Conseil d'Etat

Ordonnance du 13 août 2021 n° 455383

13/08/2021

Autre

CONSEIL D'ETAT

statuant

au contentieux

 

 

 

 

 

 

N° 455383

__________

 

M. A... et ASSOCIATION BONSENS.ORG

__________

 

Ordonnance du 13 août 2021

 

 

 

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

 

 

 

 

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

 

 

 

LE JUGE DES RÉFÉRÉS

 

 

 

 

 

 

Vu la procédure suivante :

 

Par une requête, enregistrée le 10 août 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, M. B... A... et l’association Bonsens.org demandent au juge des référés du Conseil d’Etat, statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative :

 

1°) de transmettre au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’article L. 3136-1 du code de la santé publique jointe à l’appui de sa requête ;

 

2°) de ne pas surseoir à statuer dans l’attente de la décision du Conseil constitutionnel ;

 

3°) d’enjoindre au Premier ministre de produire dans un délai de trois jours suivant l’ordonnance à intervenir des QR codes de « passes sanitaires » conformes aux exigences du B du II de l’article 1er de la loi n° 2021-689 du 31 mai 2021 modifiée, c’est-à-dire ne permettant pas de connaître la nature du document et de savoir s’il s’agit d’une attestation de test virologique, d’une vaccination ou d’un certificat de rétablissement, sous astreinte de 500 euros par jour de retard au profit de M. A... et de 1 000 000 euros par jour de retard au profit de l’association Bonsens.org ;

 

4°) de suspendre l’exécution du chapitre 2, notamment de l’article 2-3 du décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 modifié, dans l’attente de la réémission des certificats avec un QR code répondant aux exigences du B du II de l’article 1er de la loi n° 2021-689 du 31 mai 2021 modifiée, c’est-à-dire ne comprenant pas la nature du document mais uniquement les informations nécessaires, à savoir le nom, les prénoms, la date de naissance et la date limite de validité du certificat ;

 

5°) à titre subsidiaire, d’interdire temporairement certaines activités exposant particulièrement à un risque de contamination si la suspension de l’exécution du « passe sanitaire » est considérée comme faisant courir des risques sanitaires importants ;

 

6°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

 

 

Ils soutiennent que :

- ils justifient d’un intérêt à agir dès lors que, d’une part, l’obligation de se munir d’un « passe sanitaire » restreint les libertés fondamentales de M. A... en ce qu’elle l’empêche de se rendre notamment dans les restaurants, hypermarchés et à la piscine municipale pour participer à son club de plongée et, d’autre part, l’association Bonsens.org a pour objet statutaire la sauvegarde de la santé et la défense des libertés ;

- la condition d’urgence est satisfaite dès lors, en premier lieu, que le décret contesté affecte déjà M. A... dans sa vie quotidienne ainsi que celle de millions de Français, en deuxième lieu, que les possesseurs d’un « QR code » sont exposés à une amende au titre de l’article L. 3136 du code de la santé publique s’ils utilisent des « QR codes » comportant des informations sur la nature du document et, en dernier lieu, que le dispositif en cause les expose à des atteintes au secret médical ;

- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales ;

- les « QR codes » délivrés méconnaissent les dispositions de la loi n° 2021-689 du 31 mai 2021 modifiée, dès lors, en premier lieu, qu’ils sont susceptibles de permettre de connaître la nature du document et de savoir s’il s’agit d’une attestation de test virologique, d’une vaccination ou d’un certificat de rétablissement, en deuxième lieu, que la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) a alerté sur la possibilité d’avoir accès à des données protégées par le secret médical notamment sur l’application « TousAntiCovid » et, en troisième lieu, que les possesseurs d’un « QR code » sont exposés à une amende au titre de l’article L. 3136 du code de la santé publique s’ils utilisent des « QR codes » comportant des informations sur la nature du document et, en dernier lieu, ils les exposent à des atteintes au secret médical.

 

Par un mémoire distinct, enregistré le 10 août 2021, présenté en application de l’article 23-5 de l’ordonnance du 7 novembre 1958, M. A... demande au juge des référés du Conseil d’Etat de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du VIII de l’article 1er de la loi n° 2021-689 du 31 mai 2021. Il soutient que ces dispositions sont applicables au litige qu’elles n’ont pas été déclarées conformes à la Constitution et qu’elles posent une question nouvelle et sérieuse.

 

 

Vu les autres pièces du dossier ;

 

Vu :

- la loi n° 2021-689 du 31 mai 2021 modifiée ;

- le décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 modifié ;

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative ;

 

 

 

Considérant ce qui suit :

 

1. Aux termes de l’article L. 521-2 du code de justice administrative : « Saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (…) ». En vertu de l’article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d’urgence n’est pas remplie ou lorsqu’il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu’elle est irrecevable ou qu’elle est mal fondée.

 

2. Il résulte de la combinaison des dispositions de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 avec celles du livre V du code de justice administrative qu’une question prioritaire de constitutionnalité peut être soulevée devant le juge administratif des référés statuant sur le fondement de l’article L. 521-1 de ce même code. Le juge des référés peut en toute hypothèse, y compris lorsqu’une question prioritaire de constitutionnalité est soulevée devant lui, rejeter une requête qui lui est soumise pour incompétence de la juridiction administrative, irrecevabilité ou défaut d’urgence.

 

3. Les requérants demandent en substance au juge des référés du Conseil d’Etat, statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative d’enjoindre au Premier ministre de produire des codes de « passes sanitaires » ne permettant pas de connaître la nature du document et de savoir s’il s’agit d’une attestation de test virologique, d’une vaccination ou d’un certificat de rétablissement et, dans l’attente, de suspendre l’exécution du chapitre 2, notamment de l’article 2-3 du décret du 1er juin 2021 modifié.

 

4. Pour justifier de l’urgence à ce qu’il soit fait droit à leurs conclusions, les requérants se bornent à soutenir qu’il serait possible, à l’aide de dispositifs accessibles anonymement sur Internet, de détourner le dispositif du « QR code » mise en place dans le cadre du « passe sanitaire » afin d’accéder illégalement aux informations médicales sensibles qu’il contiendrait.

 

5. Eu égard cependant, d’une part, à l’état de la situation sanitaire au vu de laquelle le législateur a adopté la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire laquelle permet de subordonner l’accès à certains lieux, établissements, services ou événements à la présentation d’un « passe sanitaire » et, d’autre part, à l’intérêt public qui s’attache à l’exécution de ces mesures, compte tenu de la persistance de l’épidémie et des délais nécessaires au déploiement de la vaccination, la condition d’urgence particulière requise par l’article L. 521-2 du code de justice administrative n’est pas remplie.

 

6. Dès lors, et sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la transmission au Conseil constitutionnel de la question prioritaire de constitutionnalité soulevée, la requête de M. A... et autre doit être rejetée, y compris les conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, selon la procédure prévue à l’article L. 522-3 du même code.

 

 

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de M. A... et autre est rejetée.

 

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B... A..., premier requérant dénommé.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

N° 455383 2