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi de Mme D n'est pas admis.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par Mme D.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme C D, au Premier ministre et au ministre des solidarités et de la santé.

Copie en sera adressée à l'agence régionale de santé Occitanie, au Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes et au Conseil constitutionnel.

Délibéré à l'issue de la séance du 3 février 2022 où siégeaient : Mme Maud Vialettes, présidente de chambre, présidant ; Mme Carine Soulay, conseillère d'Etat et Mme Thalia Breton, auditrice-rapporteure.

Rendu le 11 février 2022.

La présidente:

Signé : Mme Maud Vialettes

La rapporteure :

Signé : Mme Thalia Breton

La secrétaire:

Signé : Mme B A458613

Code publication

C