Conseil d'Etat

Décision du 6 août 2021 n° 446688

06/08/2021

Non renvoi

CONSEIL D'ETAT

statuant

au contentieux

PD

 

 

 

N° 446688

 

__________

 

FEDERATION FRANÇAISE DE DETECTION DE METAUX

__________

 

Mme Coralie Albumazard

Rapporteure

__________

 

M. Olivier Fuchs

Rapporteur public

__________

 

Séance du 8 juillet 2021

Décision du 6 août 2021

__________

 

REPUBLIQUE FRANÇAISE

 

 

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

 

 

 

Le Conseil d'Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 6ème chambre)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Vu la procédure suivante :

 

Par un mémoire et deux mémoires complémentaires, enregistrés les 2 et 28 juin et le 1er juillet 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d’État, la Fédération française de détection de métaux demande au Conseil d’État, en application de l’article 23-5 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l’appui de sa requête tendant à l’annulation de la décision du garde des sceaux, ministre de la justice, du 23 octobre 2020 refusant de faire droit à sa demande d’abrogation de la circulaire du 18 avril 2017 relative à l’extension de la compétence concurrente des juridictions du littoral spécialisées aux infractions d’atteintes aux biens culturels maritimes, et en particulier, des énonciations de la fiche DACG FOCUS intitulée "Le traitement des atteintes au patrimoine culturel, archéologique et historique", de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des articles L. 531-1, L. 541-4, L. 541-5, L. 542-1, L. 544-1 et L. 544-4-1 du code du patrimoine.

 

 

 

 

…………………………………………………………………………

 

 

Vu les autres pièces du dossier ;

 

Vu :

- la Constitution, notamment son article 61-1 ;

- l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code du patrimoine ;

- le code de justice administrative ;

 

 

 

Après avoir entendu en séance publique :

 

- le rapport de Mme Coralie Albumazard, maître des requêtes en service extraordinaire,

 

- les conclusions de M. Olivier Fuchs, rapporteur public ;

 

 

 

Considérant ce qui suit :

 

1. Aux termes du premier alinéa de l’article 23-5 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : « Le moyen tiré de ce qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (…) à l’occasion d’une instance devant le Conseil d’Etat (…) ». Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu’elle n’ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

 

2. La Fédération nationale des détecteurs de métaux soulève, à l’appui des conclusions de sa requête tendant à l’annulation du refus d’abroger la circulaire du 18 janvier 2017 relative à l’extension de la compétence concurrente des juridictions du littoral spécialisées (JULIS) aux infractions d’atteintes aux biens culturels maritimes, en application des articles 706-111-1 et suivants du code de procédure pénale, la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des articles L. 531-1, L. 541-4, L. 541-5, L. 542-1, L. 544-1 et L. 544-4-1 du code du patrimoine.

 

3. Aux termes de l’article L. 542-1 du code du patrimoine : « Nul ne peut utiliser du matériel permettant la détection d’objets métalliques, à l’effet de recherches de monuments et d’objets pouvant intéresser la préhistoire, l’histoire, l’art ou l’archéologie, sans avoir, au préalable, obtenu une autorisation administrative délivrée en fonction de la qualification du demandeur ainsi que de la nature et des modalités de la recherche ». L’article L. 531-1 du code du patrimoine dispose que : « Nul ne peut effectuer sur un terrain lui appartenant ou appartenant à autrui des fouilles ou des sondages à l’effet de recherches de monuments ou d’objets pouvant intéresser la préhistoire, l’histoire, l’art ou l’archéologie, sans en avoir au préalable obtenu l’autorisation (…) ». Les articles L. 541-4 et L. 541-5 du même code organisent la propriété de l’Etat sur les biens archéologiques mobiliers mis à jour au cours d’une opération archéologique ou découverts de façon fortuite, après reconnaissance de leur intérêt scientifique par l’autorité administrative, pris sur avis d’une commission d’experts scientifiques. Enfin, l’article L. 544-1 du code du patrimoine punit « d’une amende de 7 500 euros le fait, pour toute personne, de réaliser, sur un terrain lui appartenant ou appartenant à autrui, des fouilles ou des sondages à l’effet de recherches de monument ou d’objet pouvant intéresser la préhistoire, l’histoire, l’art ou l’archéologie : a) Sans avoir obtenu l’autorisation prévue aux articles L. 531-1 ou L. 531-15 ; b) Sans se conformer aux prescriptions de cette autorisation ; c) Malgré le retrait de l’autorisation de fouille en application des dispositions de l’article L. 531-6 », tandis que l’article L. 544-4-1 du même code punit d’une amende de 3 750 euros « le fait, pour toute personne, d’aliéner un bien archéologique mobilier ou de diviser ou aliéner par lot ou pièce un ensemble de biens archéologiques mobiliers reconnu comme cohérent sur le plan scientifique sans avoir préalablement établi la déclaration mentionnée à l’article L. 541-6 ».

