Tribunal administratif de Nice

Ordonnance du 13 septembre 2021 N° 2102918

13/09/2021

Renvoi

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE NICE

 

 

No 2102918

___________

 

COMMUNE DE LA TRINITE

___________

 

Ordonnance du 13 septembre 2021

___________

 

C

 

 

 

 

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

 

 

 

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

 

 

La présidente de la 2ème chambre

 

 

 

Vu la procédure suivante :

 

Par un mémoire enregistré le 2 juin 2021 dans le cadre de l’instance n° 2102918 tendant à l’annulation de la décision du 31 mars 2021 par laquelle le directeur départemental des finances publiques a fixé le coefficient correcteur communal de l’article 16 de la loi de finances pour 2020, la commune de Trinité, représentée par Me Daboussy et Me Aude de Prémare soulève une question prioritaire de constitutionnalité présentée en application des articles 23-1 et suivants de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958.

 

Elle demande au tribunal de transmettre au Conseil d’Etat, pour saisine du Conseil constitutionnel, la question de la conformité des dispositions de l’article 16-IV de la loi n°2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 aux droits et libertés que la Constitution garantit et, en particulier à l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 dont découle le principe d’égalité devant la loi fiscale d’une part et aux articles 72 et 72-2 de la Constitution protégeant la libre administration des collectivités territoriales.

 

Elle soutient que les dispositions de cet article de loi, en ce qu’il exclurait au titre du produit de la recette à compenser la part du produit de la taxe d’habitation additionnelle s’appliquent son litige, qu’elles n’ont pas été déclarées conformes à la constitution par le Conseil constitutionnel et la question n’est pas dépourvue de caractère sérieux.

 

Le mémoire soulevant la question prioritaire de constitutionnalité a été communiqué à la direction départementale des finances publiques des Alpes-Maritimes le 22 juin 2021, qui a également été mise en demeure de produire ses observations le 16 juillet 2021.

 

La direction départementale des finances publiques des Alpes-Maritimes n’a produit aucune observation suite à la communication du mémoire de la commune de la Trinité et à la mise en demeure du tribunal.

 

 

Vu :

- la Constitution et notamment son Préambule ;

- l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

- la loi n°2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 ;

- le code de justice administrative.

 

 

Considérant ce qui suit :

 

1. Il résulte des dispositions de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat a transmis à ce dernier, en application de l'article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la Constitution d'une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

 

2. L’article 16 de la loi n°2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 dans son point IV dispose : « -A.-Pour chaque commune, est calculée la différence entre les deux termes suivants :

1° La somme :

a) Du produit de la base d'imposition à la taxe d'habitation sur les locaux meublés affectés à l'habitation principale de la commune déterminée au titre de 2020 par le taux communal de taxe d'habitation appliqué en 2017 sur le territoire de la commune ;

b) Des compensations d'exonération de taxe d'habitation versées en 2020 à la commune;

c) De la moyenne annuelle des rôles supplémentaires de taxe d'habitation sur les locaux meublés affectés à l'habitation principale émis en 2018,2019 et 2020 au profit de la commune ;

2° La somme :

a) Du produit net issu des rôles généraux de la taxe foncière sur les propriétés bâties émis en 2020 au profit du département sur le territoire de la commune ;

b) Des compensations d'exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties versées en 2020 au département sur le territoire de la commune ;

c) De la moyenne annuelle des rôles supplémentaires de taxe foncière sur les propriétés bâties émis en 2018,2019 et 2020 au profit du département sur le territoire de la commune.

 

B.-Pour chaque commune, est calculé un coefficient correcteur égal au rapport entre les termes suivants :

1° La somme :

a) Du produit net issu des rôles généraux de la taxe foncière sur les propriétés bâties émis en 2020 au profit de la commune ;

b) Du produit net issu des rôles généraux de la taxe foncière sur les propriétés bâties émis en 2020 au profit du département sur le territoire de la commune ;

c) De la différence définie au A du présent IV ;

2° La somme :

a) Du produit net issu des rôles généraux de la taxe foncière sur les propriétés bâties émis en 2020 au profit de la commune ;

b) Du produit net issu des rôles généraux de la taxe foncière sur les propriétés bâties émis en 2020 au profit du département sur le territoire de la commune ».

 

3. En premier lieu, il est constant que les dispositions énoncées ci-dessus sont applicables au présent litige, au sens et pour l'application de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 modifiée.

 

4. En deuxième lieu, le IV de l’article 16 précité n’a pas été déclaré conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel notamment dans sa décision n° 2019-796 DC du 27 décembre 2019 qui n’a déclaré conforme à la Constitution que le 3° du 1 et le 1° du 2 du H du paragraphe I de l'article 16 ainsi que le 1 du K du paragraphe VI du même article 16.

 

5. La commune expose que l’application de la disposition législative précitée institue une différence de traitement entre les communes au titre de la compensation de la perte du produit de la taxe d’habitation selon les modalités de financement de leurs services publics et pénalisent celles qui ont choisi de fiscaliser leurs contributions à un syndicat de communes. En troisième et dernier lieu, la question, posée par la requérante, de l’atteinte portée par les dispositions précitées au principe d’égalité devant la loi, au principe de libre administration des collectivités territoriales garantis par la Constitution, notamment l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et les articles 72 et 72-2 de la Constitution n’est pas dépourvue de caractère sérieux.

 

6. Il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu de transmettre au Conseil d’Etat la question prioritaire de constitutionnalité posée par la commune de la Trinité dans le cadre de l’instance n° 2102918.

 

 

 

ORDONNE :

 

 

 

Article 1er : La question prioritaire de constitutionnalité présentée par la commune de la Trinité est transmise au Conseil d'Etat.

 

Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête en annulation introduite par la commune de la Trinité et dirigée contre la décision du 31 mars 2021 du directeur départemental des finances publiques jusqu’à la réception de la décision du Conseil d’Etat ou, s’il a été saisi, jusqu’à ce que le Conseil constitutionnel ait tranché la question de constitutionnalité ainsi soulevée.

 

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la commune la Trinité et à la direction départementale des finances publiques des Alpes-Maritimes.

 

 

Fait à Nice, le 13 septembre 2021.

 

 

 

La présidente de la 2ème chambre,

 

Signé

 

V. Chevalier-Aubert

 

La République mande et ordonne au ministre de l’économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

 

Pour expédition conforme,

Le greffier en chef,

Ou par délégation, le greffier

 

 

 

 

 

 

 

 

 

N° 2102918