 

4. Ces dispositions mettent en place deux régimes d’autorisations préalables, l’un pour l’utilisation de dispositifs de détection de métaux, l’autre pour la réalisation de fouilles et de sondages, dès lors qu’il s’agit de recherches de monuments ou d’objets « pouvant intéresser la préhistoire, l’histoire, l’art ou l’archéologie ». Elles prévoient en outre la propriété de l’Etat sur les biens archéologiques mobiliers mis au jour à la suite d’opérations de fouilles archéologiques ou de découvertes fortuites. D’une part, ces dispositions poursuivent l’intérêt général de préservation du patrimoine archéologique, historique et artistique. D’autre part, ce régime se borne, dans les hypothèses précitées, à subordonner l’utilisation d’un détecteur de métaux par son propriétaire à la délivrance d’une autorisation par l’administration, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir. En outre, contrairement à ce que soutient l’association requérante, les termes de « fouilles » ou de « sondages » utilisés par la loi pour imposer une autorisation et en sanctionner pénalement le défaut correspondent à des termes usuels qui ne suscitent pas de difficulté d’interprétation. Il en va de même de la notion de « biens archéologiques mobiliers mis au jour à la suite d’opérations de fouilles archéologiques et de découvertes fortuites » sur certains terrains, qui renvoie sans ambiguïté aux objets découverts pouvant intéresser la préhistoire, l’histoire, l’art ou l’archéologie, c’est-à-dire aux objets produits ou transformés par l’activité humaine, mais aussi aux divers prélèvements de matériaux naturels et de nature biologique relatifs au règne humain, animal et végétal, et dont l’attribution de la propriété à l’Etat par les dispositions contestées, prononcée après l’avis de la commission mentionnée à l’article L. 541-4 qui a pour but d’éclairer la décision de l’autorité administrative quant à l’intérêt scientifique des biens en cause, répond à l’objectif d’intérêt général précité. Il résulte de ce qui précède que les moyens tirés de ce que les restrictions apportées par les dispositions législatives en cause à l’usage, par les propriétaires de détecteurs de métaux, de ces appareils porteraient atteinte à leur droit de propriété, de l’atteinte portée au droit de propriété des propriétaires des terrains sur lesquels sont découverts des biens archéologiques mobiliers et de ce qu’elles remettraient en cause le principe de légalité des délits et des peines ne présentent pas de caractère sérieux. Il en va de même du grief tiré de ce que ces dispositions porteraient une atteinte injustifiée aux dispositions de l’alinéa 11 du Préambule de la Constitution de 1946, selon lesquelles la Nation « garantit à tous (…) les loisirs ».

 

5. Il en résulte qu’il n’y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée.

 

 

 

 

 

D E C I D E :

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Article 1er : Il n’y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la Fédération française de détection de métaux.

 

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la Fédération française de détection de métaux et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel, au Premier ministre et à la ministre de la culture.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